Comment le souvenir des attentats du 13 novembre 2015 évolue-t-il ?

Le programme de recherche « 13-Novembre », qui s’étendra sur douze ans, a été lancé en 2016 dans les suites des attentats qui ont ensanglanté Paris en 2015.

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Par Francis Eustache, Hélène Amieva, Thierry Baubet, Jean-Gabriel Ganascia, Robert Jaffard et al. Publié le 1 janvier 2024 à 10h00
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Ce vaste programme transdisciplinaire a pour objectifs généraux d’étudier la construction et l’évolution de la mémoire individuelle et collective de ces événements, et comme objectif spécifique de mieux comprendre le trouble de stress post-traumatique sur le plan à la fois psychopathologique, neuropsychologique et neuroscientifique, en utilisant la neuro-imagerie, afin d’améliorer la prise en charge des individus qui en sont affectés (Eustache et Peschanski, 2017, 2021, 2022).

Comment le souvenir des attentats du 13 novembre 2015 évolue-t-il dans les mémoires individuelles et la mémoire collective ? Comment ces mémoires individuelles se nourrissent-elles de la mémoire collective, et inversement ? Quels sont les marqueurs cérébraux du trouble de stress post-traumatique et de la résilience ? Quels sont les différents effets sur la mémoire des personnes qui ont été exposés à ces événements tragiques, qu’elles aient ou non développé un TSPT ?

Pour tenter de répondre à ces questions, le programme, porté par le CNRS, l’Inserm et héSam Université, et codirigé par un historien (Denis Peschanski) et un neuropsychologue (Francis Eustache), s’articule autour de deux études principales, l’une à dominante socio-psychologique, l’autre à dominante de recherche médicale. Mobilisant plusieurs centaines de professionnels, ce programme est une première mondiale par son ampleur, le nombre de disciplines associées et le protocole établi. Des retombées sont attendues dans les domaines socio-historique et biomédical, mais aussi du droit et des politiques publiques ou de la santé publique.

La première étude, l’Étude 1 000, est fondée sur le recueil et l’analyse de témoignages de 1 000 personnes volontaires interrogées lors de quatre campagnes d’entretiens filmés en 2016, 2018, 2022 et prévue en 2026. La répartition des volontaires s’est faite en fonction de leur proximité avec les événements ou les lieux des attentats, soit quatre cercles, du plus proche au plus lointain. Le cercle 1 est constitué de survivants, témoins, services de santé, policiers, familles endeuillées (360 personnes, 36 % des entretiens réalisés lors de la première phase en 2016), le cercle 2 de personnes non exposées mais habitant ou travaillant dans les quartiers où ont eu lieu les attentats, le cercle 3, de personnes habitant en métropole parisienne et le cercle 4, d’habitants de trois villes de province (Caen, Metz et Montpellier). Les captations réalisées par l’INA et l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) sont versées aux Archives nationales des attentats du 13 novembre. Ces témoignages individuels seront mis en perspective avec les traces de la mémoire collective telle qu’elle se construit au fil des années, et notamment à l’aide des enquêtes d’opinion menées par le Centre de recherche pour l’étude des conditions de vie (Crédoc), répétées pendant plusieurs années, sur la mémorisation et la perception des attentats du 13 novembre 2015 en France (voir chapitre 8).

Le second pan du programme « 13-Novembre » constitue un autre vaste chantier, inséparable de l’Étude 1 000. L’étude, appelée « REMEMBER », analyse les conséquences d’un événement traumatique et du stress qui en découle sur l’évolution des fonctions psychologiques et cérébrales, tout particulièrement les mécanismes de la mémoire. Les deux cents participants de cette cohorte – dont les deux tiers ont déjà été interviewés dans le cadre de l’Étude 1 000 – suivent un protocole de recherche biomédicale durant deux jours dans une unité de recherche de Caen. Parmi les deux cents participants de l’étude « REMEMBER », un tiers des sujets est composé d’un groupe contrôle, à savoir des sujets non exposés et vivant à Caen. Les deux autres tiers proviennent du cercle 1 de Paris, exposés aux attentats du 13 novembre 2015 : certains ont développé un TSPT, tandis que d’autres montrent une forme de résilience, une fois passé le choc traumatique. Les diagnostics sont portés par des médecins psychiatres lors de la venue des participants à Caen. L’étude étant longitudinale, ces entretiens à visée diagnostique sont répétés lors des différentes phases du protocole.

Livre Mémoire Et Traumatisme

Extrait de "Mémoire et Traumatisme", écrit par Francis Eustache, Hélène Amieva, Thierry Baubet, Jean-Gabriel Ganascia, Robert Jaffard et al. aux éditions Dunod que nous remercions pour la publication.
Pour obtenir le livre : https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/memoire-et-traumatisme

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