Accompagner au mieux les enfants souffrant de troubles du neurodéveloppement

Troubles « DYS¹ », TDAH², TSA³… Derrière ces acronymes encore trop méconnus, se cachent des troubles du neurodéveloppement (TND), qui touchent aujourd’hui 1 enfant sur 6 en France. Problèmes de concentration ou de langage, difficultés d’apprentissage, hypersensibilité ou encore hyperactivité : ces spécificités, parfois décelées tardivement, peuvent bouleverser le quotidien des familles et de ces enfants.

Claire Lanneau
By Claire Lanneau Published on 16 décembre 2025 4h30
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Accompagner au mieux les enfants souffrant de troubles du neurodéveloppement - © Economie Matin
15%Les troubles du neuro-développement touchent 15 % de la population

Pourtant, avec une écoute attentive et des comportements adaptés, il est possible d’aider ces derniers à s’épanouir sereinement. Chaque jour, des « Babychou-sitters », intervenants professionnels formés et expérimentés, les accompagnent avec bienveillance dans leurs routines, leurs apprentissages et la gestion de leurs émotions. Fortes de leur expérience, Léandra, Evelyne, Mathilde et Carine partagent leurs conseils et astuces pour accompagner au mieux ces enfants, qui demandent avant tout de la compréhension, de l’adaptation… et beaucoup de patience.

Comprendre et reconnaître les besoins spécifiques

Les troubles du neurodéveloppement ne sont ni un « effet de mode », ni le signe d’un manque d’éducation. Ils sont le résultat de dysfonctionnements dans certaines zones du cerveau, affectant le langage, la coordination, la mémoire ou l’attention.

Ainsi, dans les cas de troubles DYS, l’enfant doit mobiliser une énergie colossale pour traiter les informations que son cerveau peut avoir du mal à organiser : lire une phrase, comprendre une consigne ou encore copier un mot peut alors s’apparenter à un véritable marathon cognitif. Les enfants TDAH, quant à eux, peuvent avoir du mal à filtrer les stimuli, à maintenir leur attention ou encore à rester immobiles. Pour les enfants avec un TSA, ce sont souvent les interactions sociales et les changements imprévus qui posent difficulté.

Léandra, 27 ans, intervenante au sein de l’agence Babychou Services de Méru, en sait quelque chose. Elle-même diagnostiquée TDAH, elle accompagne aujourd’hui un petit garçon au profil très proche du sien : « Il est très facilement distrait, gigote sans arrêt, ne tient pas en place. Mais attention, ce n’est pas de la désobéissance, ni fait méchamment de sa part ! Son cerveau va juste trop vite… Il peut parfois être un peu “brut de décoffrage”. Il faut vraiment aller voir plus loin que l’analyse du seul comportement ».

Ce regard sans jugement est partagé par Evelyne, intervenante au sein de l’agence Babychou Services de Vannes et forte de 45 ans d’expérience dans la garde d’enfants : « Ce qui peut alerter, c’est souvent quand le langage ne se développe pas bien ou au contraire trop bien, un balancement régulier, une gêne par rapport au bruit environnant, des colères répétées… Il est important d’observer, mais en veillant à ne pas interpréter trop vite. Un avis médical sera toujours essentiel pour la pose du diagnostic ».

Carine, 44 ans, intervenante au sein de l’agence Babychou Services de Libourne après 10 ans d’expérience en crèche et micro-crèche, est elle-même maman de 5 enfants, dont l’un avec un TSA. Elle évoque quant à elle la tendance de ces enfants à répéter les mêmes gestes ou à avoir les mêmes attitudes face à certaines situations, ce qu’on appelle la stéréotypie ; mais aussi le développement de certaines phobies.

Mathilde, 23 ans, éducatrice spécialisée qui totalise déjà 6 ans d'expérience dans la garde d'enfants et l'accompagnement d'adultes handicapés, est chargée du suivi des intervenantes en CAP au sein de l’agence Babychou Services de Montpellier. De son côté, elle souligne l’hypersensibilité de ces enfants : « Quelque chose qui peut paraître banal pour nous, peut être perçu comme une agression. »

Ces différents signes sont souvent repérés par les parents et par ces intervenantes expérimentées, avant même l’école. Ils constituent donc de précieux indices pour orienter les parents parfois en plein doute. Toutes quatre le martèlent avec force : « en cas de doute, le mieux est d’en avoir le cœur net, et donc de consulter des spécialistes pour un bilan dédié, même si cela peut parfois prendre du temps. Car, une fois diagnostiqués, suivis et traités, ces enfants se sentiront mieux et pourront progresser, aidés et écoutés ».

Instaurer un climat de confiance et de sécurité

Face à ces enfants, la patience, l’écoute, l’observation, mais aussi la stabilité, l’adaptabilité et la prévisibilité sont essentielles. Les routines, les repères et les transitions claires les sécurisent. On évitera donc de les prendre au dépourvu.

Pour Carine, la première rencontre avec les parents est déterminante : « Avant même la première garde, je prends le temps d’échanger longuement avec les parents, afin qu’ils me communiquent un maximum d’éléments les concernant ». Un sentiment partagé par Evelyne : « Ces premiers échanges avec les parents sont primordiaux, car ils nous permettent de connaître toutes les habitudes, les petites manies, mais aussi les goûts et les appréhensions de ces enfants. Maîtriser et respecter ce protocole mis en place par les parents nous permet ensuite d’éviter de contrarier l’enfant. Cela lui donne un cadre rassurant. »

La bienveillance passe aussi par la gestion des détails : savoir qu’un enfant TSA déteste le bruit de l’aspirateur, ou qu’un autre a besoins de retrouver ses jouets dans un ordre précis, peut faire la différence et permet à l’enfant de se sentir bien, écouté et en confiance.

Gérer les émotions et les crises avec calme

Les crises sont souvent l’expression d’un débordement émotionnel que l’enfant n’arrive pas à exprimer autrement. Pour ces quatre intervenantes expérimentées, la clé réside dans l’anticipation et le calme.

« Il est impératif de ne pas aller à l’affrontement, de rester calme. On ne dit pas juste non, on explique le pourquoi, et, lorsque cela est possible, on essaie de trouver une autre solution, un autre moment, en disant par exemple “maintenant ce n’est pas possible, mais tout à l’heure, après les devoirs, tu pourras”. Cela permet de désamorcer en amont certaines crises. Et, lorsqu’elle éclate, j’invite généralement un enfant TDAH à s’asseoir un instant pour se calmer, seul, car j’ai remarqué qu’il est plus facile pour ces enfants (et ma propre expérience me l’a démontré) de “redescendre” lorsqu’ils sont seuls et qu’ils ont la possibilité de se recentrer », explique Léandra.

Evelyne, quant à elle, a une astuce imparable : « je fais diversion, en changeant de sujet, d’activité, ou en attirant l’attention de l’enfant sur autre chose. Je reste calme, et lui parle tout bas pour qu’il m’écoute. Il ne faut surtout pas s’énerver et surenchérir, ni employer des mots blessants comme “tu es méchant”. On doit donc, c’est évident, faire preuve de patience et d’une grande zénitude… ».

Les outils sensoriels peuvent aussi être d’une grande aide. Carine a ainsi confectionné avec les enfants un tube sensoriel : « il s’agit d’un tube transparent que l’on remplit de glycérine et dans lequel on met des paillettes, des petits objets et que l’on scelle. C’est un objet que l’enfant peut remuer lorsqu’il est en crise et qui l’aide pour revenir au calme. Les activités manuelles également, comme le dessin ou la cuisine, fonctionnent aussi très bien. Il faut aussi garder à l’esprit que la situation n’est pas un échec, mais qu’elle va se résoudre à force de patience ».

Et après la crise, Mathilde souligne l’importance d’échanger avec l’enfant pour analyser avec lui ce qu’il s’est passé : « je m’isole avec lui, au calme, et essaye de comprendre le pourquoi du comment (qu’est-ce qui t’a gêné / contrarié ?), et d’en tirer avec lui des conclusions. Cela nous permet, à lui comme à moi, de mieux cerner l’élément déclencheur, pour ensuite tenter de l’éviter les fois suivantes ».

Adapter les activités comme les devoirs, pour valoriser l’enfant et encourager son autonomie

Un enfant porteur d’un trouble du neurodéveloppement a besoin de se sentir compétent. La valorisation et la réussite, même dans de petites choses, nourrissent son estime et renforcent sa motivation. Il est toutefois important de bien donner un cadre clair et d’être attentif dans toutes les activités, ces enfants n’ayant parfois pas conscience du danger.

Dans ce cadre, Léandra mise sur le jeu pour capter l’attention des enfants TDAH : « Ranger sa chambre, par exemple, peut devenir un challenge chronométré : dix minutes, top chrono ! C’est ludique et efficace, car ainsi la demande n’est pas considérée comme une punition ou quelque chose d’embêtant. Les enfants TDAH adorent la stimulation, il faut la transformer en moteur ».

Une astuce partagée par Evelyne, notamment s’agissant des devoirs : « il est relativement facile de transformer les devoirs en quelque chose d’amusant, pour ne pas buter l’enfant. Par exemple, on révise les tables de multiplications sous forme de jeux, on fait des maths et on encourage la lecture en préparant un gâteau à l’aide d’une recette, etc. Ainsi, les devoirs ne sont pas considérés comme un moment désagréable ou une punition ».

« Au-delà des devoirs, il y a tout un tas d’outils et d’activités particulièrement adaptés aux enfants porteurs de TND, comme certains jeux de société (le pendu, les mots croisés ou fléchés…). Et pour permettre à l’enfant de bien assimiler la notion de temps, certains parents mettent en place un tableau répertoriant les différentes activités de la journée, avec par exemple des gommettes à coller quand il a fini de réaliser quelque chose. Cela leur sert de repère, ils savent ce qu’ils ont à faire et quand, ce qui les rassure », complète-t-elle.

Elle-même dyslexique, Léandra dévoile également ses quelques conseils pour aider ces enfants dans leurs devoirs : « on peut leur faciliter la tâche en les faisant lire avec une règle, qui permet de bien suivre les lignes et donc de ne pas manquer de mots, cela facilite la concentration. On peut aussi encourager l’apprentissage par la chanson : il est ainsi plus aisé de retenir les informations contenues dans les paroles, et le rythme de ces chansonnettes aide ».

Mathilde rappelle quant à elle l’importance de suivre les rituels instaurés dans la famille : « Pour les devoirs, les parents avaient instauré un rituel précis : les devoirs en rentrant, ensuite le jeu puis la douche. C’est une règle que je suis scrupuleusement, et qui fonctionne bien car il donne un cadre rassurant à l’enfant ».

Carine, de son côté, souligne l’importance d’observer et de respecter les différents rythmes des enfants, en s’adaptant à chacun. « Ce sont souvent eux qui rythment et guident les activités de la journée ; à nous, adultes, de savoir rester flexibles et à l’écoute, pour répondre au mieux à leurs besoins du moment. Il faut aussi veiller, avec ces enfants souvent hypersensibles, à ne pas stopper brutalement une activité, mais plutôt chercher à les attirer en douceur vers une autre source d’intérêt. »

Soutenir et déculpabiliser les parents

Toutes quatre s’accordent sur la nécessité de bien accompagner, conseiller et soutenir les parents comme les enfants. « Certains parents se sentent perdus, culpabilisent ou éprouvent un sentiment de honte. Il ne faut pas ! Leur enfant n’est pas “difficile”, il a juste besoin d’un environnement qui lui corresponde. Mieux vaut donc savoir, et faire un bilan dédié. Un enfant suivi, compris, progresse plus vite », précise Evelyne.

Mathilde, de son côté, elle-même dyslexique, dysorthographique et dysgraphique, regrette des diagnostics parfois tardifs : « Aujourd’hui encore, les gens ne reconnaissent pas toujours bien les DYS. Or, si les enfants ne sont pas diagnostiqués tôt, ils peuvent parfois “traîner” cela pendant des années, et être en situation d’échec scolaire, voire de conflits avec la famille. Un diagnostic plus précoce permettrait d’éviter de perdre un temps précieux ».

Pour Carine, une bonne communication, entre les parents et tout l’entourage de l’enfant (professeurs, intervenants etc.) est essentielle, car tout dépend des règles et habitudes qu’ils ont mis en place pour leur enfant. C’est donc dans ce cadre que l’on peut agir et parvenir à des résultats. Des outils tels que des cahiers de liaison ou des messages WhatsApp par exemple s’avèrent ainsi très utiles à tous, pour bien comprendre et adapter le quotidien de ces enfants. « Une évolution positive est possible, il ne faut pas baisser les bras. Une fois le diagnostic posé, on peut mettre en place différentes aides », explique-t-elle.

Pour conclure, Léandra souligne l’importance d’être à l’écoute de l’ensemble de la famille, et de les rassurer. « Je dis souvent à ces enfants : prends le TDAH comme une véritable force. C’est ce qui fait ta différence ! »

¹ Troubles « DYS » : l’enfant peut manifester des difficultés liées au langage (dysphasie), avoir du mal à lire (dyslexie) ou à produire des écrits (dysorthographie). Lorsque ces troubles concernent la numération ou l’identification de quantités, on parle de dyscalculie. La dyspraxie, enfin, est un trouble du développement moteur ou de la coordination.
² TDAH – Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité : difficulté à se concentrer, besoin de mouvement constant.
³ TSA – Trouble du Spectre de l’Autisme : particularités de communication et de perception sensorielle.

Claire Lanneau

Dirigeante Fondatrice de Babychou Services.

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