Macroéconomie, quels enjeux pour 2016 ?

Stephanie Haerts Economie Matin
Par Stéphanie Haerts Publié le 16 octobre 2015 à 9h20
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12,5%A cause du rachat d'actifs de la BCE l'euro a perdu 12,5% de sa valeur face au dollar en un an.

La présentation du projet de loi du budget 2016 a rythmé l’actualité ces dernières semaines. Alors que la reprise de l’activité économique française est longue à venir, Bercy se veut prudent sur les hypothèses de croissance pour 2016. Mais qu’en est-il de l’efficacité de cette nouvelle politique économique dans la résolution des problèmes de réduction du déficit public, de baisse de l’inflation et des autres déséquilibres affectant la reprise ?

Quel choix pour le gouvernement

Alors que le Premier Ministre Manuel Valls s’est engagé auprès de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, à ramener le déficit public sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2017, les propositions du gouvernement ont été choisies avec précaution. Pour rééquilibrer les comptes, l’Etat a déjà eu recours à de multiples emprunts depuis la crise. Cette solution n’est donc plus désirable pour la France car cette mesure ne fait que déplacer le problème dans le temps et la dette publique reste trop importante. La dette va continuer d’augmenter en 2016, représentant 96,5% du PIB (2 147 milliards d’euros) contre 96,3% attendu à fin 2015.

Les émissions monétaires sont une autre mesure déjà mise en place pour stimuler l’activité. Les taux d’intérêts étant déjà proches de zéro, la Banque Centrale Européenne a introduit cette mesure « non conventionnelle » pour doper une croissance atone et éloigner la menace déflationniste. En mars dernier, elle a donc déclenché la planche à billet avec l’opération de rachat massif de bons du Trésor des pays de la zone euro. Au total, 1140 milliards d’euros de liquidités seront déversées jusqu’en septembre 2016. Cet assouplissement monétaire pourrait être prolongé pour renforcer le soutien au crédit et à l’activité. Cependant, cette opération a modifié la valeur de la monnaie et l’euro a perdu 12,5% de sa valeur face au dollar en un an. Une situation qui a renforcé mécaniquement la compétitivité des produits exportés hors de la zone mais qui, dans le même temps, a augmenté les prix des produits importés et en conséquence a entrainé une hausse du prix de certains produits de consommation comme l’essence.

Pour inverser la courbe des rentrées fiscales, le gouvernement a également évité les hausses d’impôts auxquelles il a déjà eu recours précédemment et qui sont proches du point de rupture. L’auteur de la courbe de Laffer, Arthur Laffer, en visite le mois dernier à Paris, a expliqué que l’augmentation de la taxation est à l’origine de la baisse des rentrées fiscales en France. Lorsque l’on accroît les taxes, les rentrées fiscales augmentent dans le court terme, mais les recettes s’essoufflent sur le plus long terme. Les contribuables, démotivés, travaillent alors moins et la célèbre formule « Trop d’impôt tue l’impôt » prend tout son sens. Pour éviter ce scénario, le nouveau budget sera d’ailleurs marqué par une baisse de 2,1 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu qui concernera les classes moyennes.

Pour relancer l’économie dans la conjoncture actuelle, le gouvernement a donc entrepris de travailler sur deux volets : celui de la réduction des dépenses publiques et celui de la compétitivité avec un soutien renforcé aux entreprises. L’Etat a prévu de réaliser 16 milliards d’euros d’économie dont 7,4 milliards pour l’assurance-maladie et les régimes sociaux, 5,1 milliards pour l’Etat et 3,5 milliards pour les collectivités territoriales. Le déficit pourrait ainsi revenir à 3,8% du PIB en 2015 puis 3,3% l’an prochain. L’objectif étant d’arriver à 2,7% en 2017. De plus, le gouvernement prévoit que la balance commerciale de la France sera déficitaire de 40,3 milliards d’euros en 2016 contre 40,5 milliards cette année. Avec le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte de responsabilité, l’Etat encourage ainsi les entreprises à investir afin de soutenir la balance commerciale française déficitaire. Le gouvernement anticipe d’ailleurs un fort rebond de l’investissement des entreprises (+4,9%) en 2016.

Un scénario optimiste

Selon les prévisions du gouvernement, la croissance pourrait retrouver un peu de vigueur en 2016 à 1,5%, l’OCDE anticipe 1,4%. Une légère inflation serait de retour, l’indice des prix à la consommation pourrait augmenter à 1% en 2016 contre 0,1% cette année. Le gouvernement table également sur une consommation des ménages soutenue (+1,7%). Ces anticipations sont positives, toutefois le scénario semble optimiste.

Le Haut Conseil des finances publiques qui valide les hypothèses sur lesquelles repose le projet de budget 2016, juge que la prévision la plus importante, celle d’une croissance de 1,5% est « atteignable ». Cependant, ce n’est pas tant le taux de croissance qui pourrait être un problème mais l’inflation.

Selon le Haut Conseil, l’inflation pourrait être inférieure au taux de 1% en 2016. Cette situation rendrait la réduction du déficit public plus compliquée. En temps normal, les prix devraient augmenter de 2% en moyenne par an ce qui permettrait à l’Etat de générer les recettes fiscales nécessaires par le biais de la TVA. Toutefois, dans la situation actuelle où une pression s’exerce sur les prix et les salaires avec la hausse du chômage, on peut s’attendre à une inflation plus faible qui serait un écueil pour les finances publiques et pèserait sur la croissance et les salaires.

L’économiste français, Marc Touati, explique que ces derniers mois, des conditions exceptionnelles ont été réunies avec la baisse des prix du pétrole et des matières premières, la faiblesse de l’euro par rapport au dollar et les taux d’intérêts bas ont permis de soutenir l’activité. Toutefois, cette situation qui était favorable à la France a récemment changé. Le ralentissement de l’économie chinoise, la récession en Russie et au Brésil pourraient nuire à la croissance française dans le futur d’autant plus que les anticipations de la balance commerciale mondiale du gouvernement sont basées sur une reprise des importations des pays émergents ce qui devient peu probable. L’économiste estime que la croissance aujourd’hui est artificielle et que les marchés boursiers ont trop augmenté par rapport à la réalité économique en partie à cause de l’injection de liquidités de la BCE sur les marchés.

L’efficacité de cette politique macroéconomique de relance fait enfin débat parce que le budget propose, de nouveau, de raboter dans certains domaines sans intégrer de véritables réformes structurelles. Certains comme Éric Woerth, député Les Républicains de l’Oise et ancien ministre du Budget, pensent que le déficit va rester élevé pour 2016 et que le budget ne va pas changer drastiquement les choses. L’objectif de retour au 3% du PIB a été repoussé depuis 2012 en France et, même si l’on s’en rapproche, il n’a malheureusement pas encore été tenu depuis. Autre écueil, le Haut Conseil a également déclaré qu’il n’avait pas eu connaissance de l’intégralité des économies regroupant les 1,5 milliard d’efforts supplémentaires annoncées par le gouvernement.

Pour relancer la consommation, l’investissement et sortir de la déflation, l’économiste français Marc Touati propose dans son dernier livre « Guérir la France - La thérapie de choc » des réformes structurelles. Il encourage le gouvernement à prendre des mesures phares tournées vers le futur et l’innovation. Il propose de fluidifier et de moderniser le marché du travail avec la suppression des 35 heures, de créer un budget fédéral européen, de développer une stratégie de croissance internationale ou encore d’investir dans les nouvelles technologies de l’énergie et de l’agroalimentaire, où la France a pris du retard.

Retrouvez Marc Touati à la troisième édition de la Nuit du Trading, jeudi 5 novembre 2015 à Paris sur le contexte macroéconomique et de ses impacts sur vos investissements.

Stephanie Haerts Economie Matin

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à la consommation, la finance, les technologies, l'énergie et l'éducation.

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