La Fed et Mohammed Ali

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Par Bill Bonner Publié le 20 juin 2016 à 5h00
Fed Banque Etats Unis Reduction Dette
10 000 milliards $La dette des Etats-Unis est supérieure à 10 000 milliards de dollars.

Il faut l’admettre : Mohammed Ali savait encaisser les coups. Contrairement à Donald Trump, Dick Cheney, George W. Bush et Bill Clinton, c’était un vrai héros de guerre. Il s’est tenu droit face à ses opposants du bureau de recrutement des armées, au lieu de tourner les talons.

Et lorsque les autorités lui ont administré un crochet du droit en le traînant en justice, Ali n’a pas jeté l’éponge pour demander grâce en gémissant. Il a plutôt utilisé une technique bien à lui : il a laissé les autorités s’épuiser à lui administrer des coups jusqu’à ce qu’il soit prêt à combattre à nouveau. Ali aurait pu s’engager dans l’armée américaine. Il serait devenu une célébrité en uniforme, comme Elvis, assurant les relations publiques du Pentagone.

Loin de la moiteur de Da Nang et du delta du Mékong, il aurait été un parfait porte-parole et ambassadeur de l’empire émergent… aidant l’armée US à trouver des partisans pour sa guerre mort-née en Asie du sud-est. En refusant de suivre le mouvement, Ali, champion du monde de boxe, avait tout à perdre et rien à gagner. Ce n’était qu’une question de principe.

“Je n’ai rien contre les Viet Cong”, a-t-il dit. A domicile, la “bla-bla-gentsia” l’a accusé d’être anti-patriotique. Les autorités ont dit qu’il violait la loi. Mais apparaît peu à peu une image bien différente de ce qu’est vraiment l’héroïsme. Elle pose la question de savoir si le patriotisme et les bonnes oeuvres ne sont après tout qu’une forme de lâcheté.

Mais nous avons un sujet plus profond à traiter aujourd’hui — et puis nous n’avons pas le temps de lire tous les hurlements de protestations que ne manqueront pas de nous envoyer nos lecteurs. Au lieu de ça, nous restons en terrain sûr…

La Fed : en pleine face

Comme vous vous en souviendrez, cher lecteur, nous sommes d’avis que la Fed ne “normalisera” jamais les taux d’intérêt. Nous avons eu un quart de point en décembre — puis plus rien. La présidente de la Fed, Janet Yellen, avait fait savoir qu’une nouvelle hausse était peut-être prévue ce mois-ci. Et puis, vendredi, le rapport sur l’emploi US a été publié. Selon le Financial Times : “la faiblesse de la croissance de l’emploi est ‘une claque en pleine face’ pour l’économie US et l’augmentation de taux de la Fed”.

Au lieu des 160 000 nouveaux emplois attendus en mai, les emplois (hors secteur agricole) ont grimpé de 38 000, sans ajustements saisonniers. Par ailleurs, le Bureau des statistiques de l’emploi a révisé les chiffres de mars et d’avril, administrant un nouveau coup aux optimistes de la Fed. Quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve plein de raisons pour le justifier. Dans le cas présent, la Fed ne veut pas normaliser les taux.

Dans le cadre d’un étalon-or classique, les taux grimpent et baissent en fonction de l’offre et de la demande. Lorsque l’offre d’épargne augmente, toutes choses étant égales par ailleurs, les taux devraient baisser. Ensuite, lorsque les taux en baisse font leur travail… et que l’économie se réchauffe… la demande de crédit augmente aussi. Là encore, en partant du principe que le reste ne change pas, le prix du crédit — les taux d’intérêt — devrait suivre.

L’offre et la demande évoluent par cycles. Les taux élevés encouragent l’épargne… ce qui augmente la quantité de crédit disponible… ce qui à son tour pèse sur les taux d’intérêt. Ensuite, les taux plus bas découragent l’épargne… jusqu’à ce que le prix du crédit remonte. Hausse, baisse… en corrigeant constamment des deux côtés. C’est ainsi que c’est censé fonctionner. Inutile de vous rappeler que ça fait bien longtemps que ça ne fonctionne plus ainsi.

La Fed et son système bancaire créent à présent du crédit (de l’argent) à partir de rien ; l’épargne n’a plus rien à y voir. Le cycle “correctif” que nous venons de décrire ne fonctionne plus. Non seulement les autorités peuvent manipuler le prix du crédit… mais elles peuvent le faire durablement, déformant gravement le système entier. Ensuite, aveugle et boiteuse, l’économie se traîne… risquant de trébucher et tomber à chaque pas. Mme Yellen n’a aucunement l’intention de lui faire un croche-pied.

Le retournement de Yellen

Voici ce que disait la présidente de la Fed, citée par l’agence Bloomberg : “‘Je continue de penser que les taux directeurs devront probablement augmenter progressivement pour assurer la stabilité des prix et l’emploi maximum à plus long terme’, a dit Yellen durant un discours à Philadelphie. Ses commentaires étaient moins spécifiques que durant ses précédentes remarques concernant une date potentielle de hausse des taux de la Fed. Le 27 mai à l’Université de Harvard, elle avait déclaré qu’une augmentation serait probablement appropriée ‘dans les prochains mois’ — des mots qu’elle n’a pas répétés ce lundi”.

Mme Yellen et ses prédécesseurs ont conduit la plus grande expérience de l’histoire en termes de planification centrale monétaire. Depuis 1998, les banques centrales ont augmenté leurs bilans (qui servent de base monétaire au monde) de 1 600%. Et la semaine dernière, le montant total de dette s’échangeant à des taux négatifs a dépassé les 10 000 milliards de dollars. Nous sommes accroché à notre siège, à nous demander ce qui se passera ensuite.

La normalisation ? Non… Janet Yellen, Ben Bernanke, Alan Greenspan — on les a appelés les “héros” du système monétaire mondial. Est-ce vraiment le cas ? Ont-ils affronté le problème de la dette ? Ou bien ont-ils esquivé ? A suivre…

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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