Emmanuel Macron marche-t-il vraiment sur les eaux ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 17 mai 2017 à 14h02
Emmanuel Macron

Il y a quelques mois, un ami, président de tribunal administratif m’enjoignait de rejoindre Macron, car « il est christique, il marche sur les eaux ». La phrase m’est longtemps restée à l’esprit, car elle illustre parfaitement l’étrangeté dans laquelle vit la France aujourd’hui : les élites du pays sont tout entières hypnotisées par la saga d’une accession soudaine au pouvoir. Les garants traditionnels de l’esprit des Lumières, ceux dont la responsabilité, dans la société, est d’éclairer, ont soudain abdiquer tout esprit critique pour suivre un chef. Le phénomène est stupéfiant.

Marcher sur les eaux ou abandonner toute lucidité ?

Sur le fond, je comprends tout à fait que les gens suivent Emmanuel Macron. L’intéressé a réussi un très beau pari, et il a su se donner les moyens de sa réussite. Il est porteur de projets qui ont tous un intérêt manifeste, comme celui de renouveler en profondeur les visages des décideurs.

Mais le fond du problème n’est pas là. Il est plutôt dans cette macrolâtrie qui s’est imposée façon manipulation des foules selon Gustave Lebon. Il ne suffit pas de dire qu’on n’a rien contre Macron, il ne suffit même pas de dire que l’on approuve son programme, il faut désormais dire qu’on l’aime, qu’on l’adule, qu’on tremble d’amour sans limite pour lui. Cette perception émotionnelle de la politique n’est pas celle de la ménagère de cinquante ans abrutie par les publicités de TF1, c’est celle des élites parisiennes qui enjoignent à toutes et tous d’adhérer sans nuance à un programme sous peine de tomber dans la catégorie suspecte des suppôts lepénistes.

Recevoir des doses de Macron sous hypnose permanente

J’étais par exemple hier soir sur le plateau de Valérie Expert, sur Sud Radio, et j’écoutais le sympathique Sylvain Maillard, candidat aux législatives dans le centre de Paris. Ce chef d’entreprise est aussi élu UDI dans le IXè arrondissement. À la question basique, qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux : « Macron ne s’entoure-t-il pas de trop d’énarques? », la réponse de l’intéressé m’a arraché les bras. Au nom du renouvellement et de la compétence, il paraît que c’est justement la meilleure façon de lutter contre la consanguinité des décideurs publics.

Mais enfin, s’il y a bien un lieu de consanguinité, aujourd’hui, c’est l’énarchie. Si des élites sont bloquées et d’une compétence très discutable, ce sont les énarques.

Et voici des Français responsables, investis par des partis, qui, il y a un an, regrettaient l’excès d’énarques dans la vie politique et aux postes à responsabilité, faire subitement l’éloge de ce qu’ils détestaient hier. Nous voici placés sous hypnose.

Vers les sorcières de Salem

Que la noblesse parisienne obéissent à des modes futiles et à des émotions sans profondeur n’est pas nouveau. Ce qui pose problème, c’est que ces gens prêts à stigmatiser, à bannir pour un caprice, soient aujourd’hui pris dans un engouement sans discernement raisonnable pour un chef. C’est ainsi que commencent toutes les dictatures. Je ne dis pas que ce cas de figure se prépare en France, mais il est évident que le climat du débat politique aujourd’hui est allé trop loin dans l’aveuglement émotionnel et qu’il est urgent de revenir à un peu de raison.

En tout cas, plus que jamais, je comprends pourquoi je fais au jour le jour si peu de concessions à la tyrannie du temps. Elle est tout simplement suicidaire pour le pays, avec ses frivolités dénuées de tout intérêt général.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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