Malgré les aides sociales, les Français ne sont pas plus heureux

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Par Daniel Moinier Publié le 25 juin 2018 à 5h00
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1015 eurosLe seuil de pauvreté relative est évalué à 1015 euros mensuels.

A voir toutes les manifestations, grèves, mécontentements, qui pourrait dire que les Français sont « contents » ?

Heureux peut-être un peu plus si l’on prend les sondages, mais contents sûrement pas. Les Français sont considérés au niveau mondial comme les plus râleurs, les plus mécontents, les plus grévistes, les plus casseurs, et j’en passe… Alors que ce sont eux qui reçoivent le plus d’aides au monde. Il y a bien une contradiction !

Alors pourquoi autant d’aides, ce qui est inversement proportionnel au mécontentement. Je ne vais pas me faire que des amis en étant d’accord avec notre Président lorsqu’il affirme certainement avec raison :

On met un pognon dingue et les pauvres restent pauvres

J’ai beaucoup aimé l’article de Jérôme Cristiani sur ce sujet, à tel point que je vous le récris :

« Des propos qui ont valu à Emmanuel Macron de nouvelles critiques sur les réseaux sociaux (et pas que) sur le thème du « président des riches » sauf que la réalité est un peu plus complexe…Et il ajoute aussitôt, et la deuxième partie est cardinale : C’est « trop de pognon » parce que les aides échouent à sortir « les gens de la pauvreté ». On comprend alors que ce n’est donc pas trop d’argent qui est mis dans les aides sociales et que le président veut simplement dire très explicitement que l’Etat dépense trop d’argent sans résultat. Si mépris du peuple il y avait chez Macron, cette dernière saillie du chef de l’état ne serait donc pas le bon exemple. Il aurait pu utiliser d’autres formules du même acabit ; Ça ne sert à rien de casquer en pure perte, et l’on note que Jupiter évite le registre mythologique alors qu’il y avait toute prête cette formule : « Les aides sociales, c’est le tonneau des Danaïdes ».

E.M. terminait en disant : Les gens qui naisent pauvres restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir. « Sur la santé c’est pareil » Le Président ? Toujours exigeant, il nous précise donc le brief ! « Au boulot » L’objectif de cette mise en scène est atteint ; rien de pire que l’indifférence.

Bruno Le Maire renchérissait lui aussi sur les propos du Président : "Mais il faut que cet argent soit bien employé, c'est-à-dire qu'il permette à tous ceux qui en bénéficient de sortir de la pauvreté, de sortir du chômage, de sortir de l'inactivité et c'est là que le bât " blesse" (...) "Ce n'est pas le cas et c'est exactement ce que le président de la République veut régler et ce que nous voulons tous régler ».

Concernant la pauvreté, sur quels critères a-t-on établi les niveaux et seuils de pauvreté ? Il est admis habituellement que le seuil de pauvreté est un niveau en dessous duquel un ménage est conventionnellement considéré comme pauvre. Selon l’option de calcul retenue, il correspond à un pourcentage de la population appelé taux de pauvreté. Actuellement le revenu mensuel de revenus se situe pour un ménage à 846 euros permettant d’assurer un niveau de vie acceptable !

Comment vit-on avec ce montant à Paris ou dans la Creuse ? Rien que par cette simple comparaison, il est possible de s’apercevoir que l’inégalité est flagrante entre ces deux situations : immobilier, déplacements, jardin ou pas etc… De plus il existe encore deux autres seuils :

- Le seuil de pauvreté absolue : dont les ressources sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans la société. Le montant financier n’étant pas véritablement fixé.

- Le seuil de pauvreté relative, celui-ci étant évalué à 1015 euros mensuel, avec des revenus modestes.

Le calcul ne s’arrête pas là puisque pour être objectif, il faut considérer le contexte familial, seul, couple sans enfant, avec enfants et ensuite le nombre de ceux-ci. Pour être plus objectif il serait nécessaire comme pour les allocations de considérer leurs âges. Il est possible de constater que ce taux est très relatif, sachant que des ménages arriveront à une vie « acceptable » avec ce niveau et d’autres de même composition, n’y arriveront pas du tout.

Combien de ménages n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec des revenus plus élevés, en se trouvant en surendettement. Sont-ils considérés comme pauvres ? D’autre part, je sens que mes lecteurs se trouveront décontenancés lorsque dans le titre j’annonce plus de 1000 milliards d’aides, c’est même plutôt vers 1100 milliards (soit près de 50% du PIB) que la France dépense, car je n’ai pas dit aides sociales, mais toutes aides confondues, pas forcément que sociales, aux entreprises, à l’automobile, à l’agriculture, etc… Avec 32% du PIB et 759,5 milliard d’euros, soit 55% des budgets de la nation, la France a le record du monde en dépenses d’aides sociales.

A titre de comparaison l’OCDE est à 22% d’aides sociales. En prélèvements obligatoires nous sommes le leader avec 44,4%, pourquoi changer dans la médiocrité ! L’Allemagne se situe à 10 points de moins que nous, de quoi avoir des entreprises plus compétitives et florissantes. Une des causes de notre faiblesse à l’export. Il est à noter aussi qu’au fil des années, le nombre d’aides n’a pas cessé d’augmenter, pour atteindre en 2017 plus de 400 !

D’autre part, il faut faire une distinction importante entre les aides couvertes en grande partie par des cotisations et celles qui ne le sont pas, tel : RSA, CMU, AME, ACE… Ce sont ces dernières qui aggravent fortement les déficits puisqu’elles sortent directement de « la poche de l’état ». Les autres les plus importantes comme l’Assurances maladie, les Retraites, l’Assedic…ne coûtent à l’état que les déficits qu’elles engendrent par manque de cotisations, mauvaise gestion et surtout manque d’heures travaillées. La seule Sécurité sociale doit totaliser pour l’ensemble des déficits cumulés plus de 400 milliards de dette.

Ci-dessous le tableau des dépenses sociales en Europe, plus le Japon et l’OCDE, la France est bonne première !

Si l’on compare avec 1978, nous avions des dépenses publiques d’état de 150 Mds d’euros pour un PIB de 350 Mds d’euros, soit 43% du PIB. Nous avions donc 13 points de moins de dépenses qu’aujourd’hui. ! Sans compter les dépenses supplémentaires des métropoles, des intercommunalités… Et avec en plus un coût du RSA qui ne cesse d’augmenter au grand dam des départements avec ces 11 mds d’euros de dépenses imprévues, coût qui a même dépassé les dépenses de voirie !

Etait-on malheureux avant la guerre de 1939 et pendant les 30 glorieuses ? A quelques exceptions près : NON Les gens travaillaient beaucoup souvent dans des travaux durs, difficiles bien plus qu’aujourd’hui du point de vu physique et jusqu’à 65 ans, alors que la durée de vie n’était guère plus élevée. Il était courant et normal de vénérer son patron, de le respecter, ainsi que les élus, députés, ministres, Président…

Les allocations familiales créées en 1932 n’ont été généralisées qu’en 1938. La Sécurité Sociale n’a été créé qu’en 1945 et le régime de retraite par répartition vraiment uniforme que lors de son intégration à la Sécurité sociale. Les retraites complémentaires après avoir été créées en 1947 n’ont toutefois été généralisées qu’en 1972. Il n’y avait pas de mutuelle et régimes complémentaires. Il a fallu attendre 1936, pour avoir des avancées dites sociales :

- Deux semaines de congés
- La semaine de 40 heures
- L’instauration des conventions collectives.

Avant 1936 et 1938, comment faisaient nos parents, grands-parents pour s’en sortir sans aucune aide ? Ils travaillaient beaucoup. Très souvent plus de 10 heures par jour, six jours, voire la semaine entière. En majorité, ils rentraient très tôt en emploi, 12/13 ans et finissaient s’ils ne mourraient pas avant, à 65 ans, soit avec plus de 50 années d’activité. Pendant les 30 glorieuses, pas de déficit de l’état, de la Sécurité sociale, des caisses de retraites, période sans chômage, l’Assedic n’a été créé qu’en 1958.

Les charges sociales salariées se situaient à 6%, plus de trois fois moins qu’aujourd’hui ! et celles employeur de 4% en 1930 à 15% en 1966, loin des 42% d’aujourd’hui (uniquement de base). Actuellement avec 35 heures et 62 ans, les gens sont « fatigués » et trouvent souvent que c’est trop. Aujourd’hui, c’est plus le stress, les contraintes qui fatiguent plutôt que la durée et dureté du travail.

Il y a une forte contradiction : plus les temps d’emploi ont diminué, plus les aides ont augmenté ainsi que les temps libres et loisirs ; plus les gens semblent mécontents, critiques, n’acceptent plus rien. Ils n’aiment plus les politiques, les journalistes, les « gros employeurs », certains la police, les pompiers, etc… Il est vrai qu’auparavant, les gens travaillant énormément, dans des travaux difficiles, étant fourbu, il y avait peu de temps pour vouloir repartir en réunionite, manifester, cogiter…

En plus n’ayant pas de chômage, il était possible de changer d’emploi facilement. Donc un pays où tous les hommes avaient un emploi avec beaucoup d’heures travaillées. A la campagne, ils faisaient souvent double journée dans les champs, au bois souvent avec toute la famille. On vivait beaucoup de sa propre production : Poules, lapins, canards, tous les légumes, fruits du jardin et vergers et les conserves. La pèche complétait le menu avec les poissons. On vivait une bonne partie en autarcie, c’est comme cela que l’on bouclait la boucle sans aide. Ils avaient aussi une très grande fierté et ne réclamaient jamais.

Au fur et à mesure que le temps de travail a diminué, les revenus ont également diminué par rapport au changement de vie, avec plus de loisirs, de besoins financiers, mobiliers et immobiliers… L’exode vers les villes pourvoyeuses d’emplois a donné le coup de grâce. Plus de compensation de rentrées hors travail. Il fallait tout acheter ; tous les appareils devenus obligatoires avec ce nouveau confort, y compris la voiture, gouffre financier.

Le chômage a commencé à pointer le bout de son nez, puis progressivement avec plus de 2 ans d’inactivité, passage en RMI, devenu RSA pour la famille et non plus pour une seule personne ! Depuis 1975, les déficits se sont accrus avec une dette qui s’est envolée. Pour préserver une certaine cohésion et paix sociale, les aides se sont multipliées surtout par démagogie politique. Une fois engagé dans ce système, presque aucun « homme » politique n’a voulu ou pu le modifier. Arrivant à ce que nous sommes devenus aujourd’hui, un pays surendetté ! 2300 milliards de dette, 36.626 euros par habitant, 73.251 par ménage. Une dette de 96,7 du PIB soit près de la faillite complète.

Cette dette coûte à l’Etat la bagatelle de plus de 300 milliards par année : Coût des intérêts mais surtout de son remboursement et de sa gestion. C’est aussi 100 fois le montant des économies d’aides aux entreprises, 7 fois le montant total de la recherche et développement de la France et 2 fois la valeur ajoutée brute des entreprises Rhônalpines !

Alors quel gouvernement saura « refaire travailler » les français pour qu’ils gagnent plus, que l’on puisse diminuer les dettes et surtout les aides et en premier le RSA véritable gouffre financier exponentiel ; demandez aux départements : les contributeurs qui vont devenir exsangues. Depuis la création avec 100.000 familles nous sommes passés à plus de 2 millions !!!

Grande stupéfaction ; alors que j’allais boucler cet article, j’entends l’invité de RTL ce 22 juin avec Yves Calvi, sur ce même sujet, Henri Sterdyniak de l’OFCE, annoncer que le montant des aides est tout à fait acceptable mais qu’il n’y en avait pas encore assez. Il ajoute, ce qui est vrai, que ces aides ont maintenu un seuil de pauvreté acceptable en France. Selon son chiffre, les 60 milliards supplémentaires pour aider les français en difficulté : les familles au RSA, les personnes âgées, …ont permis de faire passer le taux de pauvreté de 24% à 14%. C’est en partie vrai, mais à quel prix : déficits, dettes monstrueuses, charges, taxes, prélèvements excessifs…, ce qui affaibli fortement la compétitivité des entreprises et par ricochets l’économie française. Ces propos ne sont que constats et n’apportent aucune solution viable pour sortir la France de son surendettement et enlisement dans la pauvreté.

www.livre-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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