La France renoue avec la compétitivité et doit maintenir le cap

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Par Rémi Legrand Modifié le 7 juin 2018 à 20h17
France Croissance Reformes Politique
2,2 %La France a bénéficié d'une croissance de 2,2 % en 2017.

Les premières réformes engagées et annoncées par le gouvernement d’Édouard Philippe ont amorcé un cycle de confiance : en témoignent la reprise des investissements français (+4 %) et étrangers (+16 %) et l'accélération des embauches (269 000 emplois nets créés en 2017).

Plus de 2/3 des dirigeants estiment que les réformes du marché du travail sont favorables à la création d'emplois et au développement d'une main d'œuvre qualifiée pour les entreprises, mais 32 % des entreprises font face à une pénurie de main d'œuvre qualifiée, revers de médaille d'une croissance qui repart. Près de 3/4 des dirigeants d'entreprise considèrent que les réformes engagées depuis juin 2017 sont favorables à la croissance et à l'investissement mais ils attendent de voir se concrétiser la baisse de l'impôt sur les sociétés tout en espérant davantage sur la réduction des charges sociales.

Un an après l'élection d'Emmanuel Macron, le climat des affaires, avec un indice de 106 points en mai 2018, se maintient au-dessus de sa moyenne de longue période (100)

Le gouvernement Macron a engagé et programmé en un temps très court un nombre important de réformes en faveur de la compétitivité : Loi travail, PACTE, réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage, mise en place effective du prélèvement à la source, baisse progressive du taux d'IS, Action publique 2022 et certains effets sont déjà visibles.

Avec une croissance de 2,2 % en 2017, la France profite enfin de la conjoncture internationale favorable. Les dirigeants d'entreprise estiment que la compétitivité a cessé de se détériorer* : seuls 15 % pensent que celle-ci s'est détériorée par-rapport à il y a un an, contre 36 % en 2016. Ils anticipent une hausse de leurs dépenses d'investissement de 4 % en 2018 (+2 points en un an) après avoir créé 269 000 emplois nets en 2017, un record depuis 2007. Ainsi, pour la première fois depuis début 2009, le taux de chômage se rapproche de la barre des 9 %. En parallèle, la France redevient attractive pour les investisseurs étrangers avec une hausse de 16 % des projets d'investissements étrangers en un an.

Encore derrière ses voisins européens, la France doit trouver de nouveaux leviers de compétitivité

Ces chiffres sont à nuancer : en termes de croissance, la France, si elle égale la performance de l'Allemagne en 2017, reste en dessous de certains de ses voisins européens, en particulier l'Espagne ou les Pays-Bas. Le taux de chômage reste bien supérieur à celui de l'Union Européenne (moyenne : 7,3 %). Les entreprises françaises continuent de perdre des parts de marché à l'international (12,9 % de part de marché dans l'Union Européenne en 2000 versus 9,7 % en 2017), un phénomène qui s'est poursuivi en 2017, la croissance des exportations (+4,5 %) n'ayant pas permis de compenser la forte progression des importations (+6,8 %). Par ailleurs, la hausse du prix du baril du pétrole, la remontée de l'euro face au dollar ou encore la tendance haussière des taux d'emprunt pourraient aussi, à terme, peser sur la santé de l'économie française, amenant à s'interroger dès à présent sur les nouveaux chantiers à mener pour favoriser la compétitivité.

La disponibilité, la qualification et le coût de la main d'oeuvre : les principaux freins à la compétitivité des entreprises françaises

Pour les dirigeants d'entreprise*, la disponibilité et la qualification de la main d'oeuvre est considéré comme le principal frein à la compétitivité des entreprises (43 % versus 20 % en 2016), au même titre que son coût (43 %). Les contraintes réglementaires (40 %) et la fiscalité (35 %) suivent.

A ces handicaps s'ajoutent d'autres défis auxquels doivent répondre les entreprises. Les dirigeants des grandes entreprises doivent en priorité améliorer leur productivité et réduire leurs coûts (52 %), innover (49%), mais aussi réussir le défi de la digitalisation (49 %). Les dirigeants de PME doivent aussi relever le défi de la productivité et des coûts (55 %), mais également attirer et retenir les talents (51 %). Enfin, les start-ups doivent répondre aux défis de la croissance en menant à bien leur développement à l'international (56 %) et en sécurisant leur accès au financement (47 %).

La réforme du marché du travail - d'autant plus urgente que les entreprises font aujourd'hui face à une pénurie de talents - va dans le bon sens

Plus de 2/3 des dirigeants d'entreprise* considèrent que les réformes engagées depuis juin 2017 sont favorables à la création d'emplois et au développement d'une main d'œuvre qualifiée pour les entreprises.

Néanmoins, revers de la médaille du frémissement économique, les entreprises rencontrent des difficultés croissantes à embaucher. Plus de 140 000 emplois sont restés vacants en 2017 (+23 % en un an), avec une pénurie de main d'œuvre compétente disponible qui concerne 32 % des entreprises. L'accélération de la révolution numérique et de la transition énergétique vont accentuer le déficit de compétences avec à la clé un risque d'inflation salariale et un frein à la croissance, d'autant plus que le coût du travail en France reste supérieur à celui de nos voisins européens, notamment en ce qui concerne le travail qualifié. Ainsi, le différentiel de cotisations sociales sur la part employeur est de plus de 25 points entre la France et l'Allemagne pour un salaire de 50 000 euros annuels. Or, les métiers qualifiés, avec une rémunération équivalente à 3 ou 4 fois le SMIC, sont indispensables à la montée en gamme de notre industrie et plus largement à la compétitivité de l'économie française.

Si les réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage doivent permettre d'améliorer la donne sur le déficit de compétences, l'autre chantier majeur permettant d'améliorer l'employabilité en France - à savoir la baisse du coût du travail - a été plus largement oublié par cette première année de mandat.

C'est pourquoi les dirigeants d'entreprise attendent du gouvernement qu'il mette en œuvre la réforme de la formation professionnelle et aille plus loin sur le coût du travail... mais aussi qu'il poursuive l'allégement des contraintes réglementaires pesant sur les entreprises, la simplification des embauches et des licenciements et la flexibilisation du temps de travail.

La fiscalité doit se mettre au service de la croissance

Le niveau excessif des prélèvements sur les entreprises pénalise leur compétitivité. La France est le pays d'Europe où les entreprises payent le plus d'impôts (taux fiscal de 62,2 %). De ce fait, le taux de marge des entreprises est en-deçà de celui de nos voisins européens (32 %, soit plus de 10 points en dessous de celui de l'Espagne, l'Allemagne ou l'Italie). La baisse progressive de l'impôt sur les sociétés à 25 % constitue un premier pas salutaire dont les bénéfices se feront sentir sur le long-terme, mais qui reste insuffisant compte tenu du niveau record des cotisations patronales (26 % des coûts de main d'œuvre). Au-delà de pénaliser le pouvoir d'achat des salariés, cela nuit gravement à la production sur le sol français et à l'attrait des talents.

Outre la baisse des charges patronales, le redressement passera aussi par une simplification et un élagage du maquis fiscal qui contraint la production : un effort de rationalisation s'avère indispensable, notamment en baissant ou stabilisant les taxes et cotisations foncières payées par les entreprises et en supprimant les impôts à faible rendement ou dont l'assiette fiscale trop étroite concentre les prélèvements sur quelques entreprises.

Point positif : le réaménagement de la fiscalité oriente plus fortement l'épargne vers les moteurs de croissance, en rendant plus attractif l'investissement dans les entreprises via le prélèvement forfaitaire unique ou l'augmentation du crédit d'impôts pour le financement des PME non cotés et en pénalisant certains investissements moins risqués (livret A, immobilier, etc.) pour les réorienter vers l'économie réelle.

Enfin, il est urgent de d'engager une baisse des dépenses publiques pour redresser la compétitivité. Sans baisse de la dépense publique, la transformation du pays se heurtera vite à un mur, à savoir une capacité limitée de baisse des prélèvements obligatoires et d'investissement sur le long terme. Les efforts déployés pour l'instant sont donc insuffisants. Parmi les pistes à explorer : digitalisation, réduction du nombre de fonctionnaires, fusion des organismes de collecte des prélèvements obligatoires, convergence des régimes de retraite, rationalisation du millefeuille territorial, réduction des niches fiscales...

Si près de 3/4 des dirigeants d'entreprise considèrent favorablement les réformes engagées depuis juin 2017 pour la croissance et l'investissement, ils attendent de voir se concrétiser la baisse de l'impôt sur les sociétés et espèrent davantage sur la réduction des charges sociales.

La première année de mandat marque un changement inédit en France par sa vitesse et son ampleur. Sur les 31 propositions de réformes que nous avions émises en 2017 concernant le marché du travail et la fiscalité, 24 ont donné lieu à des réformes effectives ou annoncées et l'économie française en récolte les premiers fruits.

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Rémi Legrand est président de Consult’in France.

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