Plus de 11 points de marge pour les entreprises allemandes que les françaises. Pourquoi ?

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Par Daniel Moinier Publié le 6 août 2018 à 5h04
Usine Desaffectee
31,8%En 2017, le taux de marge des entreprises françaises ressort à 31,8%.

Le taux de marge des entreprises françaises s’est établi à 31,8% au 4ème trimestre 2017, en légère hausse par rapport au trimestre précédent (31,7%), et en stabilité depuis maintenant deux ans et demi.

Selon Euler Hermes, le leader mondial de l’assurance-crédit, le taux de marge reste bloqué en-dessous de son niveau d’avant crise (33,5% au premier trimestre 2008) du fait de conditions de prix et de taxes moins favorables. Et cela malgré le CICE, mis en place sous le gouvernement Hollande.

Il est intéressant de rappeler le coût du CICE depuis sa mise en place en février 2013.

Soit un coût global de près de 100 milliards d’euros pour un gain de taux de marge de 3,7%. En estimant que la hausse soit entièrement due à l’action du CICE, ce qui n’est pas moins sûr. En 2013, le taux de marge était de 28,1% comparé aux 31,8% de 2017, le gain s’établit à 3,7%. Soit 0,75 de plus par année pour 15 milliards investis par an. Ce qui a encore augmenté une dette qui était déjà presque au niveau du PIB.

En partant sur ces mêmes bases, pour rattraper l’Allemagne avec son taux de 41,25%, il faudrait près de 13 années de CICE et donc encore investir tout près de 200 Mds d’euros !

Par comparaison, le taux de marge de l’Espagne est à 41,40, l’Italie à 38,95, la Belgique à 38,82 et l’Europe à 17 à 38,62, loin devant nos petits 31,8% !

Alors pourquoi cet écart de taux énorme entre nos deux pays ?

Malgré un gros effort d’investissement des entreprises françaises, au moins aussi important qu’en Allemagne comparé au PIB, le taux de marge reste nettement inférieur.

Si l’on compare les deux pays sur les cinq dernières années, on peut constater que le poids des salaires bruts n’est que légèrement supérieur en France à celui de notre voisin : 49,7 pour 48,2%.

C’est ailleurs que le « bât blesse » ; le surcroît d’impôts sur la production et la différence importante de charges salariales de 4,7%, viennent de la myriade d’impôts sur la production et 5,6 points des cotisations patronales. Ce sont surtout la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et la taxe sur les salaires (en plus variable selon les secteurs) qui aggravent la différence, impôts/taxes qui n’ont pas d’équivalent outre-Rhin. Il faut aussi rajouter une taxe foncière (CFE) bien supérieure en France.

En revanche, si le Pacte de Responsabilité était entièrement mis en place, une économie de 3,9 points de valeur ajoutée pourrait résorber un tiers de l’écart de taux entre les deux pays.

L’Allemagne a depuis longtemps compris que c’est avec des entreprises performantes que l’on gagne la bataille de l’emploi, de la reconnaissance de l’entreprise, de l’export, l’obtention d’un état fort et reconnu. Mais c’est surtout depuis 2002 avec son changement de cap qu’elle est vraiment repartie du bon pied, en modérant les salaires et en les troquant contre de l’épargne retraite et salariale. Ce qui porte la redistribution des bénéfices à 19,6% de la valeur ajoutée, contre 5,5% en France.

De plus, les cotisations sont moindres en Allemagne. Ces formules de rémunération se répercutent fortement sur la valeur ajoutée des entreprises. Mais en contrepartie, les entreprises allemandes peuvent se désendetter.

D’autant que du côté investissement, ce sont les Français, contrairement à l’idée reçue, qui devancent leurs voisins. Ce qui par contre augmente le coût entreprise. Résultat, la balance des intérêts reçus sur les intérêts versés est positive en Allemagne, pour 0,2 point de valeur ajoutée, quand elle est négative pour 2,8 points de valeur ajoutée en France.

Autre point négatif, l’autofinancement français représente 17,6% alors que celui de l’Allemagne ressort à 20,9%. Plus de trois points d’écart dus aux jeux de transferts mais aussi à la balance des profits réinvestis sur les territoires par les grandes entreprises nationales et étrangères.

En ce qui concerne la France, il existe de fortes disparités sectorielles. C’est l’industrie manufacturière qui tient le « pompon » avec un taux de 38,2% en hausse continue depuis 2012. Mais c’est le commerce qui fait pencher la balance avec ces 26,5% contre 34,7 en 2018, ainsi que les services qui sont passés de 35,9% en 2008 à 27,7 à fin 2017. Ces deux secteurs ayant moins profité des mesures publiques de soutien, dont le CICE.

En augmentant le travail de 35 à 40 heures, l’amortissement se ferait non plus sur 35 heures, mais sur 40, ce qui pourrait réaliser un gain jusqu’à 14% sur ce dernier en fonction du type d’entreprise.

https://www.danielmoinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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