Crise sanitaire : des effets à long terme à craindre pour le patrimoine ?

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Par Jacques de Chauvelin Modifié le 21 avril 2021 à 9h35
Patrimoine Crise Sauvegarde Mecenat
120 MILLIONS €Le ministère de la Culture prévoit 120 millions d'euros pour à la restauration et à la valorisation du patrimoine.

Depuis plus d'un an, tous les secteurs de l'économie en France sont confrontés à une crise sans précédent. La culture et le patrimoine souffrent particulièrement des restrictions et celles-ci ont sévèrement entamé les recettes de nombreux sites et monuments privés de visiteurs1. Pour autant, la longueur exceptionnelle des fermetures et la détresse des grands sites patrimoniaux ne sont que des éléments saillants, visibles médiatiquement, autour d'une constellation de chantiers de restauration et de projets impactés par la crise sanitaire.

Un soutien supplémentaire pour les joyaux patrimoniaux

Le Ministère de la Culture a certes réagi en annonçant en novembre dernier des aides pour le patrimoine dans le cadre du plan de relance : au total, 160 millions d'euros pour « soutenir l'investissement en matière de monuments historiques, de musées territoriaux, d'archives et d'équipements de spectacle vivant »2. Sur cette enveloppe, 120 millions d'euros sont destinés à la restauration et à la valorisation du patrimoine, avec le « plan cathédrale » (80m€) et 40 millions destinés à la restauration des monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés.

Grands projets et patrimoine rural face à la crise sanitaire

Mais pour une grande partie, le très riche patrimoine bâti de la France est constitué d'églises et de chapelles, souvent propriétés de communes qui en ont la charge et doivent en assurer l'entretien, avec le soutien d'autres collectivités et d'acteurs privés (Sauvegarde de l'Art Français, Fondation du patrimoine et autres mécènes). Ces édifices, marqueurs identitaires forts de nos villages, et qui en sont souvent l'objet patrimonial le plus ostensible, sont pourtant le parent pauvre d'un plan de relance axé sur les sites les plus remarquables.

L'effet à craindre pour ce patrimoine-là, dépendant des budgets des communes, est un fléchage réorienté des dépenses vers des postes plus nécessiteux, tels que la santé, le social ou encore l'éducation. Pour autant, retarder la restauration, c'est prendre le risque de voir la facture grimper significativement quelques années après. Une charge budgétaire qui risque donc de peser à plus long terme sur les communes, aux dépens de ce patrimoine pourtant vecteur d'attractivité culturelle et économique. On y ajoutera le changement de paradigme en matière de mécénat, où l'on constate un recul de l'intérêt pour la culture et le patrimoine au profit d'enjeux plus actuels. Ainsi, une étude réalisée par l'ADMICAL sur l'impact du Covid sur le mécénat3 montre que 41% des entreprises sont entrées en réflexion sur leur politique de soutien, laissant présager une baisse des aides d'entreprises en faveur du « petit » patrimoine.

Des communes engagées pour la préservation du patrimoine

Ce pronostic est cependant à nuancer : les associations de soutien au patrimoine n'ont pas enregistré de baisse dans les demandes d'aide. Au contraire, les maires gardent souvent le souci du patrimoine malgré un contexte dégradé. Parmi les nombreuses demandes d'aides traitées en 2020, on prendra l'exemple de la commune de Montiers (670 habitants), qui se bat pour la préservation de l'église Saint-Sulpice et qui a renouvelé son engagement en 2021 après avoir mené des travaux pour la protection des maçonneries et le couvrement du chœur, soutenu à hauteur de 15 000 € par la Sauvegarde.

En attendant de voir les effets à plus long terme de la crise sur cette catégorie du patrimoine de nos territoires, les élus peuvent s'assurer du soutien sans faille d'associations et fondations dévouées à la préservation de cet héritage collectif.

Si la culture et le patrimoine sont le deuxième grand axe d'engagement des mécènes, seules 9% des entreprises de ce groupe font de la préservation du patrimoine bâti et paysager une priorité.

1 L'exemple des châteaux privés dans la vallée de la Loire résume la situation de nombreux sites : https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/indre-loire/covid-19-le-blues-des-chateaux-prives-du-centre-val-de-loire-1926193.html
2 Communiqué de presse du ministère de la Culture, 25 novembre 2020 https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/160-millions-d-euros-pour-relancer-l-investissement-dans-les-territoires
3 Selon l'étude « Covid 19 : Premiers impacts sur l'engagement des mécènes », réalisée par l'ADMICAL en juin 2020. https://admical.org/sites/default/files/uploads/etude_covid_vf_23.06_0.pdf Si la culture et le patrimoine sont le deuxième grand axe d'engagement des mécènes, seules 9% des entreprises de ce groupe font de la préservation du patrimoine bâti et paysager une priorité

© Mairie de Montiers

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Jacques de Chauvelin, responsable de la communication pour la Fondation pour la Sauvegarde de l’Art Français.

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