Que va-t-il se passer sur la planète éco en 2014 ?

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Par Captain Economics Modifié le 13 décembre 2022 à 20h41

Et voilà, l'année 2013 touche à sa fin ! Sur le plan économique, cette année a donné pas mal de fil à retordre au Captain' : shutdown et falaise fiscale aux USA, remise en cause partielle des plans d'austérité par le FMI, taxation des dépôts à Chypre, hausse du chômage en France, émergence des nouvelles monnaies virtuelles, instauration du SMIC en Allemagne, "phénomène" Twitter en bourse... Au final, pas de catastrophe, mais aucun problème n'est vraiment réglé non plus ! Les dettes souveraines de l'ensemble des pays ne sont pas plus soutenables à long-terme qu'il y a deux ans, le problème de réabsorption des liquidités injectées et de la hausse de la base monétaire est plus que jamais présent, et il faut encore et toujours de la croissance "magique" pour faire tenir le système, mais on ne sait pas vraiment où aller chercher cette croissance...

Mais alors, que peut-on attendre pour 2014 ? La fin du monde ou pas la fin du monde ? Avant de partir en vacances pour une quinzaine de jours siroter des Caïpirinhas (retour le 10 janvier, soyez sages...), voici une liste des 5 évènements qui pourraient bien faire l'actu en 2014 ! Paco Rabane prends garde, le Captain' est lui aussi capable de faire des prévisions minables.

1 - Le "tapering" ou le "tightnening" stoppe la perfusion des marchés

Depuis le 1er janvier 2013, le Dow Jones (USA) a gagné près de 25%, le Nikkei (Japon) a augmenté de plus de 50% et le CAC40 a pris tranquillement son petit 15% ! Et tout cela grâce à qui ? Grâce à Papa Ben (Bernanke), Papa Mario (Draghi) et Papa Shinzo (Abe).

Depuis le début de la crise financière, les marchés financiers sont en effet dopés à la liquidité, via les différentes opérations des Banques Centrales. Par exemple, la Federal Reserve américaine injecte actuellement environ 75 milliards de dollars par mois dans l'économie américaine (politique monétaire non-conventionnelle). Pour le moment, ces injections de monnaies banques centrales ne sont pas inflationnistes (au niveau du prix des biens et services), car cet excès de liquidité est gardé bien au chaud dans les "réserves" des banques ou bien va se loger sur les différents marchés financiers. A chaque réunion de politique monétaire, les marchés craignent comme la peste une diminution des injections ("tapering") ou bien même encore pire, un resserrement de la politique monétaire ("tightening")

La grande question est donc de savoir comment est-il possible de calmer les injections sans faire paniquer les marchés et créer une nouvelle crise, et comment ensuite réabsorber cet excès de base monétaire afin d'éviter une forte hausse de l'inflation. Il est en effet indispensable de stopper un jour ou l'autre ces injections, car lorsque la confiance reviendra, cet excès de liquidité partira des réserves des banques pour rejoindre le marché "réel", et l'inflation arrivera au galop (équation quantitative de la monnaie). Mais comment et quand ? Personne n'en sait vraiment rien ! Le niveau des injections et la hausse de la base monétaire post-crise est tel que l'on préfère pour le moment gagner du temps et repousser le problème.

2 - La courbe du chômage va s'inverser en France

Mais non, je rigole ! Selon les dernières prévisions de l'INSEE, le taux de chômage en France devrait être à peu près stable en 2014, autour de 11% (contre 10,9% en ce moment) ! Et oui, il n'y aura pas de miracle ! Avec un taux de croissance autour de 1%, le chômage ne peut pas mathématiquement reculer, selon la fameuse loi d'Okun, qui décrit le lien entre croissance du PIB et variation du taux de chômage.

En effet, il faut bien comprendre que croissance ne rime pas nécessairement avec baisse du taux chômage. La hausse du volume de production (= hausse du PIB en volume) dépend aussi de la variation productivité et de la variation de la population active. En France, on estime qu'en dessous de 1,5% de croissance réelle, et étant donné les gains de productivité et la hausse de la population active, le chômage ne peut pas diminuer.

Mais il existe une faille : les contrats aidés ! Il est possible de faire baisser le chômage en augmentant les dépenses publiques via la hausse du nombre de fonctionnaires ou la mise en place de contrats aidés. Cette technique fonctionne en effet pas mal, mais à quel prix ? La hausse des dépenses publiques et la baisse du taux de chômage dans le secteur public entrainera à moyen terme une hausse du chômage dans le secteur privé via de la hausse de la taxation pour combler le déficit.

Suite à la Note de conjoncture de décembre 2013 de l'INSEE intitulée "Reprise poussive", le président Hollande a répondu :

"La note s’intitule “Reprise poussive”. On peut dire il y a une reprise, elle est poussive donc il faut la pousser. Quand vous avez quelqu’un de poussif, il faut le pousser. La reprise c’est pareil : il y a une reprise, il faut la pousser." FH

Si l'on pouvait éviter de pousser artificiellement cette reprise en se basant uniquement sur des objectifs de court-terme avec des emplois aidés juste pour ne pas perdre la face, cela serait tout de même pas plus mal...

3 - Crise de la dette souveraine, la zone euro contre-attaque

Tout semble aller mieux en zone euro ! Ah bon ? Pour ceux ayant raté cet épisode, la Slovénie (oui oui, la Slovénie est dans la zone euro... et pour info la Lettonie va rejoindre la zone euro dans quelques jours) a évité de justesse un plan de sauvetage pour recapitaliser ses banques il y a une dizaine de jours. La petite île de Chypre a fait trembler la zone euro en mars dernier, au moment de sa quasi-faillite. Le Portugal a connu de fortes perturbations politiques cet été, avec une belle envolée des taux. L'extrème gauche d'Alexis Tsipras est actuellement largement en tête des sondages en Grèce...

Les élections européennes auront lieu dans tous les pays membres de l'Union en mai prochain. Il faut clairement craindre une forte montée des partis extrémistes et anti-européens, principalement dans les pays les plus touchés par la crise. Alors oui, cela reste des élections dont un peu tout le monde se fout, mais cela peut tout de même mettre à mal la construction européenne et fragiliser en interne certains pays. Et l'on a vu que les marchés détestent l'instabilité politique (Grèce, Portugal...), et qu'une hausse des taux 10 ans au dessus d'un niveau de 7% en Espagne ou en Italie pourrait suffire à faire s'écrouler la zone euro.

Mario Draghi a annoncé en juillet 2012 faire "whatever it takes" (tout ce qu'il faudrait) pour sauver la zone euro, et pour le moment les marchés ont l'air d'y croire. Mais pour combien de temps ? Car dans le fond, les choses n'ont pas réellement changées en ce qui concerne la soutenabilité de la dette des pays de la zone euro. La dette espagnole, qui était de 35% du PIB en 2007, devrait fin 2014 se rapprocher de la barre symbolique des 100% du PIB (et le système bancaire espagnol est toujours assez bancal) ! La population de la zone euro est toujours aussi vieillissante qu'il y a deux ans, et le problème du financement des retraites et du coût énorme lié à la "dépendance" des personnes âgés est repoussé d'années en années.

4 - Un bon gros "Black Swan" des familles

Et si 2014 nous réservait un évènemenent totalement imprévisible, dont nous ne soupçonnons pas même pour le moment l'existence. Un bon "cygne noir" à la Nassim Nicholas Taleb ! Car c'est en effet bien sympa d'essayer de prévoir le futur, en se basant sur certaines hypothèses et en allouant une probabilité à chaque variable d'état (c'est comme ça qu'on dit chez les geeks), mais cela suppose par construction deux choses : (1) que l'on est capable de connaître l'ensemble des variables consituant notre système et (2) que l'on est capable de donner une probabilité à chaque scénario ou variable, et que si l'on utilise une loi de probabilité gaussienne/normale, cette loi ne représente pas trop mal la réalité.

Mais selon la théorie du cygne noir de Taleb, l'homme a tendance à sous-estimer la fréquence d'occurrence des évènements rares ou improbables (en supposant même que l'homme soit capable de les identifier ex-ante). Si l'on revient en 2005, qui était capable de prévoir la crise et ses implications ? Idem pour les attentats du World Trade Center, Fukushima, la prise de pouvoir de Google... Des choses "qui n'arrivent jamais et qui n'ont aucune chance de se reproduire" mais qui pourtant arrivent en réalité bien plus souvent que l'on ne le pense.

Bref, on n'en sait pas grand chose ! Mais quitte à avoir une connaissance limitée, au moins en être conscient : cela évite les excès de confiance et permet de réagir plus vite et plus rationnelement en cas d'apparition d'évènements improbables.

5 - Les Bisounours débarquent sur terre et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes

Vous en avez marre des scénarios catastrophes ? Il y a de nombreux challenges et de nombreux risques devant nous, il est vrai ! Mais qui dit challenges et crises dit aussi opportunités de mutation et de changement de paradigme ; une sorte de destruction/créatrice des temps modernes. Croissance "responsable" (oui c'est un peu un truc de drogué ce principe, mais il y a tout de même plein de choses intéressantes là dedans), redéfinition du système monétaire international, nouvelle régulation du système bancaire... Tous les problèmes qui sont devant nous sont clairement surmontables avec de la détermination et une plus grande collaboration à l'échelle mondiale. Il est important de ne pas avoir peur du changement et de consentir quelques sacrifices à court-terme pour améliorer durablement la situation. Le changement, c'est en 2014 (ok ok, j'arrête la drogue ça va !).

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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