Agriculture : Pourquoi notre filière bio doit être soutenue

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Par Daniel Tirat Modifié le 9 janvier 2014 à 5h42

Un rapide tour d’horizon de la situation actuelle de l’agriculture biologique française fait apparaître de nombreux points positifs.

Les chiffres témoignent de l’évolution de ce secteur dynamique, en développement (1) : le marché a doublé en 5 ans, avec à l’heure actuelle 4 milliards d’euros d’achats de produits bios pour la consommation à domicile. Fin 2012, presque 5 % des exploitations françaises et plus d’un million d’hectares cultivés (+22 % par rapport à 2011), soit 3,8 % de la surface agricole utile (+6 % vs 2011), se consacrent à ce mode de production.
Cette progression constante est aussi le fruit du soutien des politiques publiques depuis quelques années. L’impulsion donnée par le plan « Agriculture Biologique : horizon 2012 » mis en place dès 2007, se poursuit avec le plan de développement «Ambition Bio 2017» présenté par le Ministre de l’Agriculture Le Foll. Si les grandes lignes de ce nouveau programme s’inscrivent très clairement dans une continuité, davantage de moyens seront débloqués : doublement des aides consacrées aux exploitations bio, maintien du crédit d’impôt, et renforcement du Fonds Avenir Bio (4 millions d’euros par an contre 3 auparavant).

Parmi les leviers de développement envisagés, l’accent est porté sur l’expansion des surfaces cultivées en bio : l’objectif des 6 % de la SAU en 2012 est en effet loin d’être atteint, sans parler des 20 % en 2020 envisagés par le premier Grenelle de l’Environnement... La feuille de route gouvernementale poursuit donc l’objectif, en souhaitant atteindre 7,6 % d’ici fin 2017. Mais faire porter une grande partie de l’effort sur l’expansion des surfaces, sans vision d’ensemble sur la demande, les circuits et les ventes mérite réflexion : pourquoi la part du bio dans le marché alimentaire français stagne-t-elle à 2,4 % du marché total, alors que la demande des consommateurs progresse (2) ? Quels sont les freins au développement du bio, mais surtout les leviers économiques qu’il faudrait mettre en œuvre ?

Un processus global qui ne se limite pas à celui des surfaces agricoles est nécessaire pour viser un développement pérenne. L’un des axes du plan « Ambition bio» prévoit de «développer la consommation et conquérir des marchés en touchant de nouveaux consommateurs ». L’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective d’Etat d’ici 2017 est louable, mais reste modeste sachant que seuls 7,5 % des repas sont pris hors du domicile.

Le vrai défi du bio reste à relever dans les 57 % des foyers français qui ne consomment pas encore bio, ou très exceptionnellement. Et plus précisément encore, là où ils font leurs courses : en grandes et moyennes surfaces. Ne pas se reposer entièrement sur la vente directe, le petit magasin spécialisé ou la cantine de l’école, c’est se donner les moyens d’assurer la notoriété du bio et l’avenir de la filière, bien au-delà de la « niche » des premières heures, et redonner de l’élan à une croissance qui s’essouffle. Le chiffre record de 25% de nouveaux consommateurs en 2010 est retombé à 9 % en 2012 (3): un développement intelligent en grande distribution, sans importations opportunistes et sans guerres des prix qui détruisent les filières serait une vraie réponse, avec un réel impact économique, dans une perspective durable.

Développer le bio dans l’optique d’un « processus global » suppose de penser un modèle de filière sans affrontement entre les acteurs, et dont chacun respecte les valeurs fondamentales de l’agriculture biologique : des producteurs responsables, des transformateurs aux pratiques équitables et des distributeurs respectueux des enjeux de filière.

À l’heure des grands scandales alimentaires, l’agriculture biologique ne constitue pas un horizon unique, mais une source d’inspiration précieuse. Ses valeurs et ses méthodes sont susceptibles de poser les grandes lignes du modèle agro-alimentaire de demain, en allant vers plus de qualité, de transparence et de confiance pour répondre aux attentes des consommateurs.

Enfin, au-delà de l’alimentation, l’agriculture biologique est à même de répondre efficacement à l’une des plus graves préoccupations environnementales : la pollution de plus de 90 % des cours d’eau français, en partie liée aux nitrates et pesticides employés par l’agriculture et l’élevage conventionnels. Le coût annuel engendré est colossal : autour de 54 milliards d'euros (4), entre le traitement des eaux par les usines de dépollution et l’abandon des captages devenus impropres à la production d'eau potable. Les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à soutenir activement un mode d’exploitation qui respecte l’environnement. Face aux enjeux majeurs de demain, l’agriculture biologique se doit d’occuper la place qui lui revient : développer la filière de manière pérenne, cohérente et concertée en est la condition.

(1) Source : AGENCE BIO –ANDi – 2012
(2) Source : 10e baromètre Agence Bio / CSA 2012
(3) Source : LE GIRA 2010
(4) Source : Commissariat général au développement durable (CGDD)

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Daniel Tirat est âgé de 47 ans. En 1987, il est diplômé de l’ESSEC (Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales). Trois ans après avoir obtenu son diplôme, il rejoint le groupe Danone pour travailler sur les marques Danette et Velouté. En 1994, il quitte la France pour l’Italie où il devient directeur marketing chez Reckitt & Colman. Il fait son retour en France chez Sara Lee pour travailler sur les produits hygiène et beauté, puis en supply chain. En 2006, il renoue avec « ses racines » et s’occupe des relations du groupe Danone avec Carrefour à l’échelle internationale. Depuis 2008, Daniel Tirat est le directeur général de Stonyfi eld France, filiale du groupe Danone, qui est plus connue du grand public sous le nom de Les 2 Vaches, la marque de produits laitiers bio vachement bons.      

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