Livret A : pourquoi les Français tournent le dos à leur placement préféré

La Banque de France a livré, le 17 juillet, son rapport annuel sur l’épargne réglementée. Le Livret A, qui fut longtemps le fleuron de la prudence financière hexagonale, voit sa collecte nette sérieusement fléchir. Ce produit, autrefois intouchable, semble aujourd’hui victime de son propre succès. En 2024, malgré sa place dominante, il a perdu en vigueur. Symptôme passager ou déclin structurel ?

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 21 juillet 2025 13h00
En 2024, le Livret A a ralenti sa collecte
Livret A : pourquoi les Français tournent le dos à leur placement préféré - © Economie Matin
15 milliards € Collecte nette du Livret A en 2024 : seulement 15 milliards d’euros, son plus bas niveau depuis quatre ans.

Une épargne star en perte d’élan : le Livret A au sommet… mais sans marge

Il était le chouchou des épargnants, il devient un poids lourd difficile à faire avancer. En 2024, le Livret A demeure l’incontournable placement des ménages, avec 83 % des Français qui en détiennent un, selon les chiffres de la Banque de France. Pourtant, cette hégémonie semble cacher une panne de croissance. Le gouverneur de l’institution, François Villeroy de Galhau, a déclaré dans des propos rapportés par Le Monde : « Sa diffusion a atteint un niveau de saturation ». 

Car si l’on en croit les données publiées, les 956 milliards d’euros d’encours recensés en 2024 sur l’ensemble des produits d’épargne réglementée (+2,2 % par rapport à 2023) n’ont pas suffi à masquer une dynamique en berne. La collecte nette du Livret A, elle, s’est réduite à 15 milliards d’euros, une chute drastique face aux 28 milliards d’euros de moyenne annuelle entre 2020 et 2023.

Une collecte nette qui recule

Selon les données consolidées par la Banque de France, la collecte nette du Livret A s’est établie à 14,87 milliards d’euros pour 2024. Un chiffre qui, s’il dépasse encore la moyenne décennale (11,5 milliards), marque une rupture brutale avec l’année précédente (28,68 milliards d’euros en 2023, selon le Cercle de l’Épargne). Le contexte n’a pourtant rien d’hostile, l’inflation ralentit, les taux de la Banque centrale se stabilisent. Et pourtant, les dépôts sur le Livret A ralentissent, pendant que les retraits progressent.

D’autres produits réglementés suivent la même trajectoire, quoique de façon plus modérée. Le LDDS (Livret de développement durable et solidaire), par exemple, voit sa collecte chuter à 6,55 milliards d’euros, contre 11,24 milliards un an plus tôt. Même constat pour le LEP (Livret d’épargne populaire), qui, après une forte hausse en 2023, amorce un retour au calme.

Taux abaissé, confiance écornée ?

À quoi attribuer ce décrochage soudain ? Peut-être à la décision controversée du gouvernement de réviser les taux à la baisse. Le 1er août 2024, le taux du Livret A a été abaissé de 2,4 % à 1,7 %, celui du LEP de 3,5 % à 2,7 %. La Banque de France a justifié cette décision en évoquant la nécessité de « rester au-dessus du niveau de l’inflation, en baisse ».

Mais dans les faits, cette baisse a probablement érodé l’attractivité du produit. Car dans un contexte de rendements obligataires en hausse et de marché boursier dynamique, certains ménages préfèrent arbitrer. L’assurance-vie, avec ses fonds en euros (24 %) et unités de compte (8 %), capte 33 % du patrimoine financier des ménages contre 15 % pour l’épargne réglementée. L’effet de bascule est enclenché.

Livret A : un pilier toujours utile, mais qui ne fait plus rêver

Si la collecte nette ralentit, le Livret A conserve une utilité structurelle. Il reste le principal canal de financement du logement social en France. En 2024, ce sont 21 milliards d’euros de prêts qui ont été signés par la Caisse des Dépôts, selon le communiqué de la Banque de France du 16 juillet 2025. Ces chiffres rappellent que ce produit ne peut être réduit à un simple outil d’épargne.

Il participe à un équilibre macroéconomique, en canalisant l’épargne vers des usages à forte valeur sociale. Mais le charme semble rompu. Les ménages veulent plus de flexibilité, plus de rendement, moins de plafond. Le Livret A, corseté par sa réglementation, peine à s’adapter. Il demeure certes le garant d’une liquidité immédiate et défiscalisée, mais cela suffit-il à faire oublier son rendement en berne ?

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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