CAC 40 : près d’un euro de dividende sur deux échappe à l’économie française

Les grands groupes français versent plus de la moitié de leurs dividendes à des investisseurs étrangers. Une mécanique silencieuse, mais aux effets très concrets.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 24 juin 2025 13h35
Près de 100 milliards d’euros ont été reversés aux actionnaires des fleurons de la Bourse de Paris en 2024
Près de 100 milliards d’euros ont été reversés aux actionnaires des fleurons de la Bourse de Paris en 2024 - © Economie Matin
1240 MILLIARDS €Selon EY, les investisseurs étrangers détenaient fin 2024 une valorisation de 1 240 milliards d’euros d’actions du CAC 40

Le 23 juin 2025, le cabinet EY a publié son étude annuelle sur le profil financier des entreprises du CAC 40, révélant un fait peu commenté mais stratégique : près d’un euro de dividende sur deux échappe à l’économie française. Derrière les chiffres records de redistribution, se cache une réalité géographique méconnue : la majorité du capital est entre des mains non résidentes.

73 milliards d’euros de dividendes, dont la moitié envoyée à l’étranger

En 2024, les entreprises du CAC 40 ont versé 73 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, un record. Ce montant colossal masque une fracture : 49,5 % du capital des groupes du CAC 40 est détenu par des investisseurs étrangers. Cette proportion, confirmée par EY dans son rapport daté de juin 2025, implique mathématiquement qu’environ 36,1 milliards d’euros ont été distribués hors de France.

Ces flux sortants ne sont pas anecdotiques. Ils représentent un véritable transfert de richesses des entreprises françaises vers des porteurs d’actions situés principalement en Amérique du Nord, en Europe du Nord et en Asie. En d’autres termes, les dividendes du CAC 40 ne profitent pas en majorité à l’épargne nationale, mais à des fonds étrangers, souvent institutionnels.

Un actionnariat international structurant

Selon EY, les investisseurs étrangers détenaient fin 2024 une valorisation de 1 240 milliards d’euros d’actions du CAC 40, contre 1 298 milliards un an plus tôt. Malgré cette légère baisse, la France reste structurellement minoritaire dans la détention de ses propres champions boursiers.

Cette structure capitalistique influe fortement sur les stratégies de redistribution. Les fonds étrangers — notamment anglo-saxons — privilégient une logique de rendement immédiat. Cela pousse les conseils d’administration à maintenir un haut niveau de dividendes, quelles que soient les contraintes économiques, afin de satisfaire ces grands détenteurs internationaux.

Le cas emblématique des banques et de TotalEnergies

Les plus gros payeurs de dividendes en 2024 — BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, TotalEnergies — sont également parmi les plus internationalisés. À eux seuls, ces quatre groupes représentent une part importante des 73 milliards d’euros versés. Une proportion importante de ces montants — parfois jusqu’à 60 % pour certaines valeurs — est captée par des fonds d’investissement étrangers.

Ainsi, des milliards d’euros quittent chaque année le circuit économique français, alors même que ces entreprises bénéficient souvent de contrats publics, de soutiens fiscaux ou d’un ancrage stratégique sur le territoire national.

Un impact discret mais majeur sur l’économie nationale

Ce phénomène soulève une question politique et économique de fond : quelles sont les conséquences à long terme d’une telle évasion légale des dividendes ? Moins de réinvestissement local, moins d’épargne disponible, moins de flux dans l’économie réelle. Si la Bourse française affiche une bonne santé apparente, ses fruits ne mûrissent pas toujours dans le jardin national.

En 2024, plus de 36 milliards d’euros issus des profits du CAC 40 ont été versés à des investisseurs étrangers. Cette donnée, rarement mise en avant, souligne une vérité fondamentale : la Bourse de Paris n’est plus réellement française dans sa structure capitalistique. Alors que le CAC 40 reste un pilier de l’économie nationale, sa richesse s’évapore partiellement à chaque détachement de dividende. Un sujet clé pour toute réflexion sur la souveraineté économique, la répartition de la valeur, et la politique fiscale à venir.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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