L’Etat doit apprendre à demander un retour sur investissement des aides publiques en faveur du développement des territoires

Une récente commission d’enquête du Sénat estime à 211 milliards d’euros le budget dépensé chaque année au titre des aides publiques attribuées aux entreprises, pour la bagatelle de 2200 dispositifs d’aides recensés. Alors que les opinions s’échauffent sur le budget de la France, les gros chiffres font tourner la tête. A titre d’exemple, les dépenses de l’Etat concernant l’éducation s’élevaient (seulement) à 189 milliards d’euros en 2023.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
By Virginie Saks et Francois Verrecchia Published on 9 août 2025 9h00
Union européenne budget France
L’Etat doit apprendre à demander un retour sur investissement des aides publiques en faveur du développement des territoires - © Economie Matin
211 MILLIARDS €L'Etat verserait 211 milliards d'euros d'aides chaque année.

Il faut écouter les auditions de la commission d’enquête pour finir d'être surpris ; la quasi totalité des auditionnés confirment qu'il serait de bon aloi de conditionnaliser les aides à des obligations de retombées économiques pour la France. Voire, pourquoi pas, de rembourser les aides reçues en cas de licenciement ou de délocalisations. Une orientation politique qui permettrait de soutenir l’équilibre des finances publiques sans grand risque de censure…

Car il est vrai que l'Etat ne sait être ni prêteur ni client. L'Etat donne sans attendre, a mi-chemin entre redistribution louable et timidité maladive. Est-il si malvenu que cela de s'assurer que les créations d'emplois annoncées sont devenues réalité ? Ou que les aides publiques se traduisent dans un ruissellement auprès des chaînes de valeurs économiques territoriales ? La France est le pays dans lequel les prélèvements obligatoires atteignent des sommets ; cela ne peut se concevoir que si nous apprenons à redistribuer auprès des entreprises qui auront le meilleur impact.

Il faut donc conditionner les aides publiques à une contribution à la cohésion territoriale et au pouvoir d'achat des Français. C’est ce que nous appelons le “dividende territorial” : qu’il s’agisse d’investissements productifs ou de philanthropies, les entreprises financent des actions de développement local. Ces entreprises doivent en particulier être favorisées dans l’attribution d’aides publiques. Quelques propositions pour suivre l’attribution des aides publiques :

  • Garantir dans la durée l'emploi et l'employabilité de nos concitoyens.
    Par exemple :
    l’entreprise investit-elle dans des formations sur des métiers d’avenir tels que l’usinage, la soudure, la transition énergétique, l’industrie circulaire… ?
  • Soutenir à court et moyen terme le pouvoir d'achat des Français. Par exemple : l’entreprise alimente-t-elle un réseau de chaleur urbain ? Finance-t-elle des associations d'insertion locale via un fonds de dotation ? Offre-t-elle une bourse d’étude aux enfants de ses collaborateurs ?
  • Soutenir les entreprises qui affichent de la fabrication française, depuis le marquage des douanes jusqu’à la certification Origine France Garantie
  • Valoriser la capacité d'entraînement des chaînes de valeur économiques locales. Par exemple : l’entreprise a-t-elle collaboré avec des TPE locales dans ses projets d'innovation ? Travaille-t-elle avec des PME locales pour la construction de son usine ?

L’Etat doit également outiller les collectivités dans la négociation de contreparties lorsque de grands projets financés par l’Etat s’implantent sur leur territoire. Par exemple, s’assurer que les data centers s’intègrent-ils dans le paysage ? Vont-ils contribuer au fonctionnement d’infrastructures locales telles que des serres agricoles ou des équipements sportifs nécessitant un apport de chaleur ?

Un budget équilibré, c’est un État gestionnaire qui ose demander des contreparties financières en s’appuyant sur les compétences de ses agences et opérateurs, sans reporting excessif et en toute transparence au préalable sur les attendus. C’est le minimum pour une France qui se revendique de la “start-up nation”.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Compagnum est un cabinet de conseil et d'étude sur la réindustrialisation cofondé par Virginie Saks et Francois Verrecchia.