Quel montant les Français dépensent-ils chaque année pour se soigner, après les remboursements ? En 2023, ce reste à charge moyen atteint 274 € par personne. Pourtant, certains patients paient bien davantage — et le phénomène s’accroît avec les soins invisibles.
Santé : pourquoi les soins coûtent-ils de plus en plus cher aux Français ?

Le 21 novembre 2024, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a publié les chiffres actualisés des dépenses de santé en France. Ce rapport révèle que le reste à charge santé moyen par habitant atteint 274 € en 2023. Autrement dit, c’est ce que chaque Français débourse, après remboursements par l’Assurance maladie et sa mutuelle, pour accéder à des soins. Alors que ce montant paraît modeste, il masque des écarts profonds et une pression croissante sur les plus précaires.
Un reste à charge en hausse et très inégal selon les situations
En 2023, le reste à charge représente 7,5 % de la consommation totale de soins et de biens médicaux, selon la DREES. Ce taux correspond à une participation directe des ménages de 18,6 milliards d’euros, ce qui donne une moyenne de 274 euros par habitant.
Ce niveau marque une progression par rapport à l’année précédente. En 2022, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estimait ce montant à 250 € par habitant, dont 67 € rien que pour les médicaments ambulatoires.
Ces moyennes cachent toutefois de grandes disparités sociales et médicales. Une autre estimation du reste à charge après assurance maladie obligatoire (RAC AMO), réalisée par la DREES, évoque un montant de 490 € par patient. Plus marquant encore, une enquête menée par France Assos Santé fait état de 1 557 € en moyenne par an et par personne, intégrant les dépenses dites « invisibles » — matériel non remboursé, accompagnement, aides techniques. « 1 557 € en moyenne par an et par personne, et jusqu’à plus de 8 200 € pour les 10 % qui déclarent le plus de frais liés à leur santé », selon France Assos Santé (2024).
Ainsi, au-delà des statistiques officielles, de nombreux foyers subissent un déboursé santé nettement plus élevé.
Pourquoi les Français déboursent-ils autant pour se soigner ?
Dépassements d’honoraires et participations obligatoires
Le modèle français repose sur un panachage de remboursements et de forfaits fixes à la charge des assurés. Parmi eux, le ticket modérateur, la participation forfaitaire de 1 € par acte médical ou encore les franchises médicales, passées à 1 € par boîte de médicaments depuis mars 2024. Autant de frais systématiquement supportés par le patient, y compris avec une bonne complémentaire.
À cela s’ajoutent les dépassements d’honoraires dans le secteur libéral, surtout en zones urbaines tendues. Pour une consultation chez un spécialiste hors convention, l’assurance maladie rembourse sur la base d’un tarif opposable, laissant parfois plusieurs dizaines d’euros à la charge du patient.
Limites des complémentaires santé
Malgré la généralisation des mutuelles d’entreprise et la mise en place du 100 % santé sur certains équipements (optique, dentaire, audioprothèse), tous les soins ne sont pas intégralement couverts. De nombreux contrats ne remboursent pas les dépassements ou excluent certaines prestations. Résultat : le patient complète encore fréquemment de sa poche.
Soins non remboursés et frais invisibles
Une part croissante du reste à charge est constituée de dépenses hors radar : consultations chez des psychologues non conventionnés, séances de kinésithérapie supplémentaires, compléments alimentaires prescrits, matériel médical non pris en charge. Ces postes, qualifiés de restes à charge invisibles, sont responsables d’une bonne partie des 1 557 € annuels recensés par France Assos Santé.
Un frein croissant à l’accès aux soins ?
Cette charge financière a des conséquences directes sur le renoncement aux soins. Pour les ménages modestes, ces montants représentent une contrainte réelle. En 2019 déjà, l’Observatoire des inégalités notait un reste à charge annuel de 387 € par ménage, soit environ 1,2 % du revenu médian. Cette proportion s’est sans doute accrue avec l’inflation et la stagnation des salaires.
Par ailleurs, le coût des mutuelles augmente fortement. En 2025, les cotisations des complémentaires santé ont progressé en moyenne de 6 %, selon une analyse publiée par Le Monde. Cette hausse pèse davantage sur les retraités et les indépendants, qui n’ont pas accès à une mutuelle collective.
Si la France reste l’un des pays de l’OCDE où le reste à charge santé est parmi les plus faibles (après le Luxembourg), ce constat ne suffit plus à rassurer les ménages confrontés à des soins coûteux. Les données montrent que l’effort financier est de plus en plus concentré sur certains profils, tandis que le système global d’assurance maladie peine à suivre l’évolution des besoins.