Une note récente de l’Institut Montaigne alerte : le prix du carburant pourrait grimper d’une quinzaine de centimes par litre, conséquence directe de la mise en place du marché carbone européen ETS2.
Pourquoi le litre de carburant va augmenter de 15 centimes ?

Publié le 9 octobre 2025, le rapport « Transition des mobilités : anatomie d’une impasse » de l’Institut Montaigne éclaire une évolution majeure du coût de l’énergie. Selon le think tank, la future réglementation européenne dite ETS2, qui s’appliquera aux carburants routiers, pourrait provoquer une augmentation comprise entre 10 et 15 centimes d’euro par litre à la pompe.
Carburant : une hausse liée au marché du carbone
Dans son rapport, l’Institut Montaigne rappelle que le système d’échange de quotas d’émissions (ETS 2) entrera en vigueur le 1er janvier 2027. Ce mécanisme vise à fixer un prix du carbone pour les secteurs du bâtiment et du transport routier, afin d’inciter à une réduction de la consommation d’énergie fossile. « La réglementation ETS 2, en particulier, pourrait entraîner toutes choses égales par ailleurs une augmentation des prix à la pompe entre 10 et 15 centimes par litre », préviennent les auteurs Nicolas Laine et Louis de Crevoisier dans la note publiée par l’Institut Montaigne.
Selon leurs calculs, la mesure pourrait se traduire par une hausse de 15 centimes par litre sur l’essence et de 17 centimes sur le diesel, hors TVA, dès 2027. Ce surcoût représenterait environ 200 euros supplémentaires par an pour un ménage moyen, indique le document. TF1 Info, qui a relayé cette analyse, souligne qu’« une telle progression du prix du carburant rappellerait les tensions sociales de 2018 ».
Le think tank précise que cette évolution ne résulte pas d’une taxe nationale, mais du coût des quotas carbone que devront acheter les distributeurs d’énergie. Ceux-ci répercuteront mécaniquement la charge sur les consommateurs finaux. Une hausse qui fera du bien aux caisses publiques : 7,2 milliards d’euros de recettes annuelles pour l’État et 1,2 milliard d’euros destinés au Fonds social pour le climat (FSC). Ces sommes sont censées financer des mesures d’accompagnement pour les ménages les plus modestes.
Émissions carbone : qu’est-ce qui va changer en Europe ?
La Commission européenne confirme que le dispositif ETS2 doit s’appliquer en 2027, avec un plafond d’émissions fixé à 1 036 288 784 quotas pour le secteur transport-bâtiment. Ce plafond sera progressivement réduit chaque année pour respecter la trajectoire climatique de l’Union. Le système touchera les entreprises en amont : il s’adresse aux fournisseurs de carburant et de gaz, qui devront acheter des quotas avant de les répercuter dans le prix de vente. Selon Bruxelles, cette approche garantit une application uniforme dans tous les États membres.
Cependant, un mécanisme de soupape existe : si les prix de l’énergie explosent sur les marchés mondiaux, la mise en œuvre pourrait être repoussée à 2028. Ce report vise à éviter une flambée de prix du litre d’essence au moment où la population européenne reste sensible au coût du transport.
Plusieurs États, dont la France, plaident pour des ajustements. D’après Carbon Pulse, le gouvernement français a exprimé de « sérieuses préoccupations » concernant le pouvoir d’achat et propose d’introduire un corridor de prix national, combinant un plancher et un plafond pour le coût du carbone. L’objectif : amortir les pics de prix du quota tout en préservant le signal écologique.
En parallèle, la Commission a confirmé que le Fonds social pour le climat – financé par une part des recettes carbone – sera opérationnel dès 2026. Il devra redistribuer 1,2 milliard d’euros par an à la France selon la répartition établie par Bruxelles, afin de financer les aides à la rénovation thermique et aux mobilités bas-carbone.
Pour les économistes, la clé sera la vitesse de transfert du surcoût carbone vers le prix final du carburant. Si le prix du quota reste autour de 45 €/tCO₂, la hausse à la pompe resterait limitée à une dizaine de centimes ; mais un prix supérieur à 70 €/tCO₂ pourrait porter l’augmentation au-delà de 15 centimes par litre, selon les projections de Transport & Environment.
Hausse des carburants : une facture sociale redoutée en France
La France, rappelle l’Institut Montaigne, a déjà connu une crise de l’énergie déclenchée par la hausse des prix du carburant en 2018. Les auteurs soulignent : « Les carburants sont une dépense contrainte qui laisse peu de marge de manœuvre aux ménages des classes moyennes et populaires. »
L’étude note que près de 80 % des déplacements domicile-travail en zone rurale se font encore en voiture, faute d’alternatives crédibles. L’introduction d’un coût carbone supplémentaire, même de quelques centimes, risque donc de peser fortement sur les ménages dépendants de la mobilité automobile.
D’après Orange Actu, le gouvernement français examine actuellement plusieurs scénarios pour lisser cette augmentation, mais les marges de manœuvre restent limitées. Une réduction des taxes nationales sur le carburant réduirait les recettes publiques, tandis qu’une subvention ciblée risquerait de diluer le signal écologique du système européen. Le rapport de Transport & Environment recommande plutôt un usage intégral des recettes carbone pour accompagner la transition, plutôt qu’un simple amortisseur temporaire.
Les auteurs de l’Institut Montaigne insistent enfin sur la nécessité d’un plan d’ensemble. « Le coût du dispositif sera répercuté sur les consommateurs d’énergie finaux », précisent-ils dans leur note. Pour éviter un rejet comparable à celui des “gilets jaunes”, ils préconisent d’articuler la fiscalité du carburant avec une stratégie de mobilité électrique cohérente : développement massif des bornes, incitations à la conversion de flotte et soutien aux transports collectifs.
