Le gouvernement a franchi un cap symbolique dans sa politique familiale. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, présenté le 14 octobre, figure une mesure longtemps réclamée : la création d’un « congé de naissance » de deux mois pour chaque parent, rémunéré et non transférable. Une avancée sociale majeure, selon l’exécutif, mais aussi un défi financier pour la Sécurité sociale.
Parents : tout savoir sur le nouveau congé de naissance de 2 mois

Une promesse de campagne devenue réalité budgétaire
Ce nouveau congé de naissance, inscrit noir sur blanc dans le budget, concrétise un engagement du président Emmanuel Macron formulé dès 2022 : renforcer l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. « L’objectif est de permettre à chaque parent de s’investir pleinement dans les premières semaines de vie de son enfant », a déclaré le Premier ministre lors de la présentation du budget.
Selon le texte, le dispositif sera ouvert aux deux parents, quel que soit leur statut marital, et devra être pris dans les six mois suivant la naissance. Il ne remplace pas les congés existants — maternité, paternité ou adoption — mais les complète, offrant ainsi une période supplémentaire de présence auprès du nouveau-né.
Deux mois rémunérés à 83 % du salaire net
Le congé de naissance durera deux mois (huit semaines) pour chaque parent, et sera indemnisé à hauteur de 83 % du salaire net, avec un plafond fixé à 3 600 euros par mois. Cette compensation, financée par la branche Famille de la Sécurité sociale, représente un coût estimé à 2,1 milliards d’euros par an, selon les chiffres avancés par 20 Minutes.
L’indemnisation s’appliquera dès le 1er janvier 2026, sous réserve de l’adoption du texte par le Parlement d’ici la fin de l’année. Aucun financement supplémentaire n’est prévu via les cotisations sociales à court terme. Le gouvernement mise sur une réaffectation interne des crédits familiaux, « sans creuser le déficit global », assure le ministre du Budget Hervé Berville.
« Il s’agit d’un investissement pour l’égalité et la cohésion sociale », a-t-il souligné.
Une révolution culturelle dans la politique familiale
Le nouveau congé s’inscrit dans une dynamique européenne : la directive européenne de 2019 incite les États membres à garantir un minimum de deux mois de congé parental non transférable pour chaque parent. En pratique, la France faisait jusque-là figure d’exception : si le congé paternité avait été rallongé à 28 jours en 2021, la répartition du temps parental restait déséquilibrée.
L’objectif est clair : encourager la prise de congé par les pères (ou le second parent) et réduire la charge mentale pesant sur les mères, souvent seules à bénéficier de congés longs après une naissance.
Un équilibre budgétaire sous surveillance
Ce nouvel avantage social a toutefois un coût. Avec 2,1 milliards d’euros annuels de dépenses supplémentaires, certains observateurs craignent un effet d’éviction sur d’autres politiques familiales.
La branche Famille de la Sécurité sociale affiche déjà un déficit de 600 millions d’euros pour 2025, selon les dernières projections du ministère. Les syndicats redoutent que la mesure, bien que populaire, ne soit « financée à découvert ».
Du côté du patronat, les réactions oscillent entre prudence et inquiétude :
« Il faut s’assurer que ce nouveau congé n’alourdisse pas la charge des entreprises ni ne désorganise les équipes », a estimé Patrick Martin, président du Medef, lors d’une intervention sur BFM Business.
Le gouvernement, lui, défend une logique d’investissement social : « Les premières années de vie sont décisives. Permettre à chaque parent d’être présent, c’est aussi investir dans le capital humain de demain », explique Hervé Berville.
Vers une égalité réelle entre les parents ?
L’autre enjeu est symbolique : celui de l’égalité entre les sexes dans la parentalité. En rendant ce congé non transférable, le gouvernement veut inciter les deux parents à s’impliquer également dans la période post-natale.
Les associations féministes saluent une « étape importante vers une égalité réelle », mais demandent déjà plus :
« Ce congé doit être accompagné d’une évolution culturelle dans les entreprises et d’un maintien de carrière garanti pour les deux parents », plaide Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
Des entreprises pionnières, notamment dans le secteur technologique, avaient déjà introduit des congés similaires, souvent mieux indemnisés. Le dispositif national viendrait donc harmoniser les droits, en particulier pour les salariés des PME ou du secteur public.
Une mesure qui place la France dans le peloton de tête européen
Avec cette réforme, la France rejoint le peloton de tête européen en matière de congé parental équitable.
La Suède accorde 480 jours de congé à répartir entre les parents, dont 90 non transférables. L’Espagne offre 16 semaines à chaque parent. La France, avec huit semaines garanties, franchit ainsi une étape symbolique, même si elle reste loin du modèle scandinave.
Prochaine étape : le vote au Parlement
Le projet de loi sera débattu à l’Assemblée nationale à partir du 28 octobre 2025. S’il est adopté sans modification, le congé de naissance entrera en vigueur au 1er janvier 2026, pour toutes les naissances survenues à compter de cette date.
Le gouvernement espère un large consensus politique, mais certains députés de l’opposition dénoncent une « annonce de communication » à quelques mois des élections européennes. Pour d’autres, comme Laurence Rossignol (PS), ancienne ministre des Familles, « il s’agit enfin d’une mesure concrète pour faire reculer les inégalités parentales ».