Pétrole : Washington sanctionne les majors russes Rosneft et Lukoil

Les États-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions majeures contre les entreprises pétrolières russes, une décision stratégique visant à réduire les revenus de Moscou issus de l’énergie. En ciblant directement Rosneft et Lukoil, Washington accentue la pression économique sur la Russie, espérant infléchir le cours de la guerre en Ukraine.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 23 octobre 2025 6h24
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petrole-baisse-prix-opep-reduction-production - © Economie Matin
64 DOLLARSLe prix du pétrole Brent affiche un peu plus de 64 dollars le baril.

Le 22 octobre 2025, le département du Trésor américain a dévoilé un ensemble de sanctions inédites contre le secteur pétrolier russe. Ces mesures, qui touchent Rosneft, Lukoil et leurs filiales, s’inscrivent dans la stratégie de long terme des États-Unis pour asphyxier financièrement la Russie et restreindre sa capacité à poursuivre la guerre en Ukraine.

Ce que Washington a décidé : des sanctions sans précédent sur le pétrole russe

Les nouvelles sanctions américaines frappent au cœur de l’économie russe : le pétrole. Le Trésor américain a officiellement placé sur liste noire Rosneft et Lukoil, les deux plus grands producteurs de pétrole de la Russie, ainsi que trente-quatre de leurs filiales opérant dans le raffinage, le transport et le négoce. Selon le communiqué du département du Trésor publié le 22 octobre 2025, ces entreprises sont accusées de « financer la machine de guerre du Kremlin ».

Scott Bessent, secrétaire au Trésor, a déclaré : « Compte tenu du refus du président Poutine de mettre fin à cette guerre insensée, le Trésor sanctionne les deux plus grandes compagnies pétrolières russes qui financent la machine de guerre du Kremlin ».

Concrètement, ces sanctions gèlent les avoirs américains des sociétés concernées et interdisent à tout acteur soumis à la juridiction des États-Unis de réaliser des transactions avec elles. Elles s’appuient sur l’ordonnance exécutive E.O. 14024, permettant de bloquer toute entité « opérant dans le secteur de l’énergie de la Fédération de Russie ».

Cette offensive diplomatique et économique s’ajoute à une longue série de mesures adoptées depuis 2022, en particulier par l’Union européenne. Déjà, en janvier 2025, Washington avait étendu les sanctions à plus de 180 navires, plusieurs traders et compagnies d’assurance impliqués dans le transport du brut russe. En annonçant cette nouvelle salve, les États-Unis affirment vouloir pousser Moscou à la négociation. Scott Bessent a insisté : « Il est temps d’arrêter les tueries et d’instaurer un cessez-le-feu immédiat. »

Cibles et objectifs : Rosneft et Lukoil dans le viseur de Washington

Les sanctions concernent d’abord les deux géants du pétrole russe : Rosneft et Lukoil. Ensemble, ces entreprises représentent près de la moitié de la production pétrolière de la Russie, selon les estimations citées par Reuters. En les visant directement, les États-Unis cherchent à tarir la principale source de revenus du Kremlin, estimée à plusieurs dizaines de milliards de dollars par mois.

Ces deux sociétés, vitales pour le financement de la politique énergétique russe, sont désormais privées d’accès au système financier américain et de la possibilité d’effectuer des transactions en dollars. En outre, plusieurs de leurs filiales sont interdites de commercer avec des entreprises occidentales, y compris pour les équipements technologiques liés au raffinage et à la logistique du pétrole. L’objectif de Washington est double. D’abord, réduire les recettes énergétiques de la Russie, qui constituent la colonne vertébrale de son budget de guerre. Ensuite, accroître la pression diplomatique sur Vladimir Poutine en espérant un infléchissement politique.

Cette stratégie s’inscrit dans un contexte où l’Union européenne a, elle aussi, décidé de durcir le ton. Le 8 octobre 2025, Bruxelles a franchi une étape politique importante en validant un plan visant à mettre fin à toutes les importations d’énergie russe d’ici 2028, en particulier les importations de gaz. Selon Chris Wright, secrétaire américain à l’Énergie, « C’est une pression immense sur la Russie »

Conséquences : un choc sur les marchés du pétrole, de l’énergie et de la bourse

Les sanctions américaines interviennent dans un contexte déjà tendu sur le marché mondial de l’énergie. En septembre 2025, les exportations russes de pétrole et de produits raffinés ont généré 13,35 milliards de dollars, contre 13,58 milliards en août, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie. Ce recul s’explique par la baisse de la demande asiatique et l’effet cumulatif des sanctions précédentes. Les analystes d’Energy & Clean Air estiment que le pétrole russe Urals se négociait avec un rabais moyen de 5,13 USD le baril par rapport au Brent en septembre 2025, soit une hausse de 39 % sur un mois.

En limitant la capacité d’exportation de Moscou, Washington espère non seulement réduire les recettes russes, mais aussi renforcer la sécurité énergétique de ses alliés européens. Cependant, cette stratégie comporte un risque : la diminution de l’offre mondiale pourrait provoquer une hausse des prix. Certains analystes anticipent une augmentation de 5 à 10 USD par baril, un effet domino susceptible de nourrir l’inflation énergétique mondiale.

La Russie, de son côté, menace de réorienter davantage ses exportations vers la Chine et l’Inde. Mais cette diversification reste contrainte : la dépendance logistique aux routes maritimes et aux assurances occidentales limite encore la manœuvre.

Sur les marchés, l’annonce de ces sanctions a immédiatement provoqué des réactions contrastées. À la Bourse de Londres, les valeurs pétrolières occidentales ont progressé de 2 % à 4 %, tandis que les contrats à terme sur le Brent ont franchi les 64 dollars le baril.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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