Le retour de la drachme

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 9 juillet 2015 à 9h24
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50%Si la Grèce revenait à la drachme la monnaie pourrait être dévaluée de 50% en quelques jours.

L’insolvabilité de l’état grec

La dette grecque représente 320 milliards d’euros. Les statuts de la BCE et du FMI ne permettent pas une réduction de la dette « hair cut » d’un pays. C’est le Fonds de stabilité monétaire européen avec ses états membres qui pourraient racheter la dette émise auprès de la BCE et du FMI. L’institution de Washington bénéficie d’un statut privilégié. En effet, en cas de défaut de paiement d’un pays, elle est remboursée en premier. Depuis sa création le 22 juillet 1944 lors de la conférence de Bretton Woods, le FMI n’a jamais effacé la dette d’un état dans le monde. Son fonctionnement lui permet d’allonger les remboursements dans le temps sans aucune pénalité. N’oublions pas que l’article 125 du traité de Lisbonne interdit qu’un état européen supporte les dettes d’un autre état. « L'Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ». (article 125 du traité de Lisbonne).

En ce 9 juillet 2015, l’état grec est dans l’incapacité financière de rembourser ses dettes à ses créanciers. S’il ne rembourse pas la prochaine échéance du 20 juillet de 3,5 milliards d’euros à la BCE, celle-ci fermera le robinet du crédit. En effet, la BCE n’assurera plus les liquidités d’urgence aux banques grecques dès lors qu’il n’y aura plus d’accord politique possible. L’État Grec de facto ne sera plus en mesure d’emprunter auprès des investisseurs publics ou privés. Dans ces conditions, la Grèce devient insolvable. Si aucun un accord n’est trouvé entre les créanciers et Athènes, nous nous dirigeons vers le fameux Grexit. Bruxelles, la BCE, le FMI redoutent cette option finale tandis que les opérateurs financiers anticipent de plus en plus cette issue. Le Grexit signifierait la sortie de la Grèce de la zone euro mais non de l’Union Européenne. Quel serait l’intérêt de la Grèce de quitter l’Union Européenne. Elle resterait dans l’Europe et l’euro ne serait plus sa monnaie souveraine. Dans ces conditions, elle devra revenir à sa monnaie d’origine, la drachme afin de redonner de l’oxygène à son économie. La croissance est vitale pour le développement de l’économie grecque. En raison de sa situation géographique et de son système politique, la Grèce demeure plus que jamais un pays vulnérable.

L’arrivée de la drachme

La Grèce ne serait pas économiquement en mesure d’émettre une devise internationale. Elle reviendrait donc à la drachme. La première conséquence de la drachme serait une dévaluation. Celle-ci s’effectuerait en quelques jours. Elle devrait représenter un pourcentage compris entre 40% et 50% de la valeur la monnaie européenne. Il y aurait un risque de blocage des importations et des exportations. En baissant la valeur de sa devise par rapport à l’euro, les coûts de fabrication de ses produits baisseraient. Ces derniers seraient ainsi compétitifs pour la population et les exportations. Les produits agricoles locaux deviendraient moins chers. Ce qui n’est pas négligeable dans un pays qui compte aujourd’hui 35% de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Le tourisme Grec gagnerait en compétitivité. Les investisseurs étrangers se porteraient alors acquéreurs des entreprises comme l’immobilier résidentiel dans les zones touristiques. Le prix de ces actifs serait très attractif. A l’opposé, le pétrole, les voitures, les ordinateurs, les téléphones, les tablettes importées deviendront inabordables pour les classes moyennes puisque les importateurs devront les payer dans une devise en dollars ou en euros et non en drachmes. L’industrie grecque comme dans de nombreux petits pays de l’Union Européenne est tributaire de ses importations vitales comme par exemple les composants électroniques, les médicaments et plus de 50% des produits d’alimentation.

Six mois après la réintroduction de la drachme, le taux de chômage devrait baisser avec la création d’emplois dans les grandes villes et dans les îles touristiques. Les employés du secteur publics, les retraités et les fournisseurs de l’état seraient rétribués en drachmes. Quid de l’achat des biens importés ? Les Grecs pourraient le faire avec les euros conservés avant le retour de la drachme. La Grèce ne pourra pas se passer de l’euro. Dans tous les cas, il y aurait la coexistence de deux monnaies : l’euro pour les échanges externes et la drachme pour les transactions internes. Dans tous les pays en faillite, il y a toujours une devise qui sert de valeur refuge. L’euro serait cette monnaie sécurisée.

Le rôle des banques grecques

Les banques sont les chefs d’orchestre indispensables pour assurer le fonctionnement de l’économie. Elles doivent garantir aux publics, privés et aux particuliers le système de paiement, de monnaie et de crédit. Les banques se retrouvent au premier rang lorsqu’il y a un changement de la monnaie. Si la Grèce sortait de la zone euro rapidement, elle devrait concevoir cette nouvelle devise dans les meilleurs délais afin d’éviter qu’un chaos monétaire et économique ne se produise. Ces périodes de transition sont complexes et difficilement prévisibles. Comment se comporterait une population s’il n’y avait plus de monnaie disponible pour payer les dépenses courantes ? Quid de l’économie du troc en grèce ? Celle-ci a fonctionné durant les premiers mois de la crise en Argentine. Il faut généralement 3 mois pour frapper les pièces, imprimer les billets, approvisionner les banques, … La banque centrale grecque deviendrait l’institution garante du système bancaire puisque la BCE ne pourrait plus assumer ce rôle.

Les risques inflationnistes

Une sortie de la zone euro de la Grèce entrainerait un risque inflationniste qu’ont connu des pays comme l’Argentine ou le Venezuela. En effet, il y aurait de l’inflation puisque la drachme serait sous-évaluée par rapport à l’euro ou au dollar. Cette poussée inflationniste entraînerait une hausse des taux d’intérêt. Les entreprises comme les particuliers en subiraient les conséquences. Ceux qui auraient souscrits un emprunt en euros devraient faire face à une augmentation du montant de leur dette. L’inflation a permis aux pays riches de se débarrasser de leur dette publique à la fin de la seconde guerre mondiale. Il faudrait une inflation contrôlée qui relancerait l’économie et limiterait le poids de la dette.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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