Le grand Charles et le petit Gérard

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Par Philippe Bapt Modifié le 4 octobre 2018 à 9h20
Aznavour
94Charles Aznavour est mort à l'âge de 94 ans

Charles Aznavour, le citoyen français d'origine arménienne s'en est allé. De son côté, Gérard Collomb, lui, quitte le navire du commandant Macron...

Hommage à Charles Aznavour en passant outre les pitreries et autres désertions

Hier encore je voulais rendre hommage au citoyen français d’origine arménienne Charles Aznavour. Oui passer au-delà des polémiques stériles sur le président Macron et sur le concours de mensonges avérés que se livrent à distance Laurent Wauquiez et Jean-Luc Mélenchon : à chacun ses idoles… Passer aussi sur les pitreries des insoumis à l’Assemblée Nationale et le départ de Manuel Vals en forme de pari fou plus que d’intérêt général, semble-t-il, pour Barcelone. Je voulais juste rendre hommage à ce Français, chanteur étranger, nabot comme l’avait critiqué (le grand ?) Philippe Bouvard, à ses débuts.

Mais voilà, le ministre « je me voyais déjà », j’ai nommé Gérard Collomb, vient de déserter. Courage en main, l’ami lyonnais, toujours prompt à s’entourer de jeunes, ne supporte pas de ne plus être écouté, consulté. Déjà nul dans ses fonctions tant sur le fond, en se mettant les corps de police à dos, que sur la forme : soit en interview soit en témoignage en commission d’enquête, Gérard Collomb n’a même pas su réussir sa sortie. Il était déjà démissionnaire quand le fugitif le plus recherché de France : Redoine Faïd a été arrêté. Son manque d’intérêt pour le poste, pour l’intérêt des français en particulier aura marqué son passage aux affaires. Quand on passe presque 30% de son temps dans son ancien fief, c'est une preuve que l'on ne se soucie peu de l’intérêt général. Pour parodier les organisateurs des Gérard de la télévision, je dirais que le ministre sortant devrait se voir descerné le « Gérard du retour du papy » à Lyon ou le « Gérard du politique à l'emploi tellement fictif qu'on pourrait l'appeler Pénélope » pour son témoignage en juillet dernier, semblant tout découvrir. Le meilleur serait le «Gérard de l'accident industriel politique » pour son passage place Beauvau.

Après la fuite de l’adolescent pollueur moralisateur, s’en va, enfin, le doyen qui se retire dans ses terres, là où il peut contrôler tout le monde. Une piètre sortie, laissant son bâton de maréchal bien merdeux ! A moins que la sortie du sénior du gouvernement ne soit qu’un hommage en filigrane à la mort de Charles Aznavour en mettant en scène la chanson « Mon ami, mon Judas » dont les dernières paroles sont : « Fais ton métier, crucifie moi ».

Charles Aznavour, l'amoureux « mort d’aimer »

A l’inverse, Charles Aznavour est « mort d’aimer ». Il est mort en aimant la France et l’Arménie. A 94 ans, des milliers de chansons écrites, interprétées ou en tant que paroliers pour d’autres, le deuxième grand Charles s’en est allé. Il fut une révélation en son temps, une consécration personnelle une bonne partie de sa vie et un ambassadeur de la culture française tout du long. D’origine arménienne, Charles Aznavour ne dut sa nationalité qu’à un concours de circonstances, ses parents étant alors sur le chemin de l’exil qui devait les amener aux Etats-Unis. Je ne vais pas ici retracer le parcours brillant sur de multiples décennies du chanteur. Lui fut reconnu par-delà les frontières : du muppet-show en guest à son étoile sur Hollywood boulevard, Charles Aznavour a quasi tout connu du monde de la chanson, de l’écriture et du 7ème art, car oui il était venu voir les comédiens. Hier encore, à ses débuts, on le disait « nul », que « ça ne marcherait pas » pour lui, « sa taille » et « sa voix » seraient un frein, etc… il en a fait une force, un atout en plus du talent qui le caractérisait.

Mais tout le talent artistique ne justifie pas de s’être absout de l’effort national : l’impôt.

En ces débuts du star-system à la française, plusieurs artistes vont enfin se rendre compte de tous leurs droits et surtout devoirs vis-à-vis de la société qu’ils divertissent ou cultivent c’est selon. D’Alain Barrière à Michel Polnareff et de Johnny Halliday à Claude François, beaucoup auront des démêlés avec le fisc. Certes, comme tous les pourfendeurs de système d’imposition depuis, il a déclaré ces : « La France devrait me remercier pour tous les milliards que j'ai fait rentrer dans ses coffres !.. » Un grand classique pour chaque artiste ou sportif qui veut s’extraire de cette solidarité nationale. Pour information, je parle d’un temps que les moins de 20 (+25) ans ne peuvent pas connaître. C’était au début des années 70. A l’époque, la gauche est loin du pouvoir ! Il n’était donc pas étranglé par la « pression fiscale » dénoncée de nos jours. Charles se voyait déjà crouler sous les impôts, il a préféré fuir avec mama sous le bras…en Suisse ; et laisser derrière lui, mais pas trop loin, ses amis, ses amours et surtout ses emmerdes !

Le dernier des géants ?

Aujourd’hui nous pleurons tous un monstre de la culture française. Elvis Presley, Ray Charles, Elvis Costello, Liza Minelli ou Bob Dylan ont chanté du Aznavour. She, traduction de « Tous les visages de l'amour » est même devenu un hit outre-Manche et classé outre-Atlantique, sans jamais attirer outre mesure l’attention du public français.

Le dernier des géants ? Certainement, bien plus qu’un artiste, un sacré ambassadeur de la culture de notre pays, et de ses origines. Son amour de la France n’avait d’égal que la fierté de ses origines arméniennes. Quoiqu’ayant raccourci son nom originel et francisé son prénom, ce qui devrait plaire à Eric Zemmour (même si en 1924 il ne pouvait en être autrement). Suite au génocide arménien : « Ma famille maternelle a été totalement massacrée » dira-t-il en 2015, « la transhumance a débuté via la Grèce jusqu’en France ».

Et oui le grand, très grand, l’immense artiste multi-casquette, multi-primé, mondialement connu Charles Aznavour n’est pas plus qu’un fils de migrants au départ. Et pourtant, Charles Aznavour a toujours été un parfait équilibre issu de deux cultures. Ses raisons d’être étaient formidables : la langue française et la cause arménienne. Cependant, au grand désarroi de certains tenant de la cause de la France d’avant : Eric Zemmour ou pour d'autres obscures raisons tel Patrice Quarteron, Charles Aznavour n’a pas appelé tous ses enfants de prénoms du calendrier chrétien : Seda ou Misha voire Katia… leurs prénoms font-ils honte à la France ? Charles a-t-il eut tort de les prénommer ainsi ?

Et il n’a jamais tourné le dos à l’Arménie, au point d’être à la fois nommé ambassadeur et délégué permanent de l'Arménie auprès de l'Unesco. En 2008, Charles Aznavour obtient la nationalité arménienne, puis ambassadeur français en Arménie, a accepté d’occuper le poste d’ambassadeur d’Arménie en Suisse en février 2009.

Bref, Charles Aznavour, outre son être, son aura, son talent était la preuve issue du début du siècle dernier que la France s’est toujours enrichie de cultures diverses et variées. Charles Aznavour prouve aussi, malgré ce que certains bas du front disent, que l’assimilation n’est pas THE solution ! L’artiste expliquait qu’il « avait revendiqué son arménité très tôt », il se considérait comme « français d’origine arménienne » et non « arménien français ». Il considérait que l’on « arrivera à accepter l’autre quelle que soit sa couleur et sa religion ». Et même si sa langue a fourché en janvier 2018, en parlant de tri des migrants, on l’attribuera au « naufrage de la vieillesse » ou à sa mémoire qui lui jouait des tours. Il considérait cependant que si une intégration était bien menée, la langue en étant le principal vecteur, la France avait beaucoup à gagner.

Ma conclusion en clin d’œil : je croyais que tout mourrait avec le temps qui passait, on cherche encore des mots ; mais non j’espère n'avoir rien oublié ! Je ne peux pas dire que je voudrais bien pleurer que nous nous reverrons un jour ou l’autre. Prenons rendez-vous alors un jour, n’importe où, ok monsieur Charles ?

Petit jeu : retrouvez les titres et paroles de chansons de Charles Aznavour distillés dans cette chronique

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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