Interrogations politiques en Europe : deux trains peuvent en cacher un autre !

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 4 septembre 2018 à 10h57
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La planète finance vit au rythme des déclarations des uns et des autres, quant au contenu du Brexit ou encore de la situation économique de l'Italie.

Les marchés européens en suspens

On le voit bien ; tout renforcement de l’incertitude politique a un impact direct sur les marchés de capitaux. Depuis vendredi dernier, la planète « finance » craint un durcissement de la politique commerciale américaine. Au niveau régional, les marchés européens vivent au rythme des déclarations des uns et des autres sur les futurs choix budgétaires italiens ou sur le contenu du Brexit, tandis que les émergents s’interrogent sur l’impact économique et financier d’environnements politiques ou électoraux « baroques » ou compliqués (Turquie, Argentine ou Brésil).

On doit évidemment espérer que progressivement les « choses vont se caler » concernant un certain nombre de ces dossiers. Des décisions seront prises, l’environnement deviendra plus lisible et les investisseurs pourront mieux stabiliser leurs anticipations. Mais attention, un autre dossier politique va progressivement apparaître dans le paysage européen ; celui des élections au Parlement européen. Elles se tiendront en seconde partie du printemps prochain (le 26 mai en France) et enclencheront un certain nombre de changements, dont une nouvelle Commission avec un nouveau Président. A peu près au même moment, les fonctions de Président du Conseil européen et de Président de la BCE changeront de main.

Incertitudes quant à la situation économique de l'Italie

Dans cette perspective, les choses sont déjà en train de bouger. On évoquait jusqu’à assez récemment la perspective, voire la nécessité, de mieux intégrer la Zone Euro et ceci en renforçant ses capacités budgétaires. Pourtant l’approche semble aujourd’hui mise sous le boisseau. Les incertitudes sur l’Italie en sont une raison légitime. Il est vrai aussi qu’une partie des énergies politiques, tant à Bruxelles que dans les capitales des pays-membres, est dépensée à gérer le dossier du Brexit. Attention cependant à ne pas commettre un contresens. Ce n’est pas l’ambition d’aller plus loin dans l’intégration qui est mise de côté ; c’est de la réaliser dans le cadre de la Zone Euro. On assiste à un déplacement du cadre dans lequel l’objectif doit être atteint et on pointe maintenant l’Union Européenne. Dans ce monde devenu multipolaire, et donc sans doute instable par nature, faire de « l’Europe une puissance avec une autonomie stratégique comparable » à celle des Etats-Unis ou de la Chine s’impose comme une priorité. Il faut à l’Europe plus de diplomatie, plus de sécurité et plus de défense communes. Tout dossier à traiter au niveau de l’Union Européenne et non à celui de la Zone Euro.

Bien sûr, la « superstructure » économique n’est jamais loin des « infrastructures » politiques. On a ainsi vu récemment le ministre allemand des affaires étrangères appeler de ses vœux la mise en place d’un système de paiement européen indépendant du dollar et des ingérences américaines qui vont avec (Cf. les conséquences économiques pour l’Europe de la dénonciation par les Etats-Unis du traité sur le nucléaire iranien). La question de davantage d’intégration économique et financière, à traiter dans bien des cas au niveau de la Zone Euro reviendra au premier plan.

Qui pour le poste de Président de la Commission ?

Remarquons au passage que la montée en maturité d’une « Europe puissance » passera aussi par un rôle plus important joué par l’euro dans les échanges économiques et en tant que monnaie de réserve. Ce qui passe par la consolidation des structures de la Zone Euro et par une augmentation du volume des actifs « sans risques » libellés en euro. Et donc par une internationalisation de la monnaie unique, qui, au moins dans un premier temps, devrait entrainer une tendance à l’appréciation.

On le voit ; le distinguo entre intégrations de l’Union et de la Zone Euro, aussi observable soit-il aujourd’hui, a quelque chose de superficiel. Les deux finiront par aller de pair. Tout le monde doit en avoir conscience ; surtout l’Allemagne, souvent réticente dès qu’on évoque des politiques budgétaire et financière plus intégrées.

Revenons à une dimension plus électorale et plus opportuniste du dossier politique européen. Ce n’est pas un secret ; Berlin aspire à ce qu’un citoyen allemand proche de la ligne politique de la Chancelière devienne Président de la Commission. Pour ce faire, Angela Merkel est prête à abandonner ses prétentions vis-à-vis de la présidence de la BCE. Mais attention la démarche est compliquée. Il est désormais de tradition que le poste de Président de la Commission revienne à celui qui a dirigé la campagne électorale du groupe politique sorti vainqueur des élections au Parlement européen.

Est-on à même aujourd’hui de se faire une idée un tant soit peu précise sur le groupe politique à même de gagner ? C’est le cadre plus fragmenté du panorama politique européen qui apparait avant tout : faiblesse du centre-droit, difficultés du centre-gauche, des libéraux qui se cherchent (quid de la capacité d’En Marche et de Ciudadanos à fédérer autour d’eux) et montée des populistes à l’extrême-droite et à l’extrême-gauche.

Si le résultat des élections européennes du printemps prochain sont la clé des initiatives de plus grande intégration de l’Europe, alors force est de reconnaître que les perspectives ne se dessinent pas clairement. L’UE/la Zone Euro, une région d’avenir et qui le restera ?

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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