Pacte de responsabilité : confiance plutôt qu’incitation

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Par Marc Albert Chaigneau Publié le 27 mars 2014 à 6h00

Nos gouvernants, qui se sont « engagés » à réduire, non pas le chômage, mais seulement sa courbe, attendent beaucoup, ou nous disent beaucoup attendre, du « Pacte de responsabilité ». Celui‐ci peut être résumé assez simplement : il est consenti une réduction des cotisations sociales aux entreprises, en contrepartie de l’engagement vague et informel d’essayer de créer des emplois, si la conjoncture et les conditions le permettent.Or il devrait être évident que personne, et les entreprises sont dans ce cas, ne peut poursuivre en même temps des objectifs contradictoires. Et, dans les conditions actuelles, l’économie, c’est‐à‐dire, la moindre dépense, ne peut inciter les entreprises à embaucher dès lors que, dans les choix de gestion, il existe des choix mieux maîtrisés et plus économiques que l’embauche ?

Le premier objectif d’une entreprise est de réaliser des profits et de se développer grâce à ceux‐ci. Et la première règle qui permet d’atteindre cet objectif est de choisir la moindre dépense, et la mieux maîtrisée, pour l’ensemble de ses coûts. L’expérience a montré et montre encore chaque jour, qu’il est plus facile et économique de faire appel à l’intérim et à la sous‐traitance, d’effectuer des achats à l’étranger, dont les coûts sont connus et maîtrisés, que d’embaucher en générant des coûts à venir que l’on n’est pas sûr de maîtriser, du fait de l’évolution des charges sociales et du coût des licenciements. Le financement du système social repose encore, malgré la CSG, la CRDS et la C3S, principalement sur les rémunérations et en particulier sur les salaires.

Il y a cela deux fondements. Une raison historique, ce système a été mis en place pour assurer une solidarité au sein des classes populaires, à une époque où seule la bourgeoisie, avait les moyens de se soigner et de vivre de ses rentes, en fin de carrière. Une raison causale (ou plutôt un prétexte, car le système n’a jamais respecté le principe) d’acquisition des droits en fonction des cotisations versées. De nos jours, quasiment plus personne n’a les moyens d’assurer seul sa couverture sociale. La CMU, les aides diverses et les modalités de fonctionnement du système, font que le lien entre le montant des cotisations versées et des droits à prestation n’existe plus, que marginalement et artificiellement.

Il n’est donc pas nécessaire de remettre en cause quoi que ce soit des conditions et modalités d’attribution des prestations, pour modifier les conditions et modalités de cotisation.

Depuis plus de quarante ans, nous savons que les courbes d’évolution des cotisations et prestations n’évoluent pas de la même façon. Que des ajustements et artifices sont utilisés pour compenser les écarts et que ceux‐ci n’ont jamais cessé de croître, au point de remettre en cause une partie importante du système social, de réduire, voire supprimer, certaines prestations, certains services.

Ce déséquilibre n’a rien d’inéluctable, ni d’insurmontable, à condition de renoncer au mode de financement actuel. De mettre en place un mode de financement qui soit fondé sur les bases dont l’évolution puisse correspondre à celle des dépenses et qui soit le plus favorable possible à l’emploi.

Comme souvent, une question bien posée amorce la réponse. Il est maintenant reconnu que la courbe de la dépense sociale suit d’assez près la courbe de la consommation, que c’est donc vers elle qu’il faut tendre. Que si celle‐ci n’est connue qu’après un délai assez long, les entreprises sont tenues d’arrêter des chiffres d’affaires et donc des montants d’encaissements mensuellement, voire trimestriellement pour les plus petites. Que la coordination de ces deux données permet d’asseoir une base de cotisation, conforme dans son évolution, facile à maîtriser pour les entreprises et le fisc et favorable à l’emploi. Il a été dit, notamment par les adversaires de la TVA sociale, qu’un tel régime serait inflationniste. Il pourrait l’être, mais pas pour les biens et services produits en France et intégrant une importante part de main d’oeuvre. En outre, il serait infiniment plus facile, de gérer et maîtriser les effets d’un tel système, en assurant une mise en place progressive.

Il suffirait pour cela et dans un premier temps, d’asseoir les cotisations sur les chiffres d’affaires, et de les rendre déductible des charges sociales actuelles et d’ensuite gérer un basculement progressif d’un régime à l’autre.

Les exonérations, dispenses, subventions et autres modes de discrimination entre les activités ont, le plus souvent, des effets pervers beaucoup plus importants que les effets recherchés. Notamment ce qu’il est convenu d’appeler les « effets d’aubaine ». Les bases les plus larges permettant d’appliquer les taux les plus bas. Il serait donc souhaitable que les cotisations concernent toutes les ventes dans tous les domaines, sans aucune exonération. Qu’en outre « la cascade », si elle peut se justifier pour la TVA, n’aurait aucune raison d’être appliquée à ce mode de cotisation. Un système incitatif, c’est‐à‐dire dont les mesures ont des effets favorables sur la finalité principale, des entreprises en l’occurrence, a toujours des effets plus favorable que des mesures coercitives ou dont l’effet dépend de la, plus ou moins bonne, volonté des acteurs.

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Marc Albert Chaigneau a été conseil de sociétés et avocat d'affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans. De 1974 à 1998, il procède ainsi à des centaines d'analyses de sociétés, les suivant depuis la création jusqu'à la liquidation, en passant par les fusions, cessions, restructurations. Cette expérience l'a conduit à analyser méticuleusement la société dans laquelle nous vivons. Son dernier essai De la révolution à l'inversion*, publié en janvier 2014 aux éditions Edilivre propose un nouveau projet de réforme de la société. Un modèle préférable à la révolution en ce qu'il ne nécessite ni violence, ni destruction, mais seulement l'inversion d'un certain nombre de nos comportements. Inverser les comportements, pour cela inverser les raisonnements, les analyses, les rapports personnels et professionnels en se basant sur le principe de subsidiarité. Avec cet ouvrage, l'auteur nous donne les clefs pour la mise en œuvre d'une véritable démocratie : la démocratie directe, dont beaucoup avaient rêvé, mais à laquelle ils avaient renoncé, la croyant impossible à mettre en œuvre. Il nous montre comment elle serait accessible, mais nous prévient qu'elle ne le sera jamais qu'à des citoyens responsables.  

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