L’acier est partout : dans nos voitures, nos trains, nos bâtiments, nos infrastructures. Il est l’ossature même de notre économie moderne. Mais sa production en Europe est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Pourquoi l’avenir de l’acier européen passera par le recyclage

Deux modèles coexistent sur notre continent : d’un côté, 29 grandes usines1 intégrées, héritières du XIXe siècle, qui importent minerai et charbon pour alimenter leurs hauts fourneaux. De l’autre, 132 usines de tailles intermédiaires qui transforment directement les métaux ferreux produits localement par l’industrie du recyclage à partir des déchets métalliques pour produire de l’acier neuf.
La première filière fait la une de l’actualité. Elle concentre de nombreux emplois mais fait face à des défis colossaux pour sa décarbonation et la réduction de ses impacts sur l’environnement.
La seconde filière, celle du recyclage, reste trop souvent oubliée. Pourtant, elle détient la clé d’une décarbonation rapide et sobre. Ses atouts sont évidents : des fours électriques qui nécessitent sept fois moins d’électricité que l’hydrogène vert, une matière première disponible en abondance (l’acier usagé) et une empreinte carbone incomparablement plus faible que la production à partir de minerai vierge. C’est l’économie circulaire appliquée à l’industrie lourde.
Pour verdir leur production, les géants de la filière intégrée, dont les outils ont généralement plus de 50 ans, projettent de remplacer progressivement leurs hauts fourneaux au charbon par des technologies à hydrogène. Mais, selon Eurofer, l’association des sidérurgistes européens, ces solutions exigent des investissements considérables (85 milliards d’euros), nécessitent une électricité décarbonée abondante (165 TWh par an) et... du temps. De nombreux projets sont déjà suspendus, faute d’hydrogène vert bas carbone à coût compétitif et de financements crédibles.
Aux États-Unis, le choix technologique est fait depuis longtemps : 70% de l’acier provient déjà du recyclage, contre seulement 40% en Europe. En réalité, nos entreprises européennes de recyclage exportent 12% de leurs matières, faute d’une demande domestique suffisante des sidérurgistes. Autrement dit, nous avons sous la main une ressource précieuse que nous pourrions exploiter en Europe.
Contrairement à certaines affirmations, le véritable risque n’est donc pas de manquer de matières recyclées2 car, en Europe, la mine urbaine de déchets recyclables croit régulièrement, mais de persister à subventionner à perte certains outils industriels dépassés.
Défendre artificiellement les usines intégrées les moins compétitives, sous prétexte de préserver des emplois, c’est étouffer l’innovation et accélérer in fine la désindustrialisation car la concurrence internationale est plus compétitive.
Pour FEDERREC la bonne solution c’est de créer les conditions d’une vraie équité entre ces deux filières complémentaires :
- donner à la filière électrique un accès stable à une électricité décarbonée et surtout abordable pour la rendre compétitive face à la concurrence internationale et soutenir les investissements dans les infrastructures de fusion et de coulée ;
- accompagner les usines sidérurgistes intégrées les plus performantes pour qu’elles puissent trouver une place pérenne dans l’échiquier industriel européen.
Le recyclage de l’acier n’est pas la solution qui permettra de fournir l’ensemble des besoins industriels en acier, mais c’est une voie efficace, pérenne pour réduire rapidement les émissions de l’industrie sidérurgique européenne. C’est aussi la voie de la souveraineté, en limitant notre dépendance aux mines de fer et de charbon lointaines et à fort impact sur l’environnement.
Dans une Europe confrontée à de multiples défis, il existe une voie possible pour consolider une filière sidérurgique performante en faisant les efforts nécessaires : donner accès à une électricité compétitive, accompagner les différentes usines dans leurs transformations, consolider un dialogue éclairé entre les industriels de l’ensemble de la chaine de valeur et les décideurs publics.
Face à l’urgence climatique et à la compétition internationale, l’Europe ne peut plus se contenter d’annoncer des projets pharaoniques qui peinent à voir le jour. Nous avons en revanche une opportunité historique : rebâtir une sidérurgie plus sobre, compétitive et résiliente, basée sur l’économie circulaire, au service de notre économie et respectueuse de notre planète.
