Alors que des millions de consommateurs utilisent chaque jour des produits cosmétiques contenant des filtres UV, l’Anses réclame une réduction drastique de l’octocrylène. Cette molécule, courante dans les crèmes solaires et maquillages, suscite des inquiétudes sanitaires et environnementales qui poussent désormais l’Europe à agir.
L’Anses alerte sur ce filtre UV omniprésent dans les cosmétiques

Le 2 octobre 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a rendu un avis officiel visant l’octocrylène, un ingrédient utilisé pour bloquer les UV dans les cosmétiques. Présente dans des milliers de formulations, cette substance est pointée pour ses impacts sur la santé et l’environnement. L’Anses demande à l’Union européenne de restreindre sévèrement sa concentration, ce qui pourrait bouleverser le marché des produits de beauté et d’hygiène.
L’octocrylène, un filtre UV au cœur des rayons cosmétiques
L’octocrylène est un filtre UV organique capable d’absorber le rayonnement solaire et de protéger la peau contre le vieillissement prématuré. Il est aussi utilisé pour stabiliser d’autres ingrédients sensibles à la lumière. On le retrouve ainsi dans une vaste gamme de produits cosmétiques : crèmes solaires, fonds de teint, parfums, laits hydratants, ou encore crèmes de jour. Selon l’Anses, près de 30 % des soins solaires en contiennent, preuve de son rôle central dans l’industrie.
Chaque année, l’Europe consommerait plus de 1 500 tonnes d’octocrylène dans ses cosmétiques. Ce chiffre illustre la dépendance du secteur à cet ingrédient devenu presque incontournable. Pourtant, si la réglementation européenne autorise son usage jusqu’à 10 % dans une formule (9 % pour les sprays), ce seuil ne prend pas en compte l’accumulation de la substance dans l’environnement. En pratique, cela signifie que la quasi-totalité des produits de protection solaire présents en magasin pourrait être concernée par une éventuelle interdiction.
Des risques sanitaires et environnementaux jugés “inacceptables”
L’avis de l’Anses se fonde sur une série d’études mettant en évidence des effets préoccupants. L’agence française évoque des “risques inacceptables pour les organismes aquatiques”, en particulier sur la croissance et la reproduction. La molécule se diffuse dans l’eau lors des baignades, des douches ou par les effluents urbains. Elle se retrouve ensuite dans les boues des stations d’épuration puis dans les sols, entraînant une exposition persistante des écosystèmes.
Au-delà de l’environnement, les doutes concernent aussi la santé humaine. L’octocrylène est suspecté d’impacter la thyroïde, de nuire à la fertilité et d’agir comme perturbateur endocrinien. Faute de données transmises par les industriels, l’évaluation des risques reste incomplète. Le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) avait pourtant jugé la substance sûre jusqu’à 10 % en 2021, mais sans évaluer son impact environnemental. Cette absence de certitudes conduit l’Anses à appliquer le principe de précaution.
Identifier les produits concernés : un enjeu pour les consommateurs
Pour les usagers, la question est simple : comment savoir si un produit contient ce filtre UV ? La réponse se trouve sur les étiquettes. L’ingrédient apparaît sous le nom “octocrylène” ou sous son code CAS (6197-30-4). Ainsi, une crème solaire, un fond de teint longue tenue ou même un parfum peuvent contenir cette molécule. La vigilance est d’autant plus nécessaire que son usage dépasse largement les produits de plage.
Si l’Union européenne suit l’avis de l’Anses, les concentrations autorisées seraient tellement réduites que l’efficacité photoprotectrice de l’octocrylène disparaîtrait. En clair, une telle décision reviendrait à retirer du marché l’ensemble des cosmétiques qui en dépendent aujourd’hui. Les consommateurs devraient alors se tourner vers des alternatives déjà disponibles, mais souvent plus coûteuses.
Quelles alternatives pour l’industrie cosmétique ?
La transition ne sera pas sans coût pour les fabricants. L’Anses estime qu’entre 2027 et 2036, la reformulation des produits induira un surcoût annuel d’environ 39 millions d’euros. Cela représente 0,04 % du chiffre d’affaires cosmétique européen de 2023. Ce montant, relativement faible au regard des marges du secteur, est jugé absorbable par l’agence. Certaines projections évoquent même un coût global de 111 millions d’euros pour une transition en deux ans, ou de 165,74 millions pour une transition étalée sur cinq ans.
Les alternatives existent déjà : d’autres filtres UV, tels que le dioxyde de titane ou l’oxyde de zinc, peuvent remplacer l’octocrylène, bien qu’ils posent aussi des questions techniques ou environnementales. Le défi pour les entreprises consistera à reformuler sans perdre en efficacité, tout en respectant la sécurité des consommateurs. La Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), qui représente l’industrie, conteste néanmoins la robustesse des méthodes employées pour évaluer l’impact écologique. Elle rappelle que la sécurité de l’octocrylène reste validée par le SCCS, et que son rôle est essentiel pour garantir des protections solaires efficaces et abordables.
La procédure réglementaire est désormais lancée. La proposition de restriction a été transmise à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Une consultation publique est ouverte jusqu’au 24 mars 2026, permettant aux industriels, ONG et citoyens d’exprimer leur avis. À l’issue de ce processus, une décision européenne pourrait intervenir en 2027.
