La Cour de cassation a bouleversé le droit social le 10 septembre 2025 : un salarié tombant malade pendant ses congés payés pourra désormais reporter ces jours. Si les salariés saluent une victoire arrachée grâce au droit européen, les organisations patronales crient à l’injustice et agitent le spectre d’une dérive coûteuse, redoutant même un effet d’entraînement sur les jours fériés.
Arrêt maladie durant les congés : les patrons n’aiment pas que la France respecte le droit

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a rendu une décision historique : tout salarié en arrêt maladie pendant ses vacances conserve le droit de reporter ses congés payés non utilisés. Cette décision, alignée sur la directive européenne 2003/88/CE, met fin à une jurisprudence vieille de près de trente ans. Mais le verdict a immédiatement déclenché la colère du Medef et de la CPME, qui dénoncent une nouvelle charge imposée aux entreprises, alors même que le débat sur les jours fériés et le temps de travail reste sensible.
Congés payés et arrêt maladie : un revirement de la Cour de cassation fondé sur le droit européen
Jusqu’ici, la jurisprudence française suivait une ligne stricte : selon un arrêt de 1996, « le salarié qui tombe malade durant ses congés payés ne peut pas exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier » (Cour de cassation, 4 décembre 1996, n° 93-44.907). Cette règle avait l’avantage de clore le débat en considérant que l’employeur, en accordant ses congés, s’était acquitté de son obligation légale.
Mais le 10 septembre 2025, la haute juridiction a renversé cette logique. Désormais, « le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés a notifié à son employeur cet arrêt, il a le droit de les voir reportés », a tranché la Cour de cassation. Cette décision place le droit français enfin en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui depuis 2012 estime qu’un salarié malade doit pouvoir jouir pleinement de son droit au repos. Les droits des travailleurs en France sont enfin alignés sur ceux de leurs voisins, et la France respecte enfin une décision qui date de plus de 13 ans.
Cette bascule repose sur une conception précise : le congé annuel payé est un droit fondamental à un repos effectif. Il ne peut donc être absorbé par une maladie, qui ne procure en rien le repos nécessaire. L’article L. 3141-3 du Code du travail, couplé à l’article 7 de la directive 2003/88/CE, sert de fondement. La France avait déjà entamé une adaptation par la loi DDADUE d’avril 2024, mais la Cour parachève ici la mise en conformité.
Medef et CPME ne veulent pas que la France respecte le droit europée
Du côté patronal, les réactions sont cinglantes. Patrick Martin, président du Medef, évoque un « signal préoccupant pour notre compétitivité et la lutte contre les arrêts de travail abusifs », selon TF1. Pour l’organisation, ce droit au report fragilise encore la gestion du temps de travail, surtout dans un contexte où les arrêts maladie sont en hausse.
La CPME va plus loin et qualifie la décision d’« ubuesque », estimant qu’elle remet en cause la valeur travail et accentue les déséquilibres au détriment des petites entreprises, relaye BFMTV. Dans son communiqué, elle alerte sur une « formidable injustice » entre salariés présents et absents, pointant le risque d’encourager des abus au détriment de la productivité.
Les patrons craignent aussi un effet d’emballement. Si les congés payés peuvent être reportés en cas de maladie, certains redoutent que le raisonnement finisse par s’appliquer à d’autres jours chômés, notamment les jours fériés, ce qui alourdirait encore les obligations des entreprises. La confusion entre jours fériés légaux et jours de congés conventionnels est déjà source de tensions lors des ponts, et la décision de la Cour pourrait selon eux ouvrir la boîte de Pandore.
Les salariés enfin protégés comme il se doit
Pour les salariés, cette décision marque une avancée sociale incontestable. Elle rappelle que le droit au repos, acquis au prix de décennies de luttes, ne peut être vidé de son contenu par un simple aléa de santé. Tomber malade n’est pas un choix : c’est pourquoi la justice garantit que les congés payés soient réellement profitables, indépendamment d’un arrêt médical.
Pour les employeurs, la situation est radicalement différente. La perspective de devoir réintégrer, parfois rétroactivement, des jours de congés payés non pris inquiète. Certaines organisations craignent que des salariés réclament des jours accumulés depuis 2009, date à laquelle le droit européen aurait dû être pleinement appliqué, ce qui ne serait que justice.
