Pêche de loisir : bientôt un permis obligatoire

À compter du 10 janvier 2026, la pratique de la pêche de loisir en mer connaîtra un tournant majeur : l’obligation pour de nombreux pêcheurs amateurs de s’enregistrer et de déclarer leurs captures. Ce changement soulève une vive controverse, entre défenseurs de la régulation et partisans d’une liberté intacte du loisir.

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By Rédaction Last modified on 10 octobre 2025 10h11
pêche permis
 Pêche de loisir : bientôt un permis obligatoire - © Economie Matin
67En 2025, le quota réservé à la pêche de loisir s’élevait à 67 tonnes.

Cet encadrement, destiné à mieux gérer les ressources marines, provoque de fortes réactions dans le monde des loisirs, partagé entre adaptation nécessaire et rejet d’un encadrement jugé excessif.

Une réglementation européenne désormais incontournable

Le socle de cette réforme repose sur l’article 55 du règlement (UE) 2023/2842, qui impose aux États membres de « disposer d’un système électronique pour l’enregistrement annuel des pêcheurs récréatifs et la déclaration de leurs captures de façon journalière », quel que soit le mode de pêche utilisé. Cette mesure entrera en application progressive, avec une première phase dès janvier 2026, ciblant les pêcheurs souhaitant capturer des espèces spécifiques telles que le bar, le thon rouge ou le lieu jaune.

En France, cette directive est transposée par un arrêté en cours d’adoption, accompagné du développement de l’application RECFishing. Celle-ci permettra aux pêcheurs de transmettre leurs déclarations via photo ou identification textuelle des espèces. La première version de cette application est prévue pour décembre 2025, soit quelques semaines seulement avant l’entrée en vigueur de l’obligation.

Les partisans du dispositif : encadrer pour mieux protéger

Du côté des promoteurs de cette nouvelle réglementation, les arguments sont clairs : sans données fiables, il est impossible de mesurer l’impact réel de la pêche de loisir sur les stocks halieutiques. « L’enregistrement obligatoire est un outil de reconnaissance qui doit permettre de donner enfin une visibilité objective à la pêche récréative », plaide le Collectif pour la Pêche Récréative Écoresponsable (COPERE) dans une prise de position publiée le 19 septembre 2025.

Ce type de permis numérique, s’il est bien géré, pourrait favoriser une meilleure représentation des pêcheurs amateurs dans les instances de concertation. Pour certains scientifiques, il s’agit d’un levier essentiel pour intégrer les données de loisirs dans les modèles de gestion des ressources, aujourd’hui largement dominés par les chiffres de la pêche professionnelle.

Par ailleurs, certains pratiquants voient dans cette évolution un moyen d’éviter les quotas arbitraires ou les interdictions soudaines. Grâce aux données remontées via RECFishing, la France pourra faire valoir plus précisément la part de captures réellement imputable à la pêche de loisir, et ainsi adapter ses obligations européennes.

Des opposants nombreux et inquiets

Malgré ces arguments, la contestation s’organise. De nombreux pêcheurs dénoncent une complexification inutile d’un loisir fondé sur la spontanéité. « On est en colère parce qu’il faudra tout déclarer. On va rentrer de la pêche, il faudra aller sur internet et tout », témoigne un amateur interrogé par TF1 Info le 21 septembre 2025. Un autre ajoute : « Moi, j’ai 74 ans, je ne suis pas un adepte d’internet … les anciens du coin prennent ça très mal ».

Les critiques s’appuient aussi sur le calendrier. Le lancement de l’application à peine un mois avant l’entrée en vigueur du dispositif est jugé précipité. Le projet d’arrêté ne prévoit pas d’alternative papier, ce qui pénalise d’emblée les personnes âgées ou peu à l’aise avec les outils numériques.

Le COPERE, bien qu’en faveur de l’enregistrement, a appelé à un avis défavorable sur la version actuelle du projet. Il pointe des « lacunes techniques », l’absence de tests à grande échelle et une mise en œuvre imposée sans phase de transition. La confusion avec d’autres dispositifs régionaux existants, comme CatchMachine en Méditerranée, est également source d’inquiétude pour les fédérations locales.

Un impact encore incertain sur le terrain

Les pêcheurs concernés dès 2026 seront ceux ciblant des espèces dites « soumises à mesures de gestion européennes ». Cela comprend notamment le lieu jaune, le bar, la dorade rose, la dorade coryphène ou encore le thon rouge.

À titre d’exemple, pour le thon rouge, un quota spécifique est déjà fixé chaque année. En 2025, le quota réservé à la pêche de loisir s’élevait à 67 tonnes, avec obligation de pêcher-relâcher sauf autorisation spécifique obtenue entre avril et mai.

Toutefois, à plus long terme, la réglementation prévoit un élargissement. À partir du 1er janvier 2030, le système RECFishing s’appliquera à toute la pêche récréative, sans distinction d’espèces. Ce glissement progressif inquiète certains élus locaux, qui redoutent une perte d’attractivité des zones côtières auprès des pêcheurs estivaux ou occasionnels.

Quel sera le coût pour les pêcheurs amateurs ?

À ce jour, le projet d’arrêté ne mentionne aucune redevance financière pour l’enregistrement obligatoire via RECFishing. L’accès à l’application serait gratuit, de même que la déclaration des captures. Toutefois, certains usagers redoutent une évolution future vers une forme payante de permis. En effet, la comparaison avec la carte de pêche en eau douce — obligatoire en France, avec un coût variant de 35 à 100 euros par an selon les options — alimente les inquiétudes.

Plusieurs associations craignent que cette gratuité initiale ne serve de tremplin à une fiscalisation progressive de la pêche de loisir en mer, qui jusqu’alors échappait à toute contribution directe. Ce débat reste vif, d’autant plus que l’arrêté ne ferme pas explicitement la porte à une tarification ultérieure du dispositif.

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