Sous tension à l’Assemblée nationale, les députés ont voté une taxe inédite visant les multinationales et les géants du numérique. Présentée comme une mesure de justice fiscale, cette décision, soutenue par la gauche et le Rassemblement national, pourrait rapporter plus de vingt milliards d’euros à l’État. Le gouvernement, lui, est contre.
Budget 2026 : les multinationales taxées même si le gouvernement ne voulait pas

Le mardi 28 octobre 2025, au terme d’un débat houleux sur le projet de loi de finances 2026, les députés ont adopté une taxe ciblant les grandes entreprises multinationales et les GAFAM. Cette initiative, portée par plusieurs groupes d’opposition, marque une rupture nette dans la politique d’impôt sur les sociétés et relance le débat sur la contribution des grands groupes à la solidarité nationale. Selon les projections, cette taxe pourrait générer jusqu’à 26 milliards d’euros de recettes pour l’État.
Budget 2026 : une taxe sur les multinationales aux recettes record
Adoptée à 207 voix pour et 89 contre, la taxe sur les multinationales instaure une contribution exceptionnelle calculée sur les bénéfices réalisés en France ou proportionnellement à l’activité nationale des groupes concernés. L’amendement a été défendu par les députés de La France insoumise et soutenu par les autres partis de gauche ainsi que par le Rassemblement national, selon Le Monde.
Le texte vise à imposer davantage les grandes entreprises accusées d’échapper à l’impôt grâce à l’optimisation fiscale internationale. Inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, cette mesure, parfois appelée « taxe Zucman », ambitionne de rééquilibrer la charge fiscale entre multinationales et PME.
En parallèle, les députés ont décidé de doubler la taxe GAFAM, passant de 3 % à 6 % sur le chiffre d’affaires réalisé en France par les géants du numérique. Ces décisions cumulées devraient rapporter près de 26 milliards d’euros au budget de l’État, selon Libération. Le dispositif concernerait plus d’une centaine de groupes internationaux, parmi lesquels les géants américains du numérique, les grandes firmes industrielles et certains conglomérats européens.
Un vote inattendu et un gouvernement en résistance
La majorité présidentielle, prise de court, s’est opposée au vote. Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a prévenu que cette taxe pourrait entraîner « 20 milliards d’ennuis » pour la France, dénonçant une mesure risquée juridiquement et économiquement. Le gouvernement redoute notamment une fuite des investissements et une détérioration des relations avec les partenaires européens et l’OCDE, où un accord sur une taxe minimum mondiale de 15 % est en cours de mise en œuvre.
Pourtant, la majorité de l’hémicycle a fait bloc autour d’un argument de justice fiscale. Les députés de gauche et du RN ont défendu l’idée que les grandes entreprises devaient participer davantage à l’effort collectif, après plusieurs années de bénéfices records. Selon Le Figaro, les élus favorables au texte estiment que cette mesure « asphyxie » peut-être les profits à court terme, mais redonne de l’oxygène à la redistribution publique. Le rapporteur du texte a souligné que la taxe répondait à une exigence morale autant qu’économique : faire contribuer équitablement ceux qui profitent le plus de la mondialisation.
Un rendement élevé et un signal politique fort
Les estimations du ministère de l’Économie prévoient un rendement global de 26 milliards d’euros pour la taxe sur les multinationales, dont 4 milliards pour la seule taxe sur les GAFAM. Ces montants représentent environ 1 % du PIB français, un apport non négligeable dans un contexte de déficit budgétaire persistant. Toutefois, le gouvernement souligne que les recettes espérées restent hypothétiques et pourraient être réduites en cas de contestations juridiques ou d’adaptations comptables des groupes concernés.
Cette mesure, votée « contre l’avis du gouvernement », constitue un revers politique pour l’exécutif. Elle illustre la fragmentation de l’Assemblée et la volonté des parlementaires d’imposer leur vision de la fiscalité des grandes entreprises. D’après Libération, les partis de gauche ont présenté le vote comme « un tournant » dans la politique économique française, tandis que la majorité y voit un signal négatif envoyé aux investisseurs étrangers.
Ainsi, malgré la volonté de l’exécutif de ne pas faire payer les géants, la France s’engage une nouvelle fois dans la voie d’une fiscalité plus offensive envers les multinationales.
