Budget et 49.3 : Bayrou force le passage, la gauche explose

L’Assemblée nationale est une nouvelle fois le théâtre d’un affrontement politique de grande ampleur. En engageant la responsabilité de son gouvernement sur le budget 2025 à travers le recours au 49.3, François Bayrou s’attire essentiellement des critiques virulentes. Deux motions de censure ont déjà été déposées, mais pourront-elles faire tomber son gouvernement ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 4 février 2025 à 6h17
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Paris, France, 03-01-2025 : François Bayrou et Élisabeth Borne at the Bayrou government's first Council of Ministers meeting at the Elysée Palace in Paris. - © Economie Matin
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e lundi 3 février 2025, le Premier ministre François Bayrou a déclenché l’article 49.3 de la Constitution pour imposer l’adoption du budget de l’État ainsi que celui de la Sécurité sociale, sans passer par un vote à l’Assemblée nationale. En réponse, La France Insoumise (LFI) a immédiatement annoncé le dépôt de deux motions de censure, dénonçant ce qu’elle considère comme une confiscation du débat parlementaire. Pourtant la chute du gouvernement Bayrou semble peu probable, notamment en raison de la position ambiguë du Parti socialiste (PS).

François Bayrou et le 49.3 : une manœuvre inévitable ?

Dès sa prise de parole devant l’Assemblée nationale, François Bayrou a assumé pleinement son choix : "Aucun pays ne peut vivre sans budget", a-t-il déclaré. Confronté à une impasse parlementaire, il a activé le 49.3, un outil constitutionnel permettant d’adopter un texte sans vote, au prix d’une mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. Un outil largement utilisé par ses prédécesseurs et qui avait conduit à la chute du gouvernement de Michel Barnier.

Pourquoi recourir au 49.3 ?

  • Manque de majorité absolue : le gouvernement ne dispose pas d’une assise parlementaire suffisante pour faire adopter le budget sans encombre.
  • Urgence budgétaire : sans adoption rapide, le financement de plusieurs services publics pourrait être compromis.
  • Blocages politiques : les débats parlementaires se sont enlisés face à l’opposition de LFI, des écologistes et des communistes.

En réalité, ce n’est pas une première. Depuis l’instauration de la Ve République, cet article a été régulièrement utilisé, notamment par les gouvernements confrontés à des majorités parlementaires fragiles. Cependant, ce double recours au 49.3 en une seule journée (pour le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale) accentue la polarisation des débats.

3 février 2025, une journée sous haute tension à l’Assemblée nationale

L’activation du 49.3 a immédiatement déclenché une levée de boucliers chez les oppositions, en particulier La France Insoumise. Jean-Luc Mélenchon a fustigé une « brutalité institutionnelle », tandis que le député Éric Coquerel (LFI) a dénoncé un budget « pire que celui de Michel Barnier ».

Deux motions de censure déposées par LFI

  • Une première motion visant spécifiquement la politique budgétaire du gouvernement.
  • Une seconde dénonçant les coupes dans les budgets de l’écologie et de l’enseignement supérieur, jugées « irresponsables » par LFI.

Les communistes et les écologistes devraient suivre LFI sur ces motions, mais leur adoption nécessite une majorité absolue à l’Assemblée. Or, c’est ici que le PS joue un rôle clé.

Le Parti socialiste : une ambiguïté assumée favorable à Bayrou

Le PS a annoncé avoir décidé de ne pas voter la censure, un choix qui a immédiatement provoqué des tensions avec LFI. Arthur Delaporte, député socialiste, a justifié cette position en déclarant : "Ce n’est pas un bon budget, mais il faut un budget".

Jean-Luc Mélenchon n’a pas tardé à réagir, affirmant que le PS "consomme son ralliement au gouvernement Bayrou", réduisant ainsi le Nouveau Front Populaire à un simple attelage électoral opportuniste.

Dans les faits, le Parti socialiste se retrouve dans une position inconfortable :

  • Soutenir la censure reviendrait à risquer la chute du gouvernement et un possible chaos institutionnel.
  • S’abstenir ou voter contre la censure revient à assumer un soutien tacite à François Bayrou, au risque d’affaiblir son ancrage à gauche.

Pour tenter de calmer les esprits, le Parti Socialiste a toutefois annoncé qu’il déposera sa propre motion de censure. Pour la forme.

Quel avenir pour François Bayrou et son gouvernement ?

Le vote des motions de censure : un suspense limité

Si la situation est explosive sur le plan politique, le gouvernement Bayrou ne devrait pas tomber. La majorité présidentielle, bien que relative, peut compter sur l'abstention du PS et d'une partie des députés Les Républicains pour échapper à une censure. Le parti qui pourra donc trancher est le Rassemblement National, qui laisse planer le doute. Toutefois, le seuil requis pour faire tomber le gouvernement étant de 289 voix, les motions de censure ont très peu de chances d’aboutir.

Un budget adopté, mais à quel prix ?

François Bayrou sortira sans doute de cette épreuve avec son gouvernement intact, mais affaibli.

  • Sa relation avec le PS reste fragile, et une crise pourrait éclater si des divergences profondes persistent.
  • La contestation sociale pourrait prendre le relais. Certains syndicats ont déjà appelé à une mobilisation contre l’austérité dans les prochaines semaines.
  • LFI se pose en principal opposant, espérant capter une partie de l’électorat socialiste déçu.

Budget 2025 : un 49.3 à double tranchant

En engageant deux fois la responsabilité de son gouvernement, François Bayrou a sécurisé l’adoption du budget, mais il a aussi creusé les divisions au sein du paysage politique. Si son gouvernement ne devrait pas tomber cette semaine, il devra composer avec une opposition renforcée et remontée. Une mauvaise nouvelle alors que se profile le printemps, période durant laquelle les manifestations sont généralement nombreuses en France, en particulier depuis l’adoption, par 49.3, de la réforme des retraites.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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