Chimiothérapie : un espoir contre les neuropathies périphériques

La chimiothérapie demeure un pilier incontournable du traitement des cancers. Pourtant, cette approche thérapeutique est régulièrement associée à des effets secondaires lourds, dont les neuropathies périphériques. Ces atteintes des nerfs situés à la périphérie du système nerveux central provoquent douleurs, engourdissements, fourmillements et troubles moteurs, parfois irréversibles. Elles affectent significativement la qualité de vie des patients et compliquent le déroulement des traitements oncologiques.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 5 novembre 2025 18h30
Chimiothérapie : un espoir contre les neuropathies périphériques
Chimiothérapie : un espoir contre les neuropathies périphériques - © Economie Matin

Selon les données publiées par le site Vidal le 25 juillet 2024, plus de six patients sur dix présentent des symptômes dès le premier mois de traitement. Trois mois plus tard, cette proportion demeure identique, tandis qu’à six mois, environ 30 % des personnes traitées en souffrent toujours. Dans près d’un tiers des cas, ces troubles perdurent même après l’arrêt du protocole. Ces chiffres traduisent l’ampleur du phénomène, qui contraint parfois les oncologues à réduire les doses ou à interrompre la chimiothérapie. Jusqu’à aujourd’hui, aucune thérapie n’a démontré d’efficacité préventive. Les soins se limitaient à une prise en charge symptomatique.

Une cible thérapeutique enfin identifiée ?

Ces neuropathies induites par la chimiothérapie – notamment par des agents comme les taxanes ou le cisplatine – ont longtemps échappé à toute stratégie de prévention. Une revue scientifique publiée dans Frontiers in Molecular Neuroscience en 2017 indiquait déjà que « Environ 68 % des patients recevant une chimiothérapie développent une neuropathie périphérique induite par le traitement (CIPN) au cours du premier mois. »

Malgré l’ampleur du problème, « Il n’existe actuellement aucun traitement approuvé permettant de gérer efficacement la neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie (CIPN) », rappelait une publication dans Frontiers in Physiology. À ce jour, la duloxétine reste le seul médicament recommandé par la société américaine d’oncologie clinique (ASCO) pour soulager la douleur liée à ces neuropathies. Mais elle n’en empêche pas l’apparition. Or, une avancée majeure pourrait bouleverser cet état de fait.

Carba1 : une molécule française au potentiel prometteur

Une collaboration entre le CNRS, l’université Grenoble Alpes et l’Inserm a permis d’identifier une molécule appelée Carba1. Dans un communiqué publié le 29 octobre 2025, le CNRS affirme : « À ce jour incurables, les neuropathies périphériques sont des complications neurologiques fréquentes de la chimiothérapie […] cette molécule capable de prévenir l’apparition de tels effets secondaires. » Carba1, issue de la famille des carbazoles, a été testée avec succès sur cultures cellulaires humaines et chez l’animal. Selon les chercheurs, elle préserve les fibres nerveuses sans affecter l’efficacité antitumorale du traitement.

L’équipe, publiée dans Science Advances, précise que l’effet protecteur in vivo a été observé pendant au moins quatorze jours sans signe de toxicité. Les résultats sont d’autant plus remarquables que, selon Destination Santé, « les neuropathies périphériques induites par la chimiothérapie touchent 80 % des patients qui reçoivent ce traitement anticancéreux. […] 4 patients sur 10 traités par chimiothérapie souffrent de neuropathies périphériques sévères et persistantes ».

Comment Carba1 protège les nerfs sans nuire à la chimiothérapie

Deux mécanismes principaux expliquent les effets neuroprotecteurs de Carba1. Premièrement, elle interagit avec la tubuline, limitant les effets neurotoxiques des taxanes sans diminuer l’action anticancer des chimiothérapies. Deuxièmement, la molécule stimule une enzyme clé du métabolisme cellulaire – la nicotinamide phosphoribosyltransférase (NAMPT) – renforçant ainsi la résistance des neurones et des cellules de Schwann aux agressions chimiques.

Cette double action rend Carba1 particulièrement intéressante dans le contexte thérapeutique actuel. Elle constitue une approche préventive inédite, qui vient combler un vide important dans la prise en charge des effets indésirables de la chimiothérapie. Néanmoins, la prudence reste de mise. La molécule doit encore franchir les étapes réglementaires avant de pouvoir être testée chez l’humain. « La molécule doit encore passer les étapes précliniques réglementaires avant un essai clinique », avertit Destination Santé.

Un espoir réaliste pour les patients en chimiothérapie ?

Si les essais cliniques confirment son efficacité et son innocuité, Carba1 pourrait bouleverser la manière dont les médecins abordent la chimiothérapie. Prévenir les neuropathies périphériques, au lieu de simplement les soulager, représenterait une révolution en oncologie. Cette avancée pourrait permettre un maintien des doses optimales de traitement, sans crainte de séquelles neurologiques durables.

Du point de vue des patients, il s’agirait d’un gain majeur en confort et en qualité de vie. Comme le souligne Vidal, « développer des traitements préventifs (inexistants jusqu’à présent) » est désormais un objectif prioritaire. Il faudra néanmoins patienter encore plusieurs années avant une éventuelle mise sur le marché. Mais l’annonce de cette découverte scientifique française constitue déjà un jalon important dans la lutte contre les complications liées à la chimiothérapie.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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