Ziad Khoury : « Il existe un besoin de souveraineté dans le Cloud »

Le nombre de données explose, cela ne pose-t-il pas de plus en plus la question de leur maîtrise ?

Ziad Khoury : Effectivement, les données numériques ont une valeur économique, sociale et politique. Il est temps d’en finir, au plan national et européen, avec une forme d’altruisme dans ce domaine afin de mieux maîtriser l’usage des données et leur confidentialité. Les pouvoirs publics en ont pris conscience et agissent.

Dans ce contexte, la question du Cloud n’est-elle pas critique ?

Ziad Khoury : En effet, quand on migre sur le Cloud, on transfère ses données et sa capacité d’exécution dans un environnement que l’on ne maîtrise pas. C’est un enjeu de souveraineté et nous devons nous appuyer sur le terreau des acteurs technologiques français, qui ont envie d’offrir des alternatives. L’écosystème national doit donc être de plus en plus stimulé et structuré pour renforcer notre résilience. La clé est de garder nos talents et nos pépites.

Un Cloud souverain est-il possible ?

Ziad Khoury : C’est difficile car la réussite d’un Cloud souverain, sans éléments importés, dépend aussi des usages et services associés, majoritairement entre les mains d’acteurs américains. L’échelon européen pourrait être pertinent, avec son marché suffisamment dimensionné. Une solution propre, dans un monde de plus en plus exposé à la cybercriminalité et à la cyberguerre, semble en tout cas un objectif justifié. La France a d’ailleurs déjà des formes de Cloud souverain, mais l’enjeu réside dans les services managés, au-delà des puissances de traitement.

Quelles réponses voyez-vous dans l’immédiat ?

Ziad Khoury : Il existe déjà de bonnes initiatives, comme le certificat SecNumCloud délivré par l’ANSSI ou des Cloud de confiance, qui introduisent des couches de sécurité dans un système existant. Cette réponse hybride peut être intéressante selon ce que l’on cherche à protéger. Ces Cloud pourraient être qualifiés et régulièrement audités par l’ANSSI. Des réponses se développent aussi via le chiffrement de bout en bout, dans lequel la donnée n’est jamais manipulée en clair sur le Cloud, avec cependant le risque de fragilité lié à l’informatique quantique. Le travail est en cours pour dépasser, avec le post quantique, ce risque. La France a des atouts dans ce domaine. Au final, dans la guerre des données, la souveraineté ne pourra pas se bâtir à partir d’une feuille blanche, et les îlots de sécurité sont indispensables dans l’urgence, selon les niveaux de criticité.