La baisse des ventes de cognac s’accélère aux États-Unis, où la hausse des taxes frappe de plein fouet une filière déjà fragilisée. Cette situation met en difficulté les producteurs français, tandis que les spiritueux américains profitent de cet écart fiscal devenu décisif pour réorienter le marché en leur faveur.
Cognac : pourquoi les taxes américaines font chuter les ventes françaises

Depuis septembre 2025, la filière du cognac subit une chute rapide de ses volumes exportés vers les États-Unis. La décision américaine de relever ses droits de douane a provoqué un choc immédiat sur les ventes, alors même que le cognac représente un pilier des exportations françaises. Cette baisse brutale s’ajoute à des tensions commerciales déjà vives, créant une situation où le cognac, pourtant emblématique, voit ses débouchés se réduire.
Les nouvelles taxes américaines provoquent un effondrement inédit des ventes de cognac
Le cognac fait face, depuis la montée des taxes américaines, à une dynamique sévère qui fragilise autant ses marges que ses volumes. Les exportations ont chuté de manière spectaculaire, principalement à cause d’une surtaxe de 25 % appliquée aux spiritueux européens. Cette hausse du coût à l’entrée rend le cognac particulièrement vulnérable sur le marché américain, car les consommateurs réagissent vite à l’augmentation des prix. Selon un représentant du BNIC, “les producteurs français n’ont aucune marge pour absorber un tel choc douanier”, ce qui rappelle l’ampleur du déséquilibre créé par ces décisions fiscales.
Comme le marché américain représente environ 40 pour cent des débouchés mondiaux du cognac, cet effet de ciseau agit comme un accélérateur de crise, même si la filière espérait une stabilisation après plusieurs années de croissance.
La baisse des ventes est spectaculaire : sur quatre mois, le recul affiche 35 à 38 %, tandis que les volumes expédiés depuis la Charente retrouvent des niveaux comparables à ceux de 2018. Ce basculement s’accompagne d’une recomposition du marché, puisque les spiritueux américains, notamment le bourbon, restent intouchés par les surtaxes. Conséquence directe, les ventes de bourbon ont progressé de 12 pour cent sur la même période. Le cognac perd ainsi non seulement des parts de marché mais aussi son image de produit accessible pour une clientèle large, même si le prestige de la marque France demeure intact.
Pourquoi la concurrence américaine profite pleinement de la chute du cognac
La fiscalité nouvelle impose une pression directe sur les importateurs américains, qui répercutent automatiquement la hausse des taxes sur les prix finaux. Les marges ne permettent aucune absorption intermédiaire, ce qui provoque une hausse de 18 % du prix moyen consommateur d’une bouteille de cognac VSOP. Comme plusieurs analystes l'indiquent dans leurs commentaires, ce seuil dépasse largement ce que le marché américain considère comme acceptable dans le segment premium mais non ultra-luxe.
Avec les nouveaux tarifs, les consommateurs modifient leur comportement, d’autant que les alternatives produites localement échappent à ces surcoûts. Ainsi, les spiritueux américains gagnent mécaniquement en attractivité, ce qui permet à la concurrence américaine de s’imposer davantage grâce à un nouvel écart fiscal devenu stratégique.
Les distributeurs américains, déjà soumis à des marges serrées, préfèrent désormais réduire leurs commandes de cognac pour la fin de l’année 2025 et le début de l’année 2026. On observe une baisse de 32 % des commandes d’importation pour les fêtes de fin d’année, une période pourtant cruciale pour la consommation d’alcools premium. Cette situation crée un cercle vicieux, car les producteurs charentais signalent une mise en sommeil de certaines lignes d’embouteillage. Un cadre d’une grande maison évoque la sévérité de cette transition en affirmant : “Nous n’avions pas vu une telle rupture depuis quinze ans.”
Le marché américain, traditionnel moteur de la croissance des producteurs français, devient ainsi un terrain favorable à la montée en puissance des marques locales, soutenues par un contexte fiscal avantageux et une disponibilité immédiate sur le marché domestique.
Un choc direct pour la production française de cognac
Ce choc fiscal ne touche pas uniquement les volumes exportés, il affecte également la structure même de la production locale. En Charente, où 10 000 emplois directs dépendent du cognac, les inquiétudes grandissent. Les producteurs, confrontés à des baisses de chiffre d’affaires atteignant 30 % entre juillet et octobre, doivent réagir rapidement pour absorber le choc.
La hausse des taxes met en difficulté des entreprises dont le modèle économique repose largement sur les exportations hors Union européenne. Même si le cognac reste un produit haut de gamme, sa dépendance au marché américain rend la situation particulièrement volatile. Les syndicats évoquent déjà la possibilité de plans d’ajustement si aucune réponse politique n’est apportée dans les prochains mois. Dans la région de Cognac, la baisse des ventes provoque aussi des interrogations sur la récolte 2026, car une partie de la production pourrait être réorientée ou différée pour éviter une accumulation excessive de stocks. La filière estime qu’une baisse durable pourrait entraîner une réduction de 20 % des volumes exportés l’an prochain si les taxes restent en vigueur.
Cette prévision met en lumière l’effet domino des surtaxes américaines : une mesure douanière introduite dans le cadre d’un conflit commercial sur l’acier finit par frapper un secteur n’ayant aucun lien direct avec l’industrie lourde. Ce décalage rappelle les limites d’une politique commerciale à large spectre, dont les conséquences touchent souvent des secteurs inattendus mais stratégiques dans les échanges internationaux.
La réponse française et européenne face au recul du cognac
Face à cette situation, la France appelle désormais Bruxelles à réagir rapidement pour protéger la filière cognac. Le ministère de l’Économie souhaite utiliser les instruments disponibles à l’OMC pour contester la hausse des droits américains. Les discussions portent notamment sur l’opportunité d’une contre-mesure européenne en réponse aux surtaxes de Washington.
Même si ce type de procédure peut durer plusieurs mois, l’objectif est de rétablir une forme d’équilibre tarifaire afin de limiter les pertes futures. La filière, représentée par ses exportateurs, insiste sur l’urgence de cette démarche en soulignant que les ventes de cognac ne pourront pas absorber plusieurs trimestres supplémentaires de recul sans dommages durables sur la chaîne de valeur. Bruxelles étudie plusieurs scénarios, notamment le dépôt d’une plainte officielle ou la négociation d’un accord ciblé pour les spiritueux. Cependant, même avec une réaction rapide, les effets se feront sentir à moyen terme seulement, ce qui laisse les producteurs français face à une situation difficile.
L’Europe craint également que d’autres produits agricoles haut de gamme soient touchés dans un futur proche, ce qui mettrait en cause l’ensemble du modèle d’exportation agroalimentaire du continent. La crise actuelle du cognac sert ainsi de révélateur : dans une économie mondialisée marquée par des tensions commerciales récurrentes, la vulnérabilité fiscale d’une filière peut rapidement devenir un enjeu stratégique plus large.
