Crash du MH17 : l’ONU désigne la Russie comme responsable

Dix ans plus tard, l’histoire refait surface au-dessus des débris d’un Boeing éventré. Au terme d’une bataille juridique internationale inédite, les lignes du droit aérien se figent dans une décision sans précédent. La Russie a été reconnue coupable d’avoir abattu un avion civil.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 13 mai 2025 6h50
Le 17 juillet 2014, à 13 h 20 UTC, le vol MH17 de la Malaysia Airlines disparaît des radars au-dessus de l’est de l’Ukraine.
Le 17 juillet 2014, à 13 h 20 UTC, le vol MH17 de la Malaysia Airlines disparaît des radars au-dessus de l’est de l’Ukraine. - © Economie Matin
166 MILLIONS €Aux Pays-Bas, la catastrophe du vol MH17 de Malaysia Airlines a coûté plus de 166 millions d'euros

Un missile en pleine guerre : retour sur la tragédie du vol MH17

Le 17 juillet 2014, à 13 h 20 UTC, le vol MH17 de la Malaysia Airlines disparaît des radars au-dessus de l’est de l’Ukraine. Parti d’Amsterdam à destination de Kuala Lumpur, l’appareil, un Boeing 777-200ER, est abattu en vol à plus de 10 000 mètres d’altitude par un missile sol-air de type BUK. À son bord, 298 passagers et membres d’équipage. Aucun survivant. Parmi les victimes, 196 citoyens néerlandais, 43 Malaisiens, 38 Australiens, et plusieurs ressortissants de dix autres nationalités.

Dès les premières heures, les soupçons convergent : les débris s’éparpillent au-dessus de la région de Donetsk, aux mains des séparatistes prorusses. Une enquête conjointe menée par les Pays-Bas, l’Australie, la Belgique, la Malaisie et l’Ukraine confirme rapidement l’origine russe du missile. Mais Moscou nie tout lien avec le système d’armement. Pendant près d’une décennie, la Russie multiplie les dénégations, les contre-enquêtes, les contre-vérités.

MH17 : l'ONU condamne la Russie pour le tir du missile qui a abattu l'avion civil

Lundi 12 mai 2025, à Montréal, le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), une agence des Nations unies chargée de réguler le transport aérien civil, met fin à une impasse diplomatique. Son verdict est sans appel : la Fédération de Russie a manqué à ses obligations en vertu du droit aérien international, en causant la destruction du MH17.

C’est la première fois dans son histoire que le Conseil statue sur le fond d’un différend entre États membres. Selon le communiqué officiel de l’OACI, la plainte conjointe déposée par les Pays-Bas et l’Australie est « bien fondée en fait et en droit ». Elle repose sur la violation de l’article 3 bis de la Convention de Chicago, qui interdit explicitement le recours aux armes contre un avion civil en vol. Le Conseil ajoute que « la Fédération de Russie n’a pas respecté ses obligations [...] lors de la destruction du MH17 ».

Les sessions se sont échelonnées sur plusieurs mois, avec des mémoires écrits et des auditions orales. Si la décision de principe est désormais actée, le document détaillant l’ensemble des arguments juridiques sera publié ultérieurement.

Une décision attendue contre la Russie

Cette décision de l’OACI ne sort pas de nulle part. Dès 2022, la justice néerlandaise avait déjà condamné trois hommes – dont deux Russes – à la prison à vie pour leur implication directe dans la tragédie. Moscou avait refusé toute extradition et a depuis toujours nié son implication. L'Australie, dans un communiqué repris par Le Monde, salue un « moment historique dans la quête de vérité, de justice et de responsabilité pour les victimes de l’accident du vol MH17, leurs familles et leurs proches ». Quant au ministre néerlandais des affaires étrangères, Caspar Veldkamp, il rappelle dans la presse belge que cette reconnaissance ne saurait « effacer le chagrin et la souffrance », tout en soulignant que « c'est un pas important vers la vérité et la justice ».

Moscou dans le déni : entre stratégie d’isolement et obstruction diplomatique

Malgré l'accumulation de preuves, Moscou s’obstine à nier les faits. Les réactions officielles russes, relayées par la presse anglo-saxonne et allemande, dénoncent un jugement « politisé » dicté par les « pressions occidentales ». Une source anonyme citée par The Guardian dénonce une « manipulation de la procédure internationale pour justifier un agenda hostile ».

Le Conseil de l’OACI, pourtant, ne dispose d’aucun pouvoir de sanction. Il peut simplement établir la responsabilité d’un État et suggérer des mesures de réparation. Les Pays-Bas et l’Australie réclament à présent des négociations contraignantes pour l’obtention d’un dédommagement juridique. Aucune somme n’a pour l’instant été évoquée publiquement.

Dix ans d’attente, et maintenant ?

En 2023, les enquêteurs internationaux ont mis un terme à leur travail, faute de nouveaux éléments exploitables. L’OACI vient donc rompre ce silence institutionnel en posant, noir sur blanc, un principe : le droit international aérien s’applique en temps de paix comme en situation de conflit.

Et ce n’est pas qu’une question de symboles. Cette décision pourrait servir de jurisprudence implicite pour d’autres affaires de guerre où des aéronefs civils sont visés. L’ONU, par la voix de l’OACI, envoie ainsi un signal clair : les États ne peuvent espérer impunité dans les airs.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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