Dans un revirement spectaculaire, le Crédit agricole a accepté le 8 septembre 2025 de régler une amende de 88,2 millions d’euros pour solder une affaire de stratagème fiscal CumCum, qui repose sur un mécanisme complexe d’arbitrage de dividendes. Ce règlement à l’amiable marque une nouvelle étape dans la lutte contre l’érosion des recettes fiscales par des pratiques opaques.
Fraude fiscale CumCum : le Crédit agricole esquive le procès en payant une amende forfaitaire

La justice est sans équivoque : le CumCum est une fraude
Le 8 septembre 2025, le Crédit agricole a choisi de négocier une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) afin d’éviter un procès pour fraude fiscale dans le cadre de l'affaire CumCum. Le stratagème CumCum, ou arbitrage de dividendes, consiste à ce que des actionnaires étrangers transfèrent temporairement leurs titres à une banque française pour échapper à la retenue à la source sur dividendes. La banque perçoit alors les dividendes, souvent moins imposés, avant de les restituer aux clients, moyennant une commission, tout en captant une rentabilité substantielle.
Les magistrats rejettent la notion de « zone grise » pour qualifier ces pratiques. Elles relèvent clairement, selon eux, d’une fraude. Les contrôles se sont accélérés à partir de décembre 2021, période où le Parquet national financier (PNF) a ouvert des investigations visant notamment CACIB, BNP Paribas, Exane, Société Générale, Natixis et HSBC France.
L'esprit de coopération du Crédit agricole salué par le procureur
Le 8 septembre 2025, le tribunal judiciaire de Paris a validé une CJIP signée le 5 septembre entre le Parquet national financier (PNF) et CACIB, la filiale du Crédit agricole mise en cause. Le mécanisme juridique permet à une entreprise de mettre fin à une procédure pénale en payant une amende, sans reconnaissance de culpabilité. CACIB s’acquitte donc d’une amende totale d’environ 88,2 millions d’euros, couvrant une part restitutive de 49 millions et une part punitive de 39 millions. Les enquêtes avaient relevé environ 2.500 transactions suspectes entre 2013 et 2021, générant jusqu’à 50 millions d’euros de profit, selon les procureurs.
La banque affirme n’avoir jamais promu ces pratiques de façon active : « L’enquête a démontré … que Crédit agricole CIB n’avait mis en place aucun système ou politique visant sciemment à inciter ses clients étrangers » . De plus, elle insiste que la CJIP n’est pas une condamnation pénale, sous réserve de validation judiciaire.
Le procureur Jean-François Bohnert a salué « la qualité de la coopération de CACIB durant l’enquête et la négociation ». Par ailleurs, la banque a renforcé ses contrôles internes, affirmant avoir cassé ces pratiques, même « quitte à perdre un client ».
CumCum : après cette sortie du Crédit agricole, d'autres banques sont sous pression pour faire de même
D’un point de vue fiscal, le coût pour l’État français est colossal. Le stratagème CumCum aurait privé le budget de 1,5 à 3 milliards d’euros par an, voire jusqu’à 4,5 milliards d’euros au total selon certaines estimations.
La décision du Crédit agricole constitue un tournant. Elle place une pression accrue sur les autres établissements visés par le PNF. S’ils choisissent la contestation, ils s’exposent à un procès pénal à haute portée médiatique et financière. La levée de boucliers du secteur bancaire, notamment via la Fédération bancaire française, se fissure. Car le Crédit agricole, jusque-là aligné sur une ligne défensive, a rompu l’unité en optant pour la transparence judiciaire.
