Les retraites et la démographie

Dans cet extrait du livre Dernière Crise avant l’Apocalypse, Jacques Bichot et Jean-Baptiste Giraud expliquent le lien entre retraites et démographie par la mise en place d’une politique familiale.

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Par Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot Modifié le 24 mars 2023 à 13h29
Dernière Crise Avant L'apocalypse Les Retraites Et La démographie

Dans l’ouvrage « Dernière crise avant l’Apocalypse » , de Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot, Un lien est établi entre démographie et retraites. Le sujet étant au cœur de l’actualité, EconomieMatin vous propose en exclusivité l’extrait de l’ouvrage qui est consacré à la corrélation entre politique familiale et les retraites.
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Démographie, politique familiale et retraites sont indissociables

La mise au monde et la formation des nouvelles générations est l'investissement le plus vital pour une communauté. Or un cercle vicieux risque fort de s'enclencher : peu de naissances aujourd'hui, cela veut dire peu de cotisants dans un quart de siècle, donc des taux de prélèvements faramineux, donc des difficultés budgétaires pour les ménages en âge de procréer, donc des naissances encore plus en berne, donc… vous avez compris dans quel cercle vicieux nous nous enfonçons lentement mais sûrement. Les personnes nées vingt, trente ou quarante ans avant le baby-crack, autrement dit celles qui auront quelque peu négligé d'assurer leur descendance, auront de sérieux soucis à la retraite : il leur faudra : ou bien se contenter d'une faible pension, ou bien continuer à travailler jusqu'à un âge avancé, ou bien obtenir des pouvoirs publics qu'ils pressurent les actifs à leur profit (ce qui est le scénario privilégié actuellement). Que de conflits intergénérationnels en perspective !

Surtout si l'on persiste à baser les droits à pension de chaque citoyen sur les cotisations par lui versées durant sa vie active, c'est-à-dire si les législateurs s'obstinent à ne pas tenir compte du théorème de Sauvy dont nous avons parlé à maintes reprises dans cet ouvrage : nous ne préparons pas notre retraite par nos cotisations vieillesse, mais par nos enfants. Ce théorème est incontournable : les retraités d'aujourd'hui ne vont pas, dans 20 ou 30 ans, sortir de leur tombeau pour se remettre à travailler au profit de leurs successeurs ! Alors que penser d'un législateur qui dit que, parce que M. Durand et Mme Dupont ont cotisé pour la génération de leurs parents, ils vont à leur tour percevoir des pensions ? S'agissant des retraites, le droit social est complètement en porte-à-faux, par rapport à la réalité.

La première chose à faire est donc de sortir du mensonge officiel qui accorde les droits à la retraite en raison des cotisations versées, pendant la vie active, au profit des retraités. Quasiment tous les pays développés commettent cette erreur. L'escroc Charles Ponzi (Carlo Ponzi, en fait, car il était italien) est devenu la mascotte – officieuse mais bien réelle – de nos systèmes de retraites par répartition. Tant qu'il n'y aura pas de retour au réel, tant que la loi prendra comme critère d'attribution des droits à pension les cotisations versées au profit des personnes âgées, et non la mise au monde, l'entretien et l'éducation des enfants (y compris l'argent versé, actuellement sous forme d'impôt, pour l'Éducation nationale), nous resterons dans le puits, ou, pire, nous continuerons à nous enfoncer.

Une seconde démarche doit être effectuée : abandonner l'idée selon laquelle attribuer des droits à pension en fonction des enfants que l'on a élevés serait remplacer l'amour par une sorte de cupidité. Quand nous avons fait nos études, nous étions avant tout heureux d'apprendre, de découvrir des mondes extraordinaires : Victor Hugo et Shakespeare, les atomes et l'immensité du cosmos, les langues, les sciences naturelles, la chimie, la physique, les maths, l'histoire, la géographie. Nous savions qu'en sus, un bon bagage scolaire et, le cas échéant, universitaire, nous permettrait de gagner correctement notre vie. Mais cette perspective d'un retour sur investissement n'était pas la seule raison de nos efforts. Le principe de plaisir n'est heureusement pas opposé au principe de réalité.

C'est vrai également pour la procréation, l'entretien et l'éducation des enfants : nous avons des enfants parce que ça nous fait plaisir, parce que c'est la source d'un grand bonheur, et non pas parce que c'est utile – obtenir des droits à pension ! Cela ne fait que joindre l'utile à l'agréable. Cette utilité n'a aucune raison d'occulter l'essentiel, à savoir la joie de donner naissance à un ou à des enfants, et de le ou les placer sur les rails de la vie.

La réalité est donc la suivante : à quelques exceptions près, nous ne procréons pas pour percevoir « les allocs », nous ne le ferons pas non plus pour toucher une pension future, mais nous ne crachons ni sur les allocs, ni sur les pensions. Ce qui est dramatique, c'est que nombre de nos concitoyens réfrènent leur désir de donner la vie, parce que cela coûte trop cher ! Le sujet est largement document, et ce, depuis des années. Le désir d'enfant entre de plus en plus désormais en conflit avec la réalité économique, la capacité à l'assumer, et d'abord, la possibilité d'avoir un logement décent, adapté à une famille avec des enfants, ce qui implique d'avoir une ou plusieurs chambres supplémentaires.

Les prestations familiales devraient permettre aux personnes qui ont envie d'avoir des enfants de réaliser leur projet sans que leur niveau de vie en souffre rudement. Or, les études économiques en la matière sont sans appel :    fait chuter le niveau de vie de ses parents de 10 %. Revenus égaux, à conditions égales. Cela signifie donc que les allocations familiales et les réductions d'impôts ne compensent que très partiellement le coût économique de l'enfant en plus. Ces couples qui renoncent à avoir un troisième enfant, voire un second, voire un premier, parce que cela ferait baisser leur niveau de vie, devraient pouvoir compter sur les allocs pour leur donner la possibilité de réaliser leur projet. Et la société y trouverait son compte, parce qu'elle a un besoin vital de ces enfants ! Au lieu de cela, François Hollande a mis fin au principe d'universalité des allocations familiales, diminuant encore un peu plus les chances de voir la natalité française rebondir, ou tout au moins ne pas diminuer.

Or les chiffres des naissances, moins catastrophiques en France qu'en Italie ou en Allemagne, sont quand même très inférieurs à ce qui serait souhaitable. Ainsi, en 1971, il est né en France 881 000 bébés : très bien ! Mais un demi-siècle plus tard – 49 ans exactement, en 2020 – nous en avons 697 000. Dans un quart de siècle, ces bébés devenus des jeunes gens et jeunes filles devront entretenir des générations bien plus nombreuses que la leur, d'environ un quart, comme celle de 1971. Autant dire que soit les retraités de la cohorte 1971 devront se contenter de pensions calamiteuses, soit les membres de la génération 2021 devront se saigner aux quatre veines. Un dilemme pas très agréable !

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Jean-Baptiste Giraud est journaliste économique, directeur de la rédaction d'EconomieMatin et auteur d'une dizaine de livres.   Jacques Bichot est économiste, professeur émérite à l'Université Jean-Moulin-Lyon III et auteur d'une vingtaine d'ouvrages.

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