Développement durable : vers un système de notation européen ?

« On ne peut pas gérer ce que l’on ne mesure pas » est un refrain souvent cité dans le secteur du développement durable. Le 31 juillet 2023, la Commission européenne a adopté les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), imposant le reporting obligatoire à toutes les entreprises soumises à la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

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Par Jason Kibbey Publié le 11 novembre 2023 à 9h00
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90%90% des consommateurs déclarent vouloir acheter auprès de marques plus durables.

Bien qu’il ne s’agisse que d’un premier pas vers l'amélioration, cela ouvre la voie à la réglementation nécessaire à la mise en place d’une économie durable. C’est particulièrement le cas pour le secteur du textile et de l’habillement, qui est responsable d’environ 2 pour cent des émissions mondiales de carbone. En France, où je vis, le gouvernement a déjà pris des mesures pour mettre en œuvre un étiquetage carbone et environnemental dans l'industrie textile en 2024, dans l'espoir d'aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés. Début juin, le président Macron a demandé à la Commission européenne de “créer un système standardisé d'étiquetage carbone et environnemental au niveau Européen”.

Afin d’assurer sa place de leader dans le développement d'un tel système, la France a mis en oeuvre en janvier de cette année l’exigence de transparence de la chaîne de valeur avec la Loi AGEC qu’elle a surnommé l’“EcoScore”, et qui s’appliquera aux entreprises de confection dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros. Issue de la Loi Climat, votée en 2021, elle devrait s'appliquer à toutes les entreprises qui vendent des vêtements, des chaussures et de l’habillement sur le marché français, sur une base volontaire dès 2024, avant de devenir obligatoire d’ici janvier 2026.

Cela fait suite aux engagements pris par la France lors de la COP27 en novembre 2022. Lors de la conférence, l’une des principales conclusions de la session sur l’habillement durable, intitulée “Minimiser les impacts climatiques tout au long de la chaîne de valeur”, a été que le besoin de transparence concernant l’impact environnemental des produits textiles et de l’habillement augmentait rapidement. Depuis, le gouvernement français a pris des mesures concrètes pour promouvoir la transparence sur l’impact environnemental des vêtements vendus en France. A ce titre, l'EcoScore a pour vocation de fournir aux consommateurs une information instantanée sur l'impact environnemental d'un produit. Aux 16 critères PEF (Product Environmental Footprint), le gouvernement français en a ajouté 8, dont le rejet de microplastiques, la valorisation des matières recyclées et des textiles reconditionnés, et l'impact de la fast fashion. L’UE envisage désormais d’imposer un tel label au niveau européen.

Aujourd’hui, 9 consommateurs sur 10 déclarent vouloir acheter auprès de marques plus durables. Pourtant, la fast fashion n’a jamais été aussi disponible ni aussi populaire auprès des consommateurs. En juillet 2023, la Commission européenne a formulé des recommandations stratégiques pour lutter contre la production et la consommation massives. A cette occasion, le rapporteur de l'UE a souligné que «les consommateurs ne peuvent à eux seuls réformer le secteur mondial du textile par leurs habitudes d’achat. Si nous laissons le marché s’autoréguler, nous laissons la porte ouverte à un modèle de "fast fashion" qui exploite les personnes et les ressources de la planète. L’UE doit légalement obliger les fabricants et les grandes entreprises de mode à opérer de manière plus durable. Les personnes et la planète sont plus importantes que les profits de l’industrie textile». Le reporting RSE n’étant pas parvenu, dans sa forme initiale, à adresser les impacts des dernières décennies, le développement d’un système de notation qui permettra de mesurer l’impact réel d’une marque risque se heurter à deux défis principaux: la couverture et l’intégrité des données.

Pendant longtemps, les rapports n’incluaient que les émissions scope 1 et 2, qui sont celles générées par les activités propres d’une entreprise sur les personnes et l’environnement. Or, on sait aujourd’hui que la majeure partie de l’impact d’une entreprise provient des émissions scope 3 (WRI & McKinsey). Les régulateurs comme les entreprises reconnaissent aujourd'hui que, pendant trop longtemps, ces activités en amont de la chaîne de production n’ont pas été suffisamment prises en compte, notamment en raison d’un manque de données disponibles et fiables. C’est pourtant là que se situent un grand nombre d’enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Tant que les questions ESG sont de plus en plus présentes dans les politiques internationales, on s’attend donc à ce que les entreprises surveillent et améliorent l’impact de leurs activités sur les droits de l’homme et de l’environnement, non seulement à leur niveau, mais aussi en considérant l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement - leurs fournisseurs, mais aussi les fournisseurs de leurs fournisseurs, etc. - prenant en compte ces critères dans leurs opérations de sourcing et de fabrication. Face à des obligations de reporting plus strictes, la transparence au sein de l’industrie, de marque à consommateur, de marque à marque, mais aussi entre les marques et leurs fournisseurs est essentielle, et les données deviennent, plus que jamais, une ressource précieuse.

La création et l’utilisation d’un système capable de vérifier avec précision les données produites par des dizaines de milliers de marques et de fabricants ne sera pas une mince affaire et s'avère être le plus grand obstacle à la mise en œuvre d'un système d’ecoscore. Mais une chose est sûre : l’accès à des données scope 1 à 3 fiables et vérifiées, en quantité significative, jouera un rôle essentiel dans la capacité des entreprises à se conformer aux futures réglementations françaises et européennes.

Kibbey

président et fondateur de Worldly

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