Fini le temps où les plateformes de commerce en ligne pouvaient se dédouaner de toute responsabilité sur les produits qu’elles écoulent. La Commission européenne s’attaque frontalement aux géants du e-commerce, en les obligeant à rendre des comptes sur la qualité et la conformité des marchandises qu’ils proposent aux consommateurs européens. Une réforme qui promet de rebattre les cartes du commerce en ligne.
E-commerce : les produits illégaux enfin bannis ?

Le 1ᵉʳ février 2025, la Commission européenne a dévoilé un projet de réforme visant à responsabiliser les plateformes de commerce en ligne comme Temu, Shein et Amazon en matière de vente de produits dangereux ou illégaux. Objectif : fermer les failles permettant aux vendeurs tiers d’inonder le marché européen de marchandises non conformes.
L’Union européenne durcit le ton contre les plateformes de e-commerce et les produits dangereux
Aujourd’hui, lorsqu’un consommateur achète un produit sur une plateforme en ligne, la responsabilité juridique repose en grande partie sur le vendeur. Mais ces vendeurs sont souvent basés en dehors de l’Union européenne, rendant difficile tout recours en cas de problème. La nouvelle législation prévoit de renverser cette logique en rendant les plateformes elles-mêmes directement responsables des produits vendus sur leurs sites, selon le Financial Times.
Un projet qui s’inscrit dans une volonté plus large de l’UE de contrôler le commerce en ligne et de protéger les consommateurs contre les dérives d’un système où la traçabilité des produits reste souvent floue.
E-commerce : une réforme douanière pour mieux contrôler les marchandises
L’une des mesures phares de cette réforme concerne le contrôle des produits avant leur entrée sur le marché européen. Aujourd’hui, toute commande passée en ligne auprès d’un vendeur hors de l’UE fait du consommateur l’importateur officiel. Il lui revient donc de s’acquitter des droits de douane et de la TVA, ce qui permet à certaines plateformes de proposer des prix attractifs en contournant partiellement ces taxes.
Avec la réforme, cette responsabilité incomberait désormais aux plateformes elles-mêmes. Elles devront :
- Collecter la TVA et les droits de douane avant l’envoi des marchandises ;
- Fournir des informations détaillées sur les produits vendus afin de faciliter les contrôles douaniers ;
- S’assurer que les produits commercialisés respectent les normes européennes.
Une nouvelle autorité douanière, l’EUCA (European Union Customs Authority), sera créée pour centraliser les données des 27 États membres et identifier les risques avant même que les marchandises ne soient expédiées.
Produits dangereux : les plateformes chinoises dans le collimateur de Bruxelles
Cette réforme vise en particulier les plateformes qui bénéficient de l’exonération des droits de douane pour les colis de moins de 150 euros. Un régime qui profite largement aux sites chinois comme Temu et Shein. En 2024, 91 % des expéditions de commerce électronique à destination de l’UE, d’une valeur inférieure à 150 euros, provenaient de Chine. La Commission européenne envisage donc la suppression de cette exonération pour éviter que des marchandises douteuses entrent en masse sur le marché européen.
Les conséquences pour les plateformes et les consommateurs
Cette réforme, si elle est adoptée, pourrait changer profondément la manière dont les plateformes fonctionnent. Actuellement, elles se présentent comme de simples intermédiaires entre vendeurs et acheteurs, évitant ainsi d’être tenues responsables des infractions à la législation européenne.
Avec cette nouvelle réglementation, elles devront :
- Assurer la conformité des produits vendus sur leur marketplace ;
- Mettre en place des contrôles renforcés avant l’expédition des colis ;
- Rendre des comptes en cas de vente de produits dangereux.
Une nécessité : une étude publiée en 2024 a révélé que 95 % des jouets vendus sur Temu ne respectaient pas les normes européennes de sécurité. Avec cette réforme, Temu pourrait être tenu responsable de la mise sur le marché de ces produits non conformes et s’exposer à des sanctions, même si l’entreprise se dédouane et déclare bannir les vendeurs en faute.
Quel impact pour les consommateurs ?
Si la réforme permettra de sécuriser les achats en ligne, elle risque aussi d’entraîner une hausse des prix. Les plateformes seront contraintes d’appliquer la TVA et de s’assurer de la conformité des produits, ce qui pourrait réduire l’attractivité des petits prix qui font le succès de sites comme Shein ou Temu.
Comparaison des impacts possibles :
Effet de la réforme | Conséquences pour les plateformes | Conséquences pour les consommateurs |
---|---|---|
Responsabilité accrue des plateformes | Plus de contrôles, risques de sanctions | Moins de produits frauduleux |
Suppression de l'exonération de TVA | Hausse des coûts pour Temu, Shein, Amazon | Augmentation des prix des petits articles |
Création d’une autorité douanière centrale (EUCA) | Processus de validation plus long | Livraison potentiellement ralentie |
Un arsenal réglementaire déjà en place
Cette nouvelle législation viendrait s’ajouter à une série de régulations visant à encadrer le commerce en ligne. Parmi elles :
- Le Règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP), entré en vigueur en décembre 2024, oblige les plateformes à signaler rapidement les produits dangereux aux autorités compétentes.
- Le Règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), qui impose depuis 2023 des obligations de transparence aux marketplaces, notamment sur la traçabilité des vendeurs.
- Des enquêtes en cours contre certaines plateformes. En octobre 2024, la Commission européenne a ouvert une enquête contre Temu pour des violations présumées du DSA, liées à la vente de produits non conformes et potentiellement dangereux.
Les plateformes réagiront-elles ou s’opposeront-elles ?
Les géants du e-commerce n’ont pas encore officiellement réagi à ces annonces. Amazon, Shein et Temu ont refusé de commenter la réforme. Mais une chose est sûre : cette réglementation pourrait fortement perturber leur modèle économique.
Si la Commission européenne va jusqu’au bout, ce projet pourrait signer la fin de l’impunité des plateformes vis-à-vis des produits dangereux. Reste à voir si ces mastodontes du e-commerce, connus pour leur agilité face aux régulations, trouveront encore une brèche pour s’y soustraire.