Essais cliniques : la France veut autoriser plus rapidement les nouveaux médicaments

La France s’apprête à bouleverser les règles encadrant les essais cliniques afin de rattraper son retard sur les leaders européens. Avec un dispositif fast-track attendu dès 2026, les autorités veulent réduire drastiquement les délais d’autorisation, redynamiser une industrie pharmaceutique en perte d’attractivité et clarifier un parcours réglementaire devenu trop lourd pour les laboratoires.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 21 novembre 2025 7h13
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5%Seuls 5% des essais cliniques mondiaux sont réalisés en France.

Le 20 novembre 2025 marque une inflexion majeure dans la stratégie nationale en matière d’essais cliniques, un domaine où la France ambitionne de reprendre l’avantage malgré une concurrence européenne féroce. Alors que l’ANSM estime que la rapidité d’instruction conditionne désormais le choix des sites de recherche, le gouvernement dévoile une réforme profonde, structurée autour d’un fast-track censé diviser par deux les délais d’autorisation et renforcer l’accès des patients à l’innovation thérapeutique.

Un fast-track pour transformer l’accès aux essais cliniques

Les autorités françaises veulent changer d’échelle en matière d’essais cliniques, un chantier que les acteurs de la recherche pharmaceutique jugent prioritaire. À compter du premier trimestre 2026, un dispositif fast-track s’appliquera aux projets mononationaux afin d’accélérer l’évaluation scientifique et l’avis éthique. Selon l’ANSM, « le délai d’autorisation en fast-track pourra ainsi être de 14 jours si le dossier du promoteur ne soulève pas de question à l’issue de l’évaluation par l’ANSM et le CPP », un calendrier inédit qui rompt avec les 31 jours nécessaires aujourd’hui selon l’agence. Une telle évolution est jugée cruciale par le secteur, car elle permettrait aux promoteurs internationaux de sélectionner plus facilement la France pour l’implantation des phases précoces, devenues essentielles pour renforcer la recherche.

De plus, les pouvoirs publics souhaitent corriger les lenteurs structurelles responsables du décrochage observé depuis dix ans. Lorsque des questions subsistent, le délai maximal en fast-track atteindra 49 jours, alors qu’il grimpe à 106 jours dans la procédure standard. L’ANSM rappelle que « dans un contexte de forte compétition internationale en matière de recherche clinique, la rapidité d’autorisation et de démarrage des essais cliniques constitue un enjeu stratégique majeur ». Cette dynamique s’inscrit ainsi dans une volonté politique de soutenir l’industrie pharmaceutique, particulièrement fragilisée par la complexité administrative, la rareté des sites investigateurs et la perte d’attractivité de l’Hexagone dans la recherche sur les médicaments.

Une réponse aux faiblesses françaises dans la recherche clinique

L’accélération des essais cliniques répond à une inquiétude grandissante : la France recule dans le classement international de la recherche. En 2024, elle ne représentait plus que 5 % des essais mondiaux selon IFIS, alors qu’elle en captait plus de 6,5 % une décennie plus tôt. Cette décroissance reflète les limites d’un modèle réglementaire devenu trop lent au regard des standards européens. IFIS rappelle que « 117 jours : délai moyen d’autorisation d’un essai clinique en France, contre 62 jours en Allemagne », un différentiel qui dissuade les promoteurs d’implanter leurs projets dans l’Hexagone. Ces écarts se répercutent directement sur l’innovation, car un nombre croissant de premiers patients sont traités dans d’autres pays, entraînant un manque d’accès précoce pour les malades français.

La question des délais ne concerne pas uniquement l’autorisation réglementaire, mais aussi la disponibilité des médicaments. Leem souligne qu’il faut en moyenne 523 jours pour qu’un nouveau traitement soit réellement accessible aux patients, une durée largement supérieure à celle observée chez nos voisins. Ce temps perdu constitue un enjeu sanitaire majeur, car il retarde la diffusion des innovations issues des essais cliniques. Par ailleurs, les promoteurs doivent s’inscrire dans le système CTIS depuis 2022, un mécanisme européen qui a uniformisé les procédures mais renforcé la compétition entre États. Dans ce nouveau paysage, l’Hexagone doit démontrer sa capacité à autoriser, accompagner et évaluer plus vite tout en maintenant un niveau d’exigence scientifique élevé.

Une stratégie réglementaire pour rétablir l’attractivité française

Les autorités veulent désormais faire des essais cliniques un levier de souveraineté thérapeutique. L’ANSM, les CPP, la CNRIPH, la CNCP et l’Agence de l’innovation en santé ont travaillé conjointement pour harmoniser les circuits d’instruction et supprimer les redondances administratives. À l’avenir, la procédure fast-track devrait permettre un dialogue anticipé entre l’évaluateur et le promoteur, notamment pour les dossiers complexes. Les autorités espèrent que cette simplification renforcera la confiance des industriels et facilitera la préparation des études, un enjeu central alors que la France ambitionne d’accueillir davantage de phases précoces.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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