Fraude : le vol d’identité inquiète 81% des internautes

À mesure que l’intelligence artificielle s’impose dans le quotidien, la question de la confiance envers les entreprises qui gèrent notre identité numérique devient centrale. L’étude mondiale publiée en 2025 par Ping Identity révèle une fracture grandissante : les internautes utilisent l’IA massivement, mais doutent de la capacité des marques, surtout les grandes, à protéger leurs données personnelles et à garantir la sécurisation de leur identité face aux menaces de fraude et de piratage.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 24 octobre 2025 9h07
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Fraude : le vol d’identité inquiète 81% des internautes - © Economie Matin
68%68 % des répondants affirment utiliser l’intelligence artificielle dans leur vie personnelle ou professionnelle

Réalisée auprès de 10 500 consommateurs répartis dans onze pays, l’enquête annuelle de Ping Identity dresse un constat préoccupant : à l’ère de l’intelligence artificielle, la confiance numérique s’effrite. Seuls 17 % des répondants déclarent accorder une confiance totale aux organisations chargées de la gestion de leur identité et de leurs données personnelles.

L’ère du « trust nothing » : quand la confiance s’effondre face à l’IA

Le rapport parle d’une « ère du doute absolu ». Selon Ping Identity, l’émergence rapide de l’intelligence artificielle et la sophistication des attaques automatisées ont fragilisé le lien entre les internautes et les marques. Si 44 % des personnes interrogées disent avoir une confiance « modérée » envers les entreprises qui gèrent leur identité, plus d’un quart (27 %) reconnaissent ne leur accorder que très peu de confiance, voire aucune. Cette fracture s’exprime surtout à l’égard des grandes marques mondiales : seules 14 % des personnes interrogées déclarent faire confiance aux entreprises globales pour la protection de leurs données, contre 20 % pour les marques locales ou régionales.

Ce scepticisme atteint des niveaux record en France, où à peine 8 % des répondants affirment avoir une confiance totale dans les entreprises qui gèrent leur identité numérique. À l’inverse, les Émirats arabes unis se distinguent : 37 % de leurs habitants déclarent une confiance pleine et entière dans les organisations concernées. Ces disparités géographiques soulignent que la confiance n’est pas seulement une question technologique : elle reflète aussi la perception culturelle de la sécurisation et de la protection des données.

Les menaces de fraude alimentent la méfiance

D’après le rapport, 81 % des personnes interrogées se disent préoccupées par le risque de vol d’identité ou de fraude en ligne. Ce chiffre, stable depuis 2024, confirme que la peur d’être dupé reste un moteur essentiel du comportement numérique. Les inquiétudes sont nombreuses : 39 % des répondants placent l’hameçonnage alimenté par l’IA parmi leurs plus fortes préoccupations, tandis que 27 % s’inquiètent des atteintes à la vie privée causées par des programmes d’IA intrusifs. Les imitations vocales et les deepfakes s’imposent également comme de nouvelles menaces, mentionnées par 24 % et 22 % des sondés.

L’étude révèle aussi une perception très critique des plateformes : 39 % des internautes identifient les réseaux sociaux comme les services les moins dignes de confiance pour la gestion de leur identité. Viennent ensuite les sites de jeux d’argent (32 %) et les commerces en ligne (24 %). Cette hiérarchie des risques montre que la fraude et la perte de données ne sont plus perçues comme marginales, mais comme des menaces quotidiennes. Pour Darryl Jones, vice-président de la stratégie consommateur chez Ping Identity, « nous sommes entrés dans une ère du “trust nothing”, où chaque message, chaque appel et chaque marque doivent regagner la confiance de l’utilisateur ».

L’usage de l’IA explose, mais la confiance s’effrite

L’étude souligne une contradiction saisissante : alors que 68 % des répondants affirment utiliser l’intelligence artificielle dans leur vie personnelle ou professionnelle, cette appropriation ne s’accompagne pas d’une hausse de la confiance. Au contraire, elle accentue la conscience des risques. En 2024, seuls 41 % déclaraient utiliser l’IA ; la progression annuelle de 40 % illustre une diffusion massive, presque inévitable. Or cette exposition accrue entraîne aussi une inquiétude croissante : 75 % des participants se disent aujourd’hui plus préoccupés par la sécurité de leurs données personnelles qu’il y a cinq ans.

L’expérience quotidienne nourrit ce sentiment. De plus en plus d’internautes se rendent compte que les services qu’ils utilisent intègrent déjà des fonctions d’IA, souvent sans qu’ils en soient conscients. Cette omniprésence alimente la peur de perdre le contrôle sur leur identité. Comme le résume Cayla Curtis, directrice de la gestion produit chez Ping Identity, « les consommateurs voient à quel point cette technologie est puissante ; ils comprennent aussi qu’elle peut être utilisée contre eux. »

Vers une nouvelle définition de la confiance numérique

Si les chiffres paraissent sombres, Ping Identity souligne que tout n’est pas perdu. La confiance, même affaiblie, peut être reconstruite. 34 % des personnes interrogées citent l’authentification biométrique comme le facteur le plus susceptible d’accroître leur sentiment de sécurité, devant la double authentification (33 %).

En outre, 73 % des répondants jugent indispensable la mise en place de réglementations publiques pour encadrer l’usage de l’intelligence artificielle et protéger les données liées à l’identité. Moins d’un quart se disent pleinement confiants dans leur capacité à reconnaître les arnaques par eux-mêmes.

Enfin, l’étude note un phénomène culturel : face à la menace, certains internautes se retirent du numérique. 40 % affirment qu’ils abandonneraient les réseaux sociaux, 33 % le commerce en ligne et 28 % les services bancaires numériques plutôt que de risquer le vol d’identité.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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