Fraude dans les transports : Akha jugée illégale par la justice

Une application à succès, une plainte de plusieurs institutions de transport, une condamnation judiciaire : le parcours d’Akha interroge sur les limites de la technologie lorsqu’elle entre en conflit avec la réglementation.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 14 mai 2025 12h13
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130 000L'application comptait 130 000 utilisateurs.

Le 7 mai 2025, selon une information du Figaro, le tribunal judiciaire de Paris a condamné le créateur de l’application Akha. Lancée en début d’année 2024, cette application mobile permettait aux utilisateurs de signaler la présence de contrôleurs dans les transports publics. Ce dispositif, qui avait séduit plus de 130 000 utilisateurs, a rapidement suscité des réactions critiques de la part des autorités de transport et a conduit à une action en justice. Le mot-clé « Akha » est désormais associé à une jurisprudence qui clarifie le cadre légal entourant les outils numériques dans les transports franciliens.

Le fonctionnement d’Akha au cœur de la controverse

Conçue comme une plateforme d’entraide entre usagers des transports publics, l’application Akha proposait une carte interactive alimentée par des signalements communautaires. Trois types d’événements pouvaient être déclarés : des retards, des situations d’insécurité et la présence de contrôleurs RATP ou SNCF. Cette dernière fonctionnalité est celle qui a conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire.

Le code des transports, dans son article L2242-10, interdit explicitement toute diffusion d’informations visant à signaler la présence de contrôleurs. Selon ce texte, ce type de message est passible de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. L’application Akha, en permettant de telles alertes, contrevenait à cette disposition.

Une condamnation judiciaire avec exécution immédiate

Le 7 mai 2025, le tribunal judiciaire de Paris a statué en faveur des parties plaignantes. Le créateur d’Akha, un ingénieur de 26 ans, a été condamné à verser 20 000 euros à Île-de-France Mobilités, 5 720 euros à la RATP et 6 300 euros à la SNCF. La décision est assortie d’une exécution provisoire, obligeant le versement des montants même en cas d’appel.

Cette procédure a été saluée par la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui a déclaré : « Je me félicite de cette sanction car nous mettons en place une politique de tolérance zéro contre la fraude et je n’accepte pas la mise en danger des agents du service public à cause de cette application ». Dès la mi-janvier, la responsable régionale avait saisi Google et Apple pour exiger le retrait de l’application de leurs plateformes, ce qui a été suivi d’effet.

Depuis, l’application Akha a disparu des canaux de téléchargement. Son site internet affiche un message indiquant qu’il a été saisi dans le cadre d’une enquête judiciaire, précisant que les données seront exploitées pour identifier les utilisateurs.

Une application diversement perçue par les usagers

L’affaire Akha a suscité de nombreux débats. Pour certains usagers interrogés, l’outil posait un problème éthique. Soraya, aide-soignante, a ainsi déclaré à France 3 Régions : « Ce n’est pas normal qu’on puisse aider les gens à contourner la loi comme cela ». Pour d’autres, la problématique est plus complexe. Tymelia, étudiante, expliquait aux mêmes confrères : « Akha est une bonne idée pour ceux qui n'ont pas les moyens d’avoir un Passe Navigo. [...] Je peux comprendre que certains l’utilisent pour éviter l’amende. »

Ces témoignages illustrent les tensions qui peuvent exister entre la nécessité de maintenir l’ordre public et les difficultés économiques rencontrées par une partie de la population.

Les institutions et associations défendent la légalité du dispositif de contrôle

Du côté des acteurs institutionnels, le soutien à la plainte a été unanime. La FNAUT Île-de-France, fédération d’usagers, a estimé que « cette application incite à la fraude et à l’illégalité ». Selon l’association Plus de Trains, « tout l’argent perdu à cause de la fraude représente des fonds en moins pour du matériel neuf et du personnel supplémentaire ». Le syndicat FO Sûreté RATP a quant à lui évalué le coût annuel de la fraude à 700 millions d’euros, une somme significative qui pèse sur les budgets publics.

La régie RATP et Île-de-France Mobilités ont toutes deux engagé des actions judiciaires, rappelant que la diffusion d’informations sur les contrôleurs constitue une infraction punie par la loi.

Une jurisprudence qui redéfinit les limites des usages numériques

L’affaire Akha marque une étape importante dans l’encadrement des outils numériques appliqués aux transports publics. La condamnation du créateur de l’application fixe un précédent sur les responsabilités encourues en cas de diffusion d’informations contraires à la loi, même dans un cadre participatif ou communautaire.

La rapidité de la procédure, l’arrestation du développeur par la Brigade de lutte contre la cybercriminalité et la saisie du site internet témoignent de la volonté des institutions de réagir fermement face à des dispositifs perçus comme des menaces pour l’équité dans l’espace public.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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