Les garagistes, les grands oubliés de la transition énergétique

Le 8 décembre 2025, journée mondiale du climat, rappelle l’urgence de repenser l’impact du secteur automobile sur le réchauffement climatique. Pourtant, un maillon essentiel de cette transtion demeure largement ignoré: les garagistes.

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By Alexis Frerejean Published on 12 décembre 2025 4h00
Les garagistes, les grands oubliés de la transition énergétique - © Economie Matin
77%77 % des Français sont prêts à utiliser une pièce de réemploi

Depuis plus d’un siècle, ces artisans prolongent la vie de nos véhicules, optimisent leurs performances et incarnent, bien avant l’heure, une économie véritablement circulaire. En réparant plutôt qu’en remplaçant, en entretenant plutôt qu’en produisant, ils ont permis à des millions d’automobilistes de réduire leur empreinte carbone sans même le savoir — alors que près de la moitié du carbone émis par une voiture provient de sa fabrication.

Réparer, c’est rendre utile plus longtemps. Et c’est là que commence la sobriété: une action quotidienne, humaine, concrète, portée par des femmes et des hommes qui font vivre la mobilité durable dans chaque territoire.

Pourtant, cette transition se construit aujourd’hui sans eux. L’électrification du parc automobile et l’essor des pièces de réemploi portent des opportunités majeures… mais aussi un risque réel d’exclusion.

Ne pas sacrifier les garagistes sur l’autel de l’électrique

L’électrification est indispensable. Mais elle ne suffira pas à rendre la mobilité durable si elle s’accompagne d’un verrouillage technologique croissant: brevets restrictifs, logiciels propriétaires, données indisponibles, batteries conçues pour être remplacées plutôt que réparées.

Le risque est clair: celui d’une mobilité jetable. Des véhicules électriques impossibles à réparer deviendraient les nouveaux smartphones de la route — performants, mais éphémères. Une voiture déjà chère à l’achat, mais non réparable; innovante, mais dépendante d’un écosystème fermé. Ce scénario signerait la fin d’un siècle de savoir-faire et d’autonomie pour les réparateurs indépendants.

Sacrifier les garagistes, c’est affaiblir la résilience des territoires, renoncer à la réparabilité et compromettre la durabilité même de la filière automobile. L’Europe, qui se veut championne de la concurrence et du marché libre, doit inscrire la réparabilité automobile au cœur de sa stratégie industrielle et environnementale.

Aujourd’hui, une transition électrique trop réglementée risque au contraire de concentrer l’entretien entre les mains des constructeurs, au détriment d’une concurrence saine et de la capacité des ménages à faire entretenir leurs véhicules.

La pièce de réemploi, le triple gagnant de la transition

Face à cet horizon incertain, la pièce de réemploi montre la voie d’une transition à la fois réaliste, bénéfique et immédiatement opérationnelle.

Encore marginale — seulement 5 % des réparations en France — elle pourrait réduire de 30 à 40 % les émissions liées à la maintenance automobile, selon l’ADEME. C’est un triple bénéfice: plus, abordable pour le client, plus rentable pour le garagiste, et nettement plus vertueux pour la planète[1].

Mais pour en faire un pilier industriel, il faut lever les freins qui entravent son essor: accès limité aux stocks, manque d’informations techniques, garanties insuffisantes, logistique encore fragile. Pourtant, selon le dernier barometre OPISTO, 77 % des Français sont prêts à utiliser une pièce de réemploi, un chiffre en hausse de 11 points en un an[2]. La demande est là. La solution aussi. Il ne manque qu’une impulsion politique claire.

Utiliser une pièce reconditionnée, c’est réduire l’empreinte carbone, économiser la matière première, éviter un transport inutile — tout en soutenant un tissu d’entreprises locales. C’est l’écologie du bon sens.

Au cœur des ateliers, la décarbonation silencieuse

Reconnaître la place centrale de l’entretien dans la décarbonation, c’est refuser une vision de la durabilité qui se réduit à produire du neuf et à multiplier les bornes de recharge. La transition ne se joue pas seulement dans les usines: elle se joue d’abord dans les ateliers qui font durer nos voitures.

Depuis la crise du Covid, les immatriculations neuves ont chuté et le parc automobile vieillit à un rythme inédit : son âge moyen a augmenté de 2,5 ans en 14 ans[3]. Ce parc vieillissant aura besoin d’être entretenu — alors même que les équipementiers désinvestissent dans les pièces destinées aux anciens modèles et que la réparation indépendante se trouve fragilisée.

Faire de la réparation le moteur de la transition, c’est redonner du sens à la politique industrielle. C’est reconnaître celles et ceux qui la rendent possible: les garagistes, les distributeurs de pièces, les acteurs de proximité qui incarnent depuis 120 ans la première cleantech de France.

La mobilité décarbonée ne se construira pas uniquement dans les laboratoires et les gigafactories. Elle se construira, comme toujours, dans les ateliers qui prolongent la vie de nos véhicules. Là se trouve le véritable moteur de la transition écologique: réparabilité, proximité, responsabilité.

Il est temps’ que la puissance publique le reconnaisse, en garantissant le droit à réparer, en ouvrant les données techniques, en soutenant les pièces de réemploi et en permettant aux indépendants de continuer à jouer leur rôle. Sans eux, la transition restera un slogan. Avec eux, elle devient une réalité.

[1] https://librairie.ademe.fr/economie-circulaire-et-dechets/6779-feuille-de-route-2024-de-l-observatoire-du-reemploi-et-de-la-reutilisation.html

https://www.opisto.fr/fr/entreprise/la-piece-de-reemploi-plebiscitee-par-1-francais-sur-7/?srsltid=AfmBOorGHwiCVvkwCxiEgdDGh-dthwLlyyhmUcjlhqWREC_y_35Qpsx1

3 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-sur-le-parc-automobile-francais-au-1er-janvier-2025

Afrerejean

cofondateur et CEO de Vroomly.

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