Sécurité sociale : les 7 heures de travail de retour ?

En ce début d’année 2025, le gouvernement français relance une proposition qui suscite de vifs débats : obliger les salariés à effectuer sept heures de travail gratuit par an. Présentée comme une solution pour combler le déficit de la Sécurité sociale, cette idée divise profondément la classe politique, les syndicats et l’opinion publique.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 20 janvier 2025 à 6h20
Le gouvernement veut à nouveau vous faire travailler 7 heures gratuitement
Le gouvernement veut à nouveau vous faire travailler 7 heures gratuitement - © Economie Matin
0,4%Le salaire moyen par tête (SMPT) a augmenté de 0,4 % au deuxième trimestre 2024

L’idée n’est pas nouvelle, mais elle avait été mise en suspens. Mais grâce à l’absence de censure du gouvernement de François Bayrou après son discours de politique générale et l’absence de demande de confiance au Parlement, il ens erait à nouveau question selon les informations du Journal du Dimanche qui a publié, le 19 janvier 2025, un entretien avec Catherine Vautrin, ministre de la Santé.

Travail gratuit : Une mesure déjà évoquée en 2024

En novembre 2024, cette proposition avait été introduite dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Inspirée par des sénateurs centristes et de droite, cette idée visait à instaurer une « contribution de solidarité par le travail ». Concrètement, chaque salarié, du secteur privé comme public, devait consacrer sept heures de son temps chaque année sans rémunération supplémentaire. Selon les projections avancées, cette mesure aurait permis de générer environ deux milliards d’euros dès sa première année de mise en œuvre.

Le principe est déjà appliqué, par ailleurs, avec la Journée de Solidarité qui coûte chaque année une journée de travail aux salariés français. Avec cette nouvelle mesure, si elle est adoptée, ce seront en tout deux jours entiers de travail que les salariés verseront à l’État.

Cependant, face à une vive opposition, le projet avait été temporairement retiré. Michel Barnier, alors Premier ministre, avait exprimé des réserves, évoquant une mesure « complexe à mettre en œuvre » et craignant ses conséquences sur le pouvoir d’achat des Français. L'idée semblait enterrée, notamment avec la censure du gouvernement Barnier, mais elle réapparaît aujourd’hui sous l’impulsion du gouvernement dirigé par François Bayrou, alors que le déficit de la Sécurité sociale continue de se creuser.

Financer la Sécurité sociale par le travail gratuit des Français ?

Avec un déficit estimé à plusieurs milliards d’euros, la Sécurité sociale française fait face à une crise sans précédent. Les dépenses liées au vieillissement de la population, notamment pour les retraites et la prise en charge de la dépendance, explosent. Les recettes traditionnelles, basées sur les cotisations salariales, peinent à suivre cette progression.

C’est dans ce contexte que François Bayrou a repris l’idée des sept heures de travail gratuit, la qualifiant de « geste symbolique mais nécessaire ». Selon Catherine Vautrin, ministre du Travail et de la Santé, cette mesure s’inscrirait dans une réforme plus large visant à pérenniser le système social français. « C’est une piste qui pourrait générer deux milliards d’euros en 2025, et qui permettrait de renforcer le financement de la branche autonomie. »

De plus, en doublant la contribution de solidarité des employeurs de 0,3 % à 0,6 %, le gouvernement espère dégager des fonds supplémentaires tout en impliquant directement les salariés dans l’effort collectif.

Travail gratuit : une application « flexible » et des réactions hostiles

Le gouvernement défend une application « souple » de la mesure. Chaque entreprise pourrait choisir comment répartir ces sept heures : une journée complète, plusieurs plages horaires réparties sur l’année, ou encore 1 heure 40 par mois. Cette flexibilité, vantée comme un atout, n’a pas suffi à apaiser les tensions. « Les sénateurs, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qu’ils ont voté, proposent de travailler sept heures de plus dans l’année, soit dix minutes de plus chaque semaine », a rappelé Catherine Vautrin dans le JDD.

Les syndicats dénoncent unanimement une « atteinte grave aux droits des travailleurs ». La CGT qualifie cette proposition de « travail forcé déguisé », tandis que la CFDT y voit un « signal dangereux » qui pourrait ouvrir la voie à d’autres mesures similaires. À gauche, la France Insoumise parle d’une « scandaleuse exploitation des salariés », et le Parti Socialiste ironise sur une possible remise en cause des 35 heures.

À droite, les avis sont partagés. Certains sénateurs Les Républicains soutiennent l’initiative, estimant qu’elle est un mal nécessaire pour préserver le modèle social français. D’autres, en revanche, craignent qu’elle n’aggrave le climat social et réduise la compétitivité des entreprises françaises. François Bayrou, conscient des critiques, a promis de respecter le débat parlementaire et de consulter largement avant toute décision finale.

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Mais quand est-ce que les Français devront-ils travailler gratuitement ?

Le Parlement se prépare à des discussions houleuses autour de cette proposition. Si elle est adoptée, les premières heures « gratuites » pourraient être exigées dès l’été 2025. Mais le gouvernement devra d’abord convaincre une majorité de députés et surmonter l’opposition d’une partie de sa propre coalition.

Cette mesure, aussi symbolique soit-elle, soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre solidarité nationale et droits individuels. Les opposants dénoncent une charge supplémentaire pour les salariés, déjà confrontés à l’inflation et à la stagnation des salaires. Les partisans, eux, rappellent que le financement des systèmes sociaux repose sur un effort collectif, et que des solutions drastiques sont nécessaires pour éviter leur effondrement.

Une proposition symptomatique d’un débat plus large sur le financement de la Sécurité sociale

Au-delà des sept heures de travail gratuit, ce projet illustre les tensions autour du modèle social français. Les défis liés au vieillissement, à la transition écologique et aux transformations du marché du travail exigent des réformes profondes. Le gouvernement semble déterminé à agir, mais le chemin s’annonce semé d’embûches.

Que cette mesure soit adoptée ou non, elle aura au moins eu le mérite de relancer un débat sur l’avenir de la Sécurité sociale et son financement. Mais au prix de quelles divisions ?

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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