À travers un changement discret mais stratégique, la famille Dassault a modifié l’été dernier les statuts de sa holding. Ce geste apparemment technique pourrait réduire considérablement ses impôts, en révélant les subtilités d’un montage fiscal sophistiqué qui alimente le débat sur l’optimisation fiscale des grandes fortunes en France.
Le montage fiscal de la famille Dassault pour échapper à l’impôt

Le 23 juin 2025, la holding familiale Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD) a adopté une transformation juridique déterminante. Désormais considérée comme holding animatrice, elle bénéficie d’un traitement fiscal avantageux, selon Le Monde qui dévoile l’information.
Dassault Systèmes : la mutation statutaire et ses avantages fiscaux
Lors de son assemblée générale mixte du 23 juin, le GIMD a modifié l’article 2 de ses statuts. Outre ses missions traditionnelles, comme la gestion d’un portefeuille d’actifs, il s’est vu attribuer le rôle d’« animation stratégique, administrative et financière » de ses filiales. Ce changement confère au GIMD le statut officiel de holding animatrice, explique Le Monde.
Cette requalification ouvre deux avantages majeurs. Premièrement, les biens immobiliers détenus par une telle structure deviennent des « actifs professionnels ». Ils sont ainsi exonérés de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), contrairement aux actifs d’une holding passive, toujours imposables.
Deuxièmement, la holding animatrice accède au pacte Dutreil, un dispositif qui allège les transmissions en exonérant 75 % de la valeur des titres donnés ou hérités. Pour une famille comme les Dassault, dont chaque participation (66 % de Dassault Aviation et 40 % de Dassault Systèmes), l’économie d’impôt se chiffre en milliards.
Un montage fiscal légal mais strictement encadré
Le recours à une holding animatrice n’a rien d’illégal. C’est une stratégie d’optimisation fiscale utilisée par plusieurs grandes fortunes françaises. Cependant, elle ne repose pas seulement sur un changement statutaire. Comme l’explique l’avocat fiscaliste Yoann Chemama interrogé par Le Monde : « ce dispositif est courant mais il est extrêmement contraignant et ses conditions d’application sont strictes et vérifiées par l’administration fiscale ».
En pratique, le fisc exige des preuves concrètes : conventions de services, organes de gouvernance, moyens humains et matériels. Si la holding ne démontre pas une animation réelle de ses filiales, le statut peut être remis en cause. La jurisprudence de la Cour de cassation rappelle que seule une activité effective d’animation justifie l’exonération. En cas d’échec, le redressement fiscal est immédiat, souligne FranceTransactions.com.
Cette vigilance s’applique aussi au pacte Dutreil. Pour conserver l’avantage, la société doit poursuivre son activité durant l’intégralité des engagements de conservation, soit six ans en moyenne. Tout manquement entraîne la perte du bénéfice fiscal et le paiement rétroactif des droits.
Une optimisation au cœur du débat sur l’impôt en France
L’affaire Dassault illustre parfaitement la frontière ténue entre planification fiscale et privilège contesté. En activant le pacte Dutreil, la famille se prépare à transmettre des actifs colossaux à moindre coût. Pour certains observateurs, il s’agit d’un exemple criant de niche fiscale. Ainsi, le pacte Dutreil a déjà été qualifié de « niche des ultrariches » en raison de son abattement massif de 75 % sur les transmissions patrimoniales. Si l’administration fiscale confirme la légitimité de ce montage, la holding familiale bénéficiera d’une exonération d’impôts considérable.
