Alors que l’IA bouleverse l’organisation du travail, un nouveau rapport du British Standards Institution (BSI) révèle qu’un nombre croissant d’entreprises comptent remplacer les postes de début de carrière par des systèmes automatisés. En Europe comme ailleurs, cette transition inquiète les jeunes diplômés et rebat les cartes de l’emploi.
40% des entreprises vont passer à l’IA plutôt que d’embaucher des jeunes

L’IA, désormais premier réflexe des employeurs
C'est un chiffre qui a de quoi faire froid dans le dos : plus de 40% des entreprises prévoient de combler les postes juniors grâce à l’IA, révèle la British Standards Institution (BSI) dans une nouvelle étude. En effet, en moyenne mondiale, 41% des dirigeants interrogés affirment que « l’IA permet désormais des réductions d’effectifs ». Et 31% déclarent examiner d’abord une solution d’automatisation avant de lancer un recrutement humain. Ces chiffres illustrent un basculement rapide des stratégies RH vers la technologie.
En Europe, la tendance est tout aussi marquée. 43% des dirigeants britanniques s’attendent à réduire les postes de début de carrière dans les douze mois à venir, considérant que l’automatisation offre une alternative plus rentable. Le phénomène touche particulièrement les grandes entreprises : ainsi, la moitié des grands groupes ont déjà supprimé certains rôles juniors, contre 30% des PME. Pour les auteurs du rapport, cette dynamique montre à quel point « les travailleurs en début de carrière sont les plus exposés » aux effets de l’IA.
Les services, la finance et les technologies, les trois secteurs les plus exposés à l'IA
Ce basculement vers l’IA ne relève plus de la spéculation. Il traduit une logique d’automatisation massive au cœur des politiques de productivité. Dans les documents stratégiques d’entreprise, le mot « automatisation » apparaît sept fois plus souvent que « montée en compétences » ou « formation continue ». Cette domination lexicale illustre un déséquilibre : les dirigeants privilégient la rationalisation des effectifs à la formation des salariés.
L'étude de BSI nous apprend par ailleurs que 39% des entreprises ont déjà réduit des postes de début de carrière sous l’effet de l’IA. De plus, 43% prévoient d’accroître ces suppressions dans l’année, ce qui dessine une perspective inquiétante pour les jeunes diplômés. On y lit aussi que 62% des décideurs augmenteront leurs investissements en IA au cours des douze prochains mois, et que 59% la considèrent comme « cruciale » pour leur croissance. Autrement dit, loin d’être un simple outil d’aide, l’IA devient un pilier stratégique des plans de développement.
L’impact s’étend à l’ensemble des continents. Dans les pays industrialisés — Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis ou Japon —, les entreprises de services, de finance et de technologies figurent parmi les premières à confier à l’IA les tâches de support ou d’analyse autrefois confiées à de jeunes recrues. Cette logique gagne aussi les fonctions administratives et marketing, où les logiciels de génération automatique de contenus remplacent déjà les stagiaires et assistants.
Jeunes diplômés : un début de carrière sous tension
Pour les jeunes diplômés, cette évolution du marché de l’emploi impose une équation nouvelle : comment démarrer une carrière quand les postes pour débutants En quête d’efficacité, les entreprises réservent désormais la majorité de leurs budgets de recrutement à des profils plus expérimentés capables de superviser les outils d’automatisation. Résultat : les emplois de début de carrière se raréfient, rendant plus difficile l’acquisition de premières compétences professionnelles.
Cette transformation crée un paradoxe. Alors que l’IA est censée libérer du temps pour les tâches à forte valeur ajoutée, elle ferme la porte d’accès au marché du travail pour ceux qui n’ont pas encore d’expérience. Les experts de BSI appellent les gouvernements et les entreprises à repenser leurs programmes de formation, afin de préserver un équilibre entre innovation et inclusion professionnelle.
Une fracture mondiale entre compétences et technologie
Au-delà du marché européen, les données de BSI montrent que la fracture entre pays se creuse. Dans les économies avancées, l’IA est perçue comme un levier d’optimisation, tandis que dans les pays émergents, elle reste un outil complémentaire. L’étude observe que près de deux entreprises sur trois dans le monde investissent désormais dans des solutions d’automatisation, souvent sans plan clair de reconversion pour les salariés concernés. Cette absence de stratégie d’accompagnement amplifie les craintes de déclassement, en particulier parmi les jeunes diplômés.
Les organisations qui réussissent cette transition sont celles qui associent innovation technologique et politiques de développement des compétences. À défaut, les risques sociaux augmentent : perte de motivation, sentiment d’exclusion et creusement du fossé entre les travailleurs qualifiés en IA et ceux qui peinent à s’adapter. Pourtant, les mêmes experts rappellent qu’une intégration éthique de l’IA pourrait créer de nouvelles fonctions : maintenance des modèles, contrôle des biais, ou supervision des algorithmes — autant d’opportunités encore sous-exploitées.
