ISR : entre désillusion et renouveau, pourquoi la décollecte s’accélère

L’investissement socialement responsable (ISR) a longtemps été présenté comme un investissement promettant à la fois rendement et impact positif sur l’environnement et la société. Il a suscité un enthousiasme inédit auprès des investisseurs particuliers et institutionnels.

Edmond Schaff
By Edmont Schaff Published on 6 octobre 2025 5h00
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ISR : entre désillusion et renouveau, pourquoi la décollecte s’accélère - © Economie Matin
4500 MILLIARDS €L'ISR pèse plus de 4.500 milliards d'euros d'actifs.
Entre 2018 et 2021, les flux vers les fonds ISR ont atteint des niveaux record, portés par une conscience écologique et sociétale en pleine expansion. Pourtant, à l’aube de cette décennie, un phénomène paradoxal se dessine : la décollecte. Les investisseurs retirent massivement leurs capitaux, et ce mouvement ne doit rien au hasard.
La première raison de cette décollecte réside dans la performance décevante de nombreux fonds ISR. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas l’ISR en tant que concept qui est en cause, mais sa mise en œuvre. Trop souvent, l’approche adoptée est “jusqu’au-boutiste” : elle consiste à exclure de manière stricte toute entreprise ne répondant pas parfaitement aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Le résultat est logique mais redoutable : des portefeuilles concentrés sur un nombre limité de valeurs, exposés à des risques sectoriels et géographiques élevés.
Lorsque la diversification, pilier fondamental de toute gestion de portefeuille, est sacrifiée au nom de l’idéalisme ESG, la volatilité explose. Les performances, inévitablement, deviennent moins prévisibles. Et face à des rendements qui peinent à suivre ceux des indices classiques, les investisseurs se détournent. La décollecte actuelle n’est donc pas un rejet de l’ISR, mais un avertissement clair : l’excès de dogmatisme nuit à la crédibilité de cet investissement.
Il existe pourtant une voie intermédiaire, permettant de concilier responsabilité et performance. L’ISR ne doit pas être réduit à une liste d’exclusions, ni à une obligation morale stricte. Il peut être intégré dans une approche de gestion moderne, où l’impact ESG coexiste avec la diversification et le contrôle du risque. Dans cette approche, les critères environnementaux et sociaux deviennent des facteurs d’analyse et de construction de portefeuille, plutôt que des filtres limitatifs. Cela permet de composer des portefeuilles à la fois responsables, diversifiés et résilients face aux fluctuations du marché.
Historiquement, l’ISR a souffert d’une perception trop simpliste : “responsable = faible rendement”. Cette vision est désormais obsolète. Les investisseurs et les professionnels de la finance ont appris que la performance et l’impact ne sont pas incompatibles, mais qu’ils nécessitent une approche rigoureuse et structurée. La vraie révolution de l’ISR passe par la discipline et l’ingénierie financière, plutôt que par le zèle éthique pur.
La décollecte actuelle est également révélatrice d’une attente accrue des investisseurs : ils exigent désormais de la transparence, des méthodes claires et une véritable maîtrise des risques. Les fonds ISR qui échouent à convaincre ne sont pas ceux qui sont “responsables” par nature, mais ceux qui appliquent l’ISR comme un simple label, sans réflexion stratégique sur la construction du portefeuille.
Pour redonner confiance, il est indispensable de repenser le modèle. L’ISR doit intégrer la diversification comme principe fondamental, considérer l’impact comme un facteur parmi d’autres et adopter une approche systématique dans le choix des actifs. La performance doit être évaluée sur le long terme, et les investisseurs doivent comprendre que la responsabilité ne s’exprime pas seulement par l’exclusion d’entreprises, mais aussi par la capacité à générer un impact positif durable sans compromettre la solidité financière.
La question n’est donc pas de savoir si l’ISR fonctionne, mais comment le mettre en œuvre correctement. Les prochaines années seront déterminantes : l’ISR doit prouver qu’il peut être à la fois responsable, performant et crédible. Si cette convergence est atteinte, il cessera d’être perçu comme un simple effet de mode et retrouvera sa place légitime dans les portefeuilles des investisseurs soucieux d’impact et de performance.
En somme, la décollecte actuelle n’est pas un échec, mais un appel à la maturité. L’ISR doit évoluer pour passer d’une logique de conformité à une véritable logique de performance responsable. Ceux qui sauront relever ce défi permettront à l’investissement responsable de tenir sa promesse : améliorer le monde tout en préservant le capital.
Edmond Schaff

Gérant de portefeuilles chez Sanso Longchamp AM

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