La revente d’un logement, une affaire de timing

Le dernier baromètre SeLoger–Meilleurs Agents d’octobre 2025 dresse un constat nuancé sur la revente de logement en France. Alors que le prix moyen national affiche une timide hausse de 0,1 %, les écarts se creusent entre les propriétaires ayant acheté avant 2020, souvent gagnants, et les acquéreurs récents, parfois bloqués par la baisse des prix et la remontée des taux.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 14 octobre 2025 14h26
La Revente Dun Logement Une Affaire De Timing
La revente d’un logement, une affaire de timing - © Economie Matin

Un marché du logement en convalescence

Après deux années de corrections successives, le marché du logement français semble retrouver un fragile équilibre. Selon SeLoger et Meilleurs Agents, le prix moyen atteint 3 129 € le mètre carré en octobre 2025, soit une hausse mensuelle de +0,1 % et une progression annuelle de +1,1 %. Une embellie symbolique, mais qui masque d’importantes disparités régionales. Les zones rurales enregistrent une légère baisse (-0,1 %), tandis que les grandes métropoles se stabilisent ou amorcent un rebond.

Ainsi, Nice (+0,8 %), Toulouse (+0,8 %), Bordeaux (+0,7 %) et Montpellier (+0,7 %) figurent parmi les locomotives du marché, quand Paris (0 %), Nantes (-0,3 %) ou Lille (-0,4 %) stagnent ou reculent. Le marché de la capitale illustre à lui seul cette phase de digestion : 9 670 € le m², inchangé depuis un mois, après un recul de -11,7 % depuis 2020. Pour les propriétaires, le signal est clair : la revente d’un logement dépend aujourd’hui plus que jamais du moment et du lieu d’achat.

Acheter avant 2020 : le jackpot patrimonial

Les propriétaires ayant investi dans leur logement avant la crise sanitaire bénéficient d’un véritable effet de levier. Selon le baromètre, leurs patrimoines nets dépassent largement l’apport initial de 30 000 € simulé dans l’étude. Le temps, conjugué à la hausse des prix sur la période 2015-2020, a joué son rôle d’« accélérateur ». « Les mensualités de crédit ont permis de constituer du capital, tandis que l’envolée des prix dans de nombreuses villes a amplifié le gain », souligne le baromètre SeLoger–Meilleurs Agents.

Les exemples parlent d’eux-mêmes : à Calais, un achat réalisé en 2015 affiche en 2025 un patrimoine net de 272 853 €, soit +242 853 € par rapport à l’apport initial. Brest (246 821 €) et Angers (223 616 €) enregistrent également des plus-values spectaculaires. Ces hausses traduisent la solidité du marché sur dix ans, où le remboursement du prêt s’ajoute à la valorisation du bien. Les ménages ayant acheté avant 2020 ressortent donc renforcés, leur logement devenant un véritable moteur patrimonial.

Acheter après 2020 : la double peine pour certains

Le scénario est tout autre pour les acheteurs récents. Dans plus de 8 grandes villes sur 10, le patrimoine net reste inférieur à l’apport de départ. Les prix des logements ont reculé dans 37 des 50 plus grandes villes françaises, un mouvement amplifié par des taux d’intérêt toujours élevés. L’effet mécanique est brutal : la baisse des prix efface le capital remboursé pendant les premières années du crédit.

La directrice des études économiques de SeLoger & Meilleurs Agents, Barbara Castillo Rico, résume la situation : « Le patrimoine immobilier ne s’évalue pas au mois près : il se construit sur plusieurs années. Après trois ans de correction, nous observons que la dynamique change déjà. » Mais dans certaines villes, la « double peine » reste d’actualité. À Limoges (-7,2 %), Bourges (-6,8 %), Rennes (-5,9 %) ou Grenoble (-4,7 %), la valeur de revente d'un logement ne couvre même plus le capital restant dû. Les ménages concernés doivent ajouter de l’épargne pour solder leur prêt. Dans Paris, Lyon, Villeurbanne et Nantes, les pertes de valeur cumulées depuis 2020 atteignent entre -4,4 % et -11,7 %, effaçant les efforts de remboursement.

Les villes gagnantes : Brest et Le Mans en tête

La photographie du marché 2025 révèle aussi des contrastes frappants. Certaines communes offrent un véritable effet de rattrapage. En deux ans seulement, un acheteur du Mans ayant acquis son bien en 2023 dispose d’un patrimoine net de 46 095 €, soit bien plus que son apport initial. À Brest, le chiffre atteint 39 403 € pour une acquisition en 2023. Ces deux villes se distinguent par une hausse continue des prix (+10,9 % au Mans et +9,3 % à Brest) depuis 2022, soutenue par un marché actif et des prix encore accessibles.

Selon l’étude, seules 16 % des villes permettent de reconstituer l’apport en deux à trois ans. La majorité (51 %) requiert quatre années, et un tiers (33 %) jusqu’à six ans pour repasser dans le vert. Cette hétérogénéité reflète la géographie à deux vitesses de l’immobilier français : d’un côté, des marchés détendus où les cycles sont rapides ; de l’autre, des métropoles survalorisées où les corrections se prolongent. À l’horizon 2026, les économistes de SeLoger anticipent toutefois une reprise plus franche, portée par un assouplissement progressif du crédit et la normalisation des taux.

Revendre aujourd’hui : un arbitrage stratégique

Pour les ménages, la revente d’un logement en 2025 se résume à un arbitrage entre temps, localisation et conditions de financement. Dans un marché qui « avance au ralenti, entre opportunités et attentisme », comme le résume le rapport, l’enjeu n’est pas seulement de vendre, mais de le faire au bon moment. Les propriétaires ayant acheté avant 2020 peuvent espérer une plus-value nette, tandis que ceux entrés plus récemment sur le marché doivent parfois patienter plusieurs années avant de retrouver leur mise de départ.

La leçon principale du baromètre d’octobre : le logement reste un actif de long terme. Malgré les à-coups conjoncturels, le capital se reconstitue avec le temps, à condition de ne pas céder à la précipitation. Le marché hexagonal, encore freiné par les taux, conserve une inertie propre ; mais derrière la lenteur apparente, les signaux de reprise s’accumulent, dessinant une trajectoire plus claire à l’approche de 2026.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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