La livraison du courrier et des colis dans les villes se met au vert

Fin janvier 2024, les Bruxellois un peu observateurs ont peut-être remarqué un certain changement au niveau des services postaux. En effet, ceux-ci ont commencé à distribuer le courrier à l’aide d’un véhicule électrique équipé d'un espace de stockage amovible.

Cette initiative de Bpost s’inscrit dans un projet de recherche financé par l'UE qui a pour but d’améliorer la vie urbaine en Europe en rendant le transport routier plus propre et en réduisant les embouteillages. Intitulé URBANIZED, le projet a débuté en janvier 2021 et se poursuivra jusqu'en juin 2024.

Nouvelles livraisons

Réunissant des représentants de l'industrie, de la recherche et des universités de sept pays de l'UE, le projet URBANIZED a développé un véhicule entièrement électrique adapté à la fourniture de services postaux, de vente, etc. en milieu urbain.

Fabriqué par Alkè à Padoue, en Italie, le véhicule ressemble à un fourgon ou à une camionnette de déménagement dont l'espace de stockage amovible est équipé de portes enroulables sur trois côtés. Les portes couvrent presque toute la surface des côtés afin de faciliter l’accès à l’espace de stockage.

Sans ce compartiment, le véhicule mesure 4,2 mètres de long, près de 1,4 mètre de large et quelque 2 mètres de haut. Il a une autonomie de 200 kilomètres et est équipé d’une batterie embarquée qui se recharge en six heures.

«L'intention initiale est de soumettre le prototype à des tests poussés en conditions réelles», a déclaré Chris Deweirt, chef de projet chez Bpost.

Les livraisons dites du «dernier kilomètre» effectuées par des entreprises telles que Bpost représentent 30 % de l'ensemble du trafic urbain. Cette part grimpe à 80 % aux heures de pointe.

Avec la montée en flèche des achats en ligne, les colis sont transportés des entrepôts jusqu'à la porte des particuliers par camions, fourgons et motos. En conséquence, les villes sont de plus en plus polluées et embouteillées.

De l’importance de la modularité

L’une des principales difficultés est de faire en sorte qu’un seul véhicule puisse assurer deux services, un concept appelé «modularisation».

Ainsi, par exemple, un véhicule peut être utilisé le matin pour distribuer le courrier, puis être démonté et équipé, par exemple, d'un réfrigérateur pour livrer de nourriture l'après-midi.

La modularisation contribuerait à compenser le coût relativement élevé des batteries utilisées dans le transport routier, rendant ainsi les livraisons par véhicule électrique plus intéressantes sur le plan commercial.

«Ce qui coûte très cher, c'est le système de batterie», a déclaré Salvador Ruiz, à la tête du projet URBANIZED et chef de projet chez Applus IDIADA, une société espagnole de génie automobile.

Selon lui, disposer d’un véhicule doté d’espaces de stockage interchangeables peut diviser les coûts par deux.

Le projet encourage l’utilisation de véhicules utilitaires légers électriques à la fois adaptables et facilement échangeables.

Le prototype testé par Bpost va dans ce sens.

L'objectif général du projet URBANIZED est de concevoir un petit véhicule électrique modulaire adapté au transport urbain de marchandises. Ces véhicules seraient spécialement conçus pour améliorer les opérations par rapport aux véhicules actuels de tous types utilisés pour la livraison «au dernier kilomètre».

Réduction des émissions et des coûts

M. Ruiz a déclaré que les véhicules électriques modulaires utilisés pour le transport urbain de marchandises pourraient réduire les émissions totales de dioxyde de carbone (CO₂) du transport routier d'au moins 3 %.

Et, selon l’équipe du projet, les solutions proposées par URBANIZED, si elles étaient appliquées au niveau de la flotte, pourraient rendre les livraisons au moins 51 % plus abordables qu'avec une flotte de véhicules électriques standard.

Le dernier kilomètre représente 15 à 25 % de tous les kilomètres parcourus au moyen d’un véhicule, d’après M. Ruiz. Il a aussi déclaré que le fret contribue à hauteur de 20 à 40 % aux émissions de CO₂ dues au transport urbain, le principal gaz à effet de serre responsable du changement climatique.

L’UE cherche à devenir neutre pour le climat d’ici à 2050. Pour atteindre plus facilement cet objectif, elle a accepté d’interdire dès 2035 la vente de véhicules automobiles et utilitaires neufs fonctionnant à l’essence ou au diesel.

«L’adoption de véhicules utilitaires légers électriques, et plus particulièrement du véhicule du projet URBANIZED, aiderait l’Europe à réduire ses émissions de carbone», a déclaré M. Ruiz.

Essais en cours

L’expérimentation de Bpost devrait durer un mois, se concentrer sur son centre postal de Bruxelles et porter sur plusieurs tournées quotidiennes effectuées dans différentes communes.

Le véhicule, baptisé ASTRID, est utilisé dans sept des 182 tournées effectuées dans des centres-villes, dont ceux d’Ixelles, Saint-Gilles et Uccle. Bpost a déclaré que l’essai n’avait mis en évidence aucun problème majeur à ce jour.

Si l’initiative concerne actuellement le système logistique de Bruxelles, l'entreprise réfléchit à la possibilité de déployer le prototype URBANIZED plus largement en Belgique.

«Tout naturellement, Bpost souhaite aussi vérifier si l’utilisation de ce type de véhicule constitue une option appropriée à long terme pour la livraison du courrier et des colis», a déclaré M. Deweirt.

Vélos utilitaires

Pendant que Bpost teste le prototype d’URBANIZED à Bruxelles, la société allemande ONOMOTION développe un véhicule électrique qui combine la souplesse du vélo et la durabilité d’une camionnette.

Ce transporteur à pédalage assisté est le croisement entre un vélo et une petite voiture. Étroit et épuré, le vélo cargo électrique est équipé d’une cabine entièrement couverte qui protège des intempéries.

Il a fait l’objet d’essais dans le cadre d'un projet de recherche financé par l'UE et dirigé par ONOMOTION. Intitulé ONO, le projet a duré deux ans jusqu'en juillet 2022 et a mis en évidence l’attachement de l’UE à soutenir les nouvelles entreprises qui contribuent à rendre l'économie plus verte et qui créent des emplois.

Le vélo cargo a pour vocation d’améliorer la livraison de courrier et de colis ainsi que la livraison express en centre-ville en offrant une option adaptable et respectueuse de l'environnement pour les livraisons au dernier kilomètre.

«Nous avons déterminé qu’il était primordial d’améliorer le domaine logistique de la livraison au dernier kilomètre», a déclaré Beres Seelbach, co-fondateur d'ONOMOTION. «Il s’agit souvent de la partie la plus délicate et la plus coûteuse du processus de livraison.»

Bien que le vélo cargo soit prêt à être mis sur le marché, l’entreprise fait le nécessaire pour réduire les coûts associés et faciliter son entretien et sa maintenance.

La Chine comme source d’inspiration

M. Seelbach a eu l'idée de ce véhicule en 2004, lorsqu’il faisait ses études à Chengdu, dans l'ouest de la Chine. Dans la quatrième plus grande ville chinoise, il a constaté l’omniprésence et les avantages des solutions de mobilité électrique et s’est demandé pourquoi il en existait relativement peu dans son Allemagne natale.

De retour de Chine, il a monté sa propre entreprise de véhicules électriques en 2009. Il a ensuite fondé ONOMOTION avec deux anciens partenaires commerciaux.

ONOMOTION compte désormais parmi ses clients Hermes, l’entreprise allemande de livraison de colis, UPS, la société mondiale de livraison et de logistique et DPD, le transporteur international basé en Belgique. Tous utilisent le transporteur à pédalage assisté.

Depuis peu, l'entreprise propose aussi des services à Paris et a ouvert une usine ultramoderne à Berlin.

M. Seelbach a déclaré qu'ONOMOTION prévoyait de partir à la conquête de nouveaux marchés, comme l’Autriche et le Royaume-Uni. Même si ces projets bénéficieront indubitablement à l’entreprise, il indique que les citadins en tireront aussi avantage.

«Lorsque notre projet aura atteint son plein potentiel, les consommateurs bénéficieront d'un air plus pur grâce à des émissions réduites, à des routes moins embouteillées et à des services de livraison plus efficaces», a ajouté M. Seelbach.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE, via le Conseil européen de la recherche (CER) dans le cas d’ONO. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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