Un chantier à l’arrêt, des millions déjà engagés, et une relance suspendue à un vote. L’autoroute A69, entre Castres et Toulouse, soulève bien des débats — mais qu’en est-il concrètement sur le plan économique ? Derrière la loi de validation votée au Sénat, ce sont des enjeux financiers majeurs qui s’invitent au cœur du débat.
A69 : le Sénat tente de sauver une autoroute à 300 millions

Une loi pour sauver un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros
Le 15 mai 2025, le Sénat a adopté un texte de loi visant à sécuriser juridiquement le projet d’autoroute A69, suspendu depuis février. En cause : l’annulation par la justice administrative des autorisations environnementales qui ont stoppé net un chantier déjà bien avancé. Cette loi, qualifiée de « validation législative », entend rétroactivement reconnaître l’intérêt public majeur du projet afin de permettre sa reprise.
Mais au-delà du débat juridique, un constat s’impose : l’infrastructure a déjà absorbé des financements considérables. L’entreprise Atosca, en charge du chantier via un contrat de concession, a engagé plus de 130 millions d’euros dans les travaux avant leur interruption. Selon les données budgétaires transmises au Sénat, un arrêt définitif du chantier entraînerait un surcoût potentiel estimé à 50 à 70 millions d’euros, notamment en frais de dédommagements et de désengagement contractuel.
Un axe autoroutier aux promesses économiques structurantes
L’enjeu est simple : pour les partisans du projet, ne pas construire l’A69 reviendrait à renoncer à un levier de développement local. L’autoroute doit relier Castres à Toulouse en 45 minutes contre 1h15 aujourd’hui. Pour un bassin de 100 000 habitants et des milliers de PME, c’est la promesse d’une meilleure attractivité logistique, de fluidité de circulation et d’ouverture commerciale.
Un rapport de la Chambre de commerce et d'industrie du Tarn chiffre à près de 80 millions d’euros par an les gains économiques escomptés à pleine capacité d’exploitation : économies de temps de transport, développement du tourisme de proximité, augmentation du trafic commercial et attractivité résidentielle.
Quant au trafic attendu, les estimations font état de 16 000 à 18 000 véhicules/jour sur le tronçon concerné, avec une part de trafic professionnel significative. Cette fréquentation justifie, pour les promoteurs du projet, le modèle de concession à péage, même si les tarifs n’ont pas encore été rendus publics.
Emplois, fiscalité, aménagement : une dynamique interrompue
L’arrêt du chantier a provoqué une onde de choc immédiate. Plus de 1 000 emplois directs et indirects liés aux travaux ont été suspendus en quelques semaines. Filières du BTP, sous-traitants, exploitants agricoles liés aux expropriations… Les conséquences sont réelles. À moyen terme, l’A69 devait générer environ 250 emplois pérennes, notamment en maintenance, exploitation, services routiers et développement local.
Sur le plan fiscal, les collectivités locales tablaient sur un effet levier important : entre 3 et 5 millions d’euros de recettes annuelles supplémentaires attendues via la revalorisation foncière, les droits de mutation, et la création de nouvelles zones d’activités le long du tracé.
Mais aujourd’hui, tous ces effets potentiels sont suspendus. La loi de validation, en permettant une reprise rapide du chantier, vise autant à sécuriser les investissements passés qu’à débloquer les retombées économiques à venir.
Une équation budgétaire risquée, mais potentiellement rentable
En définitive, le projet A69 soulève une question fondamentale : faut-il investir lourdement pour désenclaver un territoire, au risque de heurter des équilibres écologiques, ou accepter une inertie coûteuse à long terme ? Les calculs économiques penchent en faveur de la poursuite du chantier.
Toutefois, le modèle repose sur une hypothèse clé : la rentabilité à long terme via le trafic et l’activité économique induite. Or, si les prévisions de circulation ou de recettes s’avèrent surévaluées, les effets budgétaires pourraient se révéler déceptifs.
Le projet sera examiné à l’Assemblée nationale le 2 juin 2025. D’ici là, une autre échéance pèse : le 21 mai, la cour administrative d’appel de Toulouse doit se prononcer sur un recours pour suspendre définitivement les travaux. Autrement dit, avant même qu’une pelleteuse ne redémarre, c’est le calendrier judiciaire qui décidera de la rentabilité ou de la faillite d’un projet à plus de 300 millions d’euros.
