Loyer impayé : plus besoin de juge pour saisir le salaire du locataire

Un locataire qui ne paie pas son loyer ? Dès à présent, le propriétaire peut prélever une partie de son salaire, sans passer devant un juge. Une révolution pour les propriétaires, un coup dur pour les locataires qui ne payent pas faute de moyens alors que le coût de la vie augmente.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 23 juillet 2025 6h30
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arnaque, loyer, locataires, immobilier, propriétaire - © Economie Matin
4%Environ 4% des loyers en France ne sont pas payés pendant plus d'un mois

Depuis le 1er juillet 2025, une procédure inédite est disponible pour les propriétaires bailleurs : la saisie directe sur salaire, sans décision judiciaire préalable. Cette réforme, entrée en vigueur en application de la loi d’orientation du ministère de la Justice du 20 novembre 2023, transforme profondément l’équilibre des pouvoirs dans les conflits locatifs.

Une saisie sur salaire sans besoin d’un juge ? Les propriétaires fortement armés face à des locataires démunis

Jusqu’alors, seul un juge de l'exécution pouvait autoriser cette saisie. Désormais, les commissaires de justice (anciens huissiers) ont la main. Si un commandement de payer est resté lettre morte pendant un mois, ces officiers ministériels peuvent ordonner eux-mêmes le prélèvement d’une part du revenu net du locataire auprès de son employeur, sans audience ni assignation préalable.

Une procédure qui promet de désengorger les tribunaux, mais qui modifie également en profondeur les rapports de force entre bailleurs et locataires. Comme l’indique Service-Public.fr le 25 juin 2025 : « Le juge de l’exécution n’intervient plus en amont de la procédure. Il peut être saisi uniquement en cas de contestation. »

Loyers impayés : une procédure simple qui protège les propriétaires

Concrètement, tout propriétaire victime d’un impayé de loyer peut, après l’envoi d’un commandement de payer resté sans effet pendant un mois, mandater un commissaire de justice. Ce dernier pourra alors enclencher la saisie, à condition d’inscrire la procédure dans un registre numérique centralisé, comme l’exige l’arrêté du 23 juin 2025.

L’exécution est immédiate : une fraction du salaire net est directement transférée au bailleur, selon un barème national publié par le ministère de la Justice. Le montant prélevé dépend du revenu du locataire et du nombre de personnes à charge. Le simulateur mis à disposition par l’administration permet d’estimer la somme saisissable en fonction des ressources disponibles.

Comme l’explique Capital, « les commissaires de justice peuvent saisir une partie du salaire du locataire “directement, sans passer par un juge” ». Un mécanisme rapide et peu coûteux, destiné à renforcer la sécurité juridique des bailleurs, tout en maintenant des garde-fous. En effet, si le locataire conteste la procédure – notamment la régularité du commandement de payer ou le montant réclamé – le juge de l’exécution reste compétent pour trancher. Ce rôle résiduel garantit un équilibre minimal des droits, sans pour autant ralentir le processus initial.

Saisie sur salaire du loyer impayé : qui peut en bénéficier ? Et dans quelles conditions ?

Ce nouveau droit est réservé aux bailleurs privés ou sociaux, qu’ils soient personnes physiques ou morales, à condition de justifier d’un bail régulier (meublé ou non). Le loyer doit avoir été réclamé officiellement via un commandement adressé par commissaire de justice.

Ce dernier constitue désormais le pivot du dispositif. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, ces officiers doivent centraliser toutes les procédures de saisie dans un registre numérique unique, ce qui garantit une traçabilité et évite les abus. Comme le précise l’arrêté du 20 juin 2025, ces missions sont tarifées de manière stricte, avec un plafond de frais fixé par décret.

À noter que la réforme s’applique y compris aux contentieux en cours engagés avant le 1er juillet 2025. Dans ce cas, un délai de trois mois est prévu pour transférer les procédures vers un commissaire de justice, conformément au décret n° 2025-125 du 12 février 2025.

Cette généralisation s’inscrit dans un mouvement plus large. « La réforme du 1er juillet s’inscrit dans un mouvement plus vaste de déjudiciarisation de la justice, dont l’objectif est de désengorger les tribunaux », explique la Chambre nationale des commissaires de justice.

Loyers impayés : une arme nouvelle face à une crise ancienne

Pourquoi une telle évolution ? Parce que les impayés de loyer explosent. Selon le ministère du Logement, plus de 1,5 million de foyers sont concernés chaque année, et 500 000 commandements de payer sont délivrés. En 2024, 24 000 expulsions ont été exécutées avec le concours de la force publique.

Cette réforme entend donc fluidifier le recouvrement des loyers, tout en encadrant juridiquement les actions engagées. Pour Danielle Dubrac, présidente de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis), citée par Capital : « Le juge n’intervient plus qu’en cas de contestation, par le locataire, du commandement de payer. » Reste à savoir si cette justice expresse, déployée dans un contexte de forte tension sociale, ne viendra pas accroître la précarisation des ménages les plus fragiles.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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