Percer les secrets de la planète Mars

Une simulation de la géologie et de l’hydrologie de la planète rouge révèle comment le paysage a changé, facilitant la recherche de sites d’atterrissage pour de futures missions.

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Par Horizon Publié le 5 juillet 2023 à 5h30
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50%Le diamètre de Mars est environ 50% inférieur à celui de la Terre.


L’homme est fasciné par Mars, probablement depuis que le premier représentant de son espèce a levé les yeux vers le ciel étoilé. L’exploration spatiale témoigne de cette fascination permanente.

Depuis les années 60, plus de 40 missions ont tenté d’atteindre la planète rouge. De ce fait, on compte aujourd’hui trois rovers actifs sur Mars, ainsi qu’un atterrisseur et un hélicoptère, tandis que huit sondes orbitales tournent autour de la planète.

Un intérêt particulier

«Un grand nombre de planètes et de lunes de notre système solaire sont très intéressantes, mais Mars est un peu spéciale», a déclaré François Forget, spécialiste de l’atmosphère à l’Université de la Sorbonne, en France. «Aujourd’hui, Mars est assez similaire à la Terre, mais autrefois, il y a 3 à 4 milliards d’années, elle avait encore plus de points communs avec elle.»

Si l’exploration poussée menée jusqu’à aujourd’hui a conduit à la production d’une multitude de données géologiques, il reste beaucoup d’inconnues sur la quatrième planète la plus proche du Soleil.

Des signes révèlent qu’un océan autrefois immense couvrait l’hémisphère nord de Mars, tandis qu’ailleurs on a trouvé dans le sol des balafres creusées par des rivières et des glaciers.

Pourtant, les processus climatiques qui ont façonné la planète telle que nous pouvons l’observer aujourd’hui restent un mystère.

Il y a 4 milliards d’années, lorsque la vie a commencé à apparaître sur Terre, il y avait des rivières et des lacs d’eau liquide sur Mars. Ceci conduit à envisager que la vie se soit aussi développée sur Mars.

Mais les scientifiques s’intéressent également aux processus qui ont créé la planète sèche et désertique que l’on connaît aujourd’hui et à ce qu’ils pourraient révéler sur le climat de notre planète.

Certaines zones de la surface de Mars datent de plus de 3 milliards d’années. Aucune donnée de ce type n’est disponible sur la Terre car elle a été modifiée fondamentalement par la vie, qui a effacé une grande partie de l’histoire ancienne de la planète.

Mars a autre chose de spécial: les astronautes rêvent tous à un moment ou à un autre d’y aller.

L’Agence spatiale européenne, ou ESA, et la National Aeronautics and Space Administration (NASA), aux États-Unis, travaillent à envoyer des astronautes sur Mars.

L’épreuve du temps

M. Forget est le chercheur principal d’un projet financé par l’UE qui développe un modèle de l’évolution de Mars dont le but est d’apporter des réponses à certaines des questions que l’on se pose sur son histoire.

Appelé Mars through time, le projet a débuté fin 2019 et devrait durer quasiment jusqu’à fin 2025.

Selon M. Forget, les modèles climatiques dont on dispose actuellement pour Mars ne couvrent que de courtes périodes de son histoire (plusieurs années) et simuler l’impact d’éléments tels que glaciers, rivières et lacs s’avère délicat, en particulier sur de longues périodes.

Le modèle du projet est conçu pour couvrir plusieurs milliers, voire plusieurs millions d’années, et pour simuler l’évolution passée des caractéristiques géologiques ainsi que les changements subis par l’atmosphère.

Les modèles climatiques actuels nécessitent de formuler des hypothèses sur les endroits où l’eau aurait pu se trouver à la surface de la planète. De son côté, l’hypothèse de l’évolution de Mars a pour objectif de déterminer où l’eau se serait naturellement développée et aurait atteint un équilibre stable, poursuit M. Forget.

Pour cela, il convient d’intégrer plus de détails au modèle, comme l’effet des microclimats.

Par exemple, sur une planète, les pentes qui font face à un pôle sont généralement plus froides, ce qui peut entraîner la formation de glace et de glaciers. Sur les pentes plus chaudes faisant face à l’équateur, il est plus probable qu’il y ait eu de l’eau sous forme liquide.

«Si vous deviez simuler la Terre sans avoir aucune information sur elle, vous mettriez de l’eau dans les océans puis, lentement, son modèle d’évolution fabriquerait, par exemple, les calottes glaciaires de l’Antarctique», a expliqué M. Forget. «Si vous faites la même chose pour Mars, bien entendu le modèle créera des lacs, des mers et des rivières.»

Il intègre également des changements de grande ampleur qui se produisent sur des échelles de temps géologiques plus longues. L’inclinaison de l’axe de rotation de Mars, ou «obliquité», change généralement tous les 50 000 ans. Ce phénomène provoque des changements climatiques à grande échelle.

Glaciers de dioxyde de carbone

Pour utiliser le modèle, les scientifiques s’appuient sur des données connues du passé de Mars, comme la géologie et la topographie, l’emplacement des rivières, des lacs et des glaciers et la composition atmosphérique. Ils font également des hypothèses sur les données manquantes.

Pendant la simulation, les scientifiques ajustent leurs hypothèses et les paramètres jusqu’à ce que l’évolution du modèle de Mars corresponde aux connaissances dont on dispose actuellement sur la planète, sur son passé et sur son présent.

Une fois qu’un modèle correspond aux données géologiques, il apporte des informations sur l’environnement, la chimie et l’atmosphère de la planète ainsi que sur la manière dont ils ont changé, toujours d’après M. Forget.

Jusqu’à présent, le modèle a confirmé que certaines moraines (débris laissés par les glaciers) d’apparence insolite, proviennent probablement de glaciers constitués de dioxyde de carbone gelé.

Les simulations ont également suggéré de quelle façon ces glaciers de CO2 auraient pu se former et ont montré qu’ils auraient provoqué des changements spectaculaires dans la composition de l’atmosphère de Mars.

Pour tester une théorie sur la façon dont l’eau liquide aurait pu exister à la surface de Mars, des scientifiques ont ajouté un paramètre riche en hydrogène à leur modèle pour obtenir une indication possible de la manière dont le climat de Mars aurait pu devenir suffisamment chaud pour conduire à la formation de lacs et de rivières liquides.

Le modèle a montré que si Mars avait eu une atmosphère riche en hydrogène dans le passé, un effet de serre important aurait pu se développer et augmenter la température de la planète.

Retenues d’eau gelée

À l’autre extrémité du spectre de température, une meilleure compréhension de la formation des glaciers et de l’endroit où de l’eau gelée pourrait exister aujourd’hui, pourrait aider à organiser des missions habitées vers Mars.

«D’après la NASA, avoir accès, sans trop de difficulté, à de l’eau sous forme glacée sur Mars sera très utile», a déclaré M. Forget. «La NASA a constitué des équipes chargées de chercher où trouver de l’eau sous forme glacée, et le projet Mars through time peut vraiment y contribuer.»

Les recherches menées par l’UE pourraient également apporter des informations sur les endroits où l’on pourrait trouver de l’eau liquide. En l’occurrence, ce sont des zones dans lesquelles les astronautes ne veulent pas atterrir.

Leur réticence est due à un concept connu sous le nom de «protection planétaire». La dernière chose que veulent les astronautes, c’est contaminer Mars avec des micro-organismes apportés de la Terre, en particulier dans l’eau liquide où ils pourraient prospérer.

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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