Mercosur : Comment préserver les petites entreprises face aux enjeux du libre-échange ?

Les accords de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, et Bolivie) sont au cœur des tensions actuelles. Très médiatisée, la colère des agriculteurs, alimentée par des écarts de normes et des pratiques de concurrence déloyale, illustre des défis bien plus vastes. Ce problème touche également d’autres secteurs économiques, mettant en lumière les limites de la structure économique actuelle pour protéger les plus petites entreprises.

Florian Dubart
Par Florian Dubart Publié le 21 janvier 2025 à 4h30
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Mercosur : Comment préserver les petites entreprises face aux enjeux du libre-échange ? - © Economie Matin
1,5%La viande bovine issue du Mercosur représenterait 1,5% du marché européen.

Un libre-échange inéquitable, des impacts systémiques

Les accords de libre-échange sont, par définition, des systèmes de concessions réciproques : des secteurs gagnent, d’autres perdent. Dans le cas du Mercosur, les droits de douane réduits réjouissent l’industrie automobile européenne, mais au prix de nouvelles fragilités pour les agriculteurs français. Ces derniers doivent faire face à des importations produites selon des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moins exigeantes.

D’autres accords, tels que celui conclu avec la Nouvelle-Zélande, témoignent également des effets néfastes de ces pratiques. Par exemple, la France importe aujourd’hui les trois-quarts des agneaux consommés de Nouvelle-Zélande, conséquence d’arrangements géopolitiques historiques comme l’affaire du Rainbow Warrior.

Selon les zones géographiques mondiales et les secteurs d’activités, la France elle-même bénéficie de ces accords internationaux en défavorisant les autres économies comme c’est le cas avec certains pays d’Afrique de l’Ouest dont le système agricole est mis à mal au profit d’industriels français notamment sur l’importation de la poudre de lait.

Mais ces dynamiques illustrent une problématique plus large : celle de la mise en concurrence systématique des petites structures avec des géants économiques, tant sur le plan national qu’international.

Des normes françaises accusées à tort

Si les normes françaises et européennes sont souvent pointées du doigt comme une entrave à la compétitivité, il est crucial de rappeler leur rôle protecteur. Elles garantissent la sécurité alimentaire, la préservation des écosystèmes et de meilleures conditions de travail pour les producteurs locaux. Pourtant, ces mêmes normes deviennent un fardeau lorsque les petites exploitations agricoles sont confrontées à des concurrents internationaux ou à des acteurs locaux démesurément puissants, comme les grands groupes industriels. 

En France, 20 % des exploitations captent près de 80 % des aides de la Politique agricole commune (PAC). Ces aides, calculées à l’hectare ou à la tête de bétail, profitent principalement aux grandes exploitations, laissant les petits producteurs en difficulté face à des coûts de production souvent supérieurs à leurs prix de vente. En parallèle, les marges des industries agroalimentaires ont explosé, passant de 28 % à 48 % entre 2021 et 2023.

Une concurrence interne exacerbée

Les problèmes ne se limitent pas à la compétition internationale. Sur le marché européen, les intérêts divergent entre pays membres. L’Allemagne, par exemple, privilégie le gaz russe et le charbon pour son industrie automobile, au détriment du nucléaire soutenu par la France. Ce choix impose à l’UE des priorités énergétiques qui ne sont pas partagées par tous ses membres.

En outre, les conflits d’intérêts sapent la représentativité des filières. Le cas d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et du groupe Avril (spécialisé dans les huiles et protéines végétales), illustre bien cette dualité entre défense des intérêts agricoles et stratégies d’industrialisation des matières premières agricoles.

Des solutions pour un commerce plus équitable

Face à ces défis, des solutions existent pour rééquilibrer les rapports de force et rendre les échanges plus justes :

1. Renforcer l’application des clauses miroirs : Imposer des normes sociales, sanitaires et environnementales identiques pour les produits importés et locaux limiterait la concurrence déloyale.

2. Revoir les mécanismes de la PAC : Adapter les subventions pour qu’elles soutiennent davantage les petites exploitations et intègrent des critères liés à la durabilité.

3. Encadrer les pratiques tarifaires : Introduire un prix minimum d’entrée pour les produits importés et réglementer les marges des acteurs de l’agro-industrie.

4. Favoriser la transparence : Un étiquetage détaillé sur l’origine des produits et leurs méthodes de production, notamment en cas d’utilisation d’OGM, est essentiel pour responsabiliser les consommateurs.

5. Accélérer la diversification agricole : Encourager la culture des semences paysannes et accompagner les exploitations vers une transition progressive et réaliste pour réduire leur dépendance aux pesticides.

6. Créer une union des filières multisectorielles : Renforcer la coopération entre les secteurs pour échapper à la concurrence interne.

7. Mieux accompagner les agriculteurs : Proposer des compensations financières pour les hausses de taxes sur le gaz non routier (GNR) et inciter à l’adoption de solutions plus résilientes.

Une problématique universelle

Le sort des agriculteurs impactés par le Mercosur est loin d’être un cas isolé. Il reflète une réalité partagée par de nombreuses petites structures, qu’il s’agisse de producteurs agricoles ou de TPE dans d’autres secteurs. Majoritaires en nombre, mais marginalisées par les grands acteurs économiques, elles subissent une concurrence déloyale qui les oblige à s’aligner sur des standards souvent insoutenables.

Pour répondre à ces défis, il est impératif d’instaurer une véritable équité des échanges, soutenue par des politiques publiques ambitieuses et des choix de consommation éclairés. La transition vers un commerce plus responsable est non seulement une question d’éthique, mais également un impératif pour la pérennité de notre tissu économique.

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Florian Dubart

Co-fondateur - Revolucy

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